JEAN-PAUL DIAS «IL FAUT DEUX PRÉALABLES À UN DIALOGUE POLITIQUE AVEC WADE»

JEAN-PAUL DIAS «IL FAUT DEUX PRÉALABLES À UN DIALOGUE POLITIQUE AVEC WADE» DANS CE DEUXIÈME ET DERNIER JET DE NOTRE INTERVIEW AVEC JEAN-PAUL DIAS, LE PREMIER SECRÉTAIRE DU BCG POSE DEUX CONDITIONS POUR QU’UN DIALOGE POLITIQUE AVEC LE PRÉSIDENT WADE PUISSE AVOIR DES CHANCES DE SUCCÈS. Il ABORDE, EN PASSANT, LA CRISE DANS LES SECTEURS DE L’ENSEIGNEMENT ET DE LA MAGISTRATURE, SANS OUBLIER DE DONNER SON POINT DE VUE SUR LES PLANS JAXAAY ET REVA MAIS AUSSI SUR L’ÉMIGRATION CLANDESTINE.

Comment accueillez-vous la nouvelle main tendue de Wade à l’opposition ?

J.P.Dias : Dialoguer pour faire quoi ? Dans quel but ? Wade est habitué à ce genre de choses. C’est de la poudre aux yeux qu’il jette périodiquement pour divertir les gens et les détourner.Regardez comment il a accueilli les enseignants. Il les a quasiment insultés. Je vous renvoie à l’une des dernières rencontres qu’il a eues avec les membres de la Cpa, il les a aussi presque insultés.Aujourd’hui on nous dit que ce sera des rencontres individuelles, ça sera la même chose. Il n’en sortira rien.. Et pendant ce temps, il utilisera ces rencontres à des fins politiciennes pour se refaire une image de démocrate aux yeux de l’opinion internationale. Regardez les opposants qu’il avait mis dans sa valise pour les amener à l’Unesco à Paris.. Il leur avait tous promis un poste dans son gouvernement. Où sont-ils, aujourd’hui, ces gens-là ? Je suis sûr qu’ils regrettent tous leur geste. Wade est un homme qui ne dit jamais la vérité.. C’est pourquoi ses mains tendues ne servent à rien. Maintenant ce qui peut-être fait c’est que Wade décide qu’on revienne à l’ancien fichier, Celui de 2.000 avec lequel il a gagné les élections. Ce fichier est toujours là. Deuxièmement qu’il renonce à proroger son mandat. Parce que cette question n’est pas encore réglée puisqu’il ya quelques godillots qui disent ça et là que cela ne se fera pas. Si Wade applique ces deux préalables, à ce moment-là, toutes les voies seront ouvertes pour toute discussion possible. Mais tant qu’il ne ferra pas ça, ces appels au dialogue ne serviront à rien.

Depuis trois jours, l’océan atlantique charrie sur une plage vers Mboro des cadavres d’émigrants clandestins, autant dire que la série macabre se poursuit. Qu’est-ce que tout cela vous inspire ?

J.P Dias : C’est le désespoir qui confirme l’échec de la politique économique de Wade.Il ya un échec social qui est aussi lié à un échec économique.Puis que ces jeunes veulent partir à la recherche d’une meilleure situation. S’ils l’avaient ici, ils ne tenteraient pas cette aventure funeste. Ces jeunes partent d’un pays où l’économie a été sabotée.

Pourtant, le pouvoir soutient qu’il a une excellente politique de jeunesse et que beaucoup de choses ont été faites pour les jeunes en général à travers le Fnpj, l’Anej…. et même d’autres projets en vue comme le plan Reva par exemple….

Le plan Reva c’est du cinéma. Personne n’en veut. Parce que voici un régime qui n’est même pas fichu de racheter correctement les intrants et autres produits agricoles et vous voulez que quelqu’un aille se jeter dans l’agriculture sans espoir d’avoir un débouché. Je vous signale que depuis que Wade est là la politique agricole au Sénégal est nulle. Il a enterré le projet de revitalisation des vallées fossiles pour parler d’un plan hydraulique national or ce plan, personne ne l’a jamais vu. C’est pour vous dire, une fois de plus, que c’est un homme qui rêve, qui ne dit jamais la vérité et qui ne réalise absolument rien de concret. Quant au plan Reva, d’abord que Wade et ses ministres commencent par envoyer leurs enfants dans le plan Reva. Et puis, depuis l’an 2.000 Wade ne dit pas la vérité dans ce pays. Et le cas de tous ces jeunes qui se jettent à la mer prouve le contraire de ce dit Wade. C’est ça qui est scandaleux... L’échec de Wade est pluridisciplinaire, multipolaire. Evidemment dans son monde de « l’alternoce » il ya ses jeunes à lui à qui il a donné de l’argent, qui sont très riches, qui vivent très bien, Ok ! malgré l’échec de tous ces fonds et autres agences chargés de financer les jeunes.

Cette année a été particulièrement difficile pour le secteur éducatif national avec cette crise qui l’a paralysé et qui est due à la grande grève des enseignants, au boycott des examens et à la rétention des notes des élèves et à l’échec des négociations entre l’Etat et les syndicalistes. Qu’est-ce tout cela vous inspire ?

J.P.Dias : Sur le fond, les enseignants ont raison. Il n’est pas normal qu’ils fassent des réclamations sur des sommes aussi modestes et que celles-ci ne soient pas satisfaites. Là où Wade a augmenté les salaires de ses ministres, des gouverneurs et préfets, des magistrats…il n’est pas normal que des revendications aussi modestes que celles des enseignants ne soient satisfaites. Maintenant du point de vue de la forme, je désapprouve ce qu’ils ont fait. Parce que ces jeunes-là ainsi que les parents d’élèves ne peuvent rien contre le gouvernement. Ils auraient attendre la rentrée pour bloquer les choses.. Je le dis honnêtement, je désapprouve la façon dont les examens se sont passés par la faute des enseignements. On peut faire la guerre mais on doit savoir jusqu’où s’arrêter.. A mon, avis les enseignants sont vraiment allés trop loin. Maintenant ce qui est fait étant déjà fait, les examens étant déjà terminés en dehors de l’entrée en sixième et du certificat d’études, je demande aux enseignants de reprendre le travail avec ces deux examens-là. Et maintenant à partir de la rentrée prochaine de remettre leurs revendications sur la table. Cependant nous voyons là un régime qui est incapable d’organiser des examens, incapable d’enlever les ordures, incapable de garantir un service minimum en matière d’énergie à l’économie et aux ménages. Donc, il sera tout à fait incapable d’organiser les élections.

Le Président Wade a dit que c’est l’opposition qui est derrière cette grève pour déstabiliser son régime et perturber les prochaines élections. Qu’en pensez-vous ?

J.P.Dias : « C’est lui qui a fait l’aveu selon lequel il organisait des perturbations dans le milieu scolaire, c’est donc lui qu’il faudrait traduire devant la justice.

L’autre grand dossier national, c’est la corruption dans la justice qui a récemment éclaté avec ce qu’on a appelé l’affaire Djiby Ndiaye. Quel est votre avis là-dessus ?

J .P .Dias : « Je suis vraiment gêné. Il ya des choses que je savais. C’est pourquoi, j’avais demandé de manière informelle à rencontrer l’union des magistrats sénégalais. Le président de cette union, m’a fait savoir qu’il était prêt à me recevoir à condition que je fasse une demande d’audience en expliquant pourquoi j’avais bien besoin d’eux. J’ai considéré que c’était excessif. Et j’ai renoncé. Mais trois jours après, il ya eu le scandale.Ce que je voulais leur dire, en tant que leur aîné à l’École nationale d’administration et de magistrature (Enam), c’est qu’il y avait des vérités que je voulais leur apporter et que je ne pouvais pas coucher dans un document écrit.

C’était quoi, ces vérités ?

J.P.Dias : Non, non, pour le moment, ce n’est pas nécessaire de retourner le couteau dans la plaie. J’avais des vérités à leur dire parce que mon séjour en prison m’a permis de découvrir ces vérités là. C’est cela que je voulais leur apporter pour leur demander de faire attention et de se parler entre eux et d’éviter un certain nombre de problèmes. Maintenant dans un pays quand il n’a plus de justice il ne reste plus que le recours aux militaires. Et si celui-ci ne vient pas, c’est forcément l’anarchie. Parce que la justice est le dernier rempart de la protection du citoyen. Ce qui se passe est choquant. Cela dit, je vais moi aussi, comme l’avocat Me El Hadj Diouf, vous sembler bizarre. Mais je souhaite qu’il y’ait des décisions d’apaisement. Car, comme tout le monde l’a constaté aujourd’hui, les magistrats rasent les murs. Ils ont reçu le coup de semonce. Je souhaite vis-à-vis des juges concernés qu’il n’y ait pas de sanctions négatives mais des décisions purement administratives et de clémence, je suis peut-être un sentimental, mais c’est mon souhait.

Oui mais vous avez, vous-même, reconnu que l’affaire est trop grave ; dans ce cas, on ne peut pas ne pas sanctionner sévèrement, ne serait-ce que pour l’exemple ?

J.P.Dias : Oui, d’accord, mais malgré tout, je suis pour des mesures d’apaisement. Je le dis parce que les plus grands corrompus, ceux vis-à-vis desquels il n’ya pas d’excuses, ce sont ces juges-là, du parquet comme du siège, qui se mettent aux ordres pour servir le pouvoir et attaquer les hommes politiques et même d’autres citoyens dans des dossiers vides et souvent politiques. Ceux là sont pires, surtout ceux du siège, que ceux qui sont corrompus par de l’argent sur de banals faits divers. C’est pourquoi, lorsque Amath Dansokho traduit devant la justice et jugé par un juge et un procureur mêlés dans cette affaire quelle crédibilité, quelle valeur voulez-vous qu’on donne à leurs sentences ? Et le plus choquant, c’est lorsque dans ce tribunal qui n’est pas un tribunal de flagrant délit, le juge dit qu’il ne reconnaît pas l’immunité parlementaire de Dansokho parce que l’affaire est une affaire de flagrant délit. Mais alors si cette affaire n’est pas un flagrant délit, dites que vous n’êtes pas compétent pour en juger.Et que donc le tribunal de flagrant délit s’en occupe. Mais non, vous voulez vous en occuper coûte que coûte alors que vous reconnaissez que ce n’est pas une affaire de flagrant délit.Et sur cette base-là que vous méconnaissez son immunité parlementaire. C’est de la forfaiture. C’est inacceptable. Et cela rejoint aussi le Conseil constitutionnel. Cette Institution judiciaire qui passe tout son temps à se déclarer incompétente pour connaître des affaires qui sont de sa compétence…. C’est une attitude de déni de justice. Et c’est pire que la corruption. On a vu des présidents de tribunal recevoir des coups de fil et augmenter une peine aussitôt après avoir prononcé une sentence beaucoup moins lourde. C’est pire que la corruption. Et c’est ce qui s’est passé à Diourbel avec le procès de Pape Diouf. Maintenant, il faut que les magistrats se reprennent en se disant la vérité entre eux à travers une sorte d’états généraux auxquels ils inviteraient des hommes politiques ;pour se dire des vérités. S’ils ne le font pas, les citoyens seront dans l’obligation de se défendre.

Les logements du plan « jaxaay » ont commencé à être livrés à leurs bénéficiaires. Le Pm Macky Sall a officiellement déclenché le processus aujourd’hui (dimanche). C’est un pari tenu, non ? Qu’en pensez-vous ?

J.P.Dias :Je dois signaler qu’il y’a un problème... C’est qu’on avait annoncé 3.000 logements. Et un an après, ce sont seulement 2.00 logements qui sont prêts. C’est là aussi un aveu d’échec.

Mais ce n’est qu’un début, le Pm Macky Sall a promis que d’ici au mois de février prochain , 2.000 logements seront effectivement prêts.

J.P.Dias : Encore une fois, ce sont 3.000 logements qu’on avait promis de livrer avant fin 2006. C’est la preuve de l’incompétence de ce régime. Les Sénégalais ne doivent pas s’imaginer qu’il y a de l’avenir avec ce régime…Je rappelle que le plan Jaxaay, au départ, c’était pour les sinistrés et ils ont dit que c’était gratuit. Et maintenant, ils vont vendre. Ce sont les sinistrés qui étaient sur les sites qui vont trinquer. Ils vont être sacrifiés. Ils seront morts de chagrin.