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Vendredi 01 Juin, 2018 +33
Politique

LA CHRONIQUE DE DMF: Violence d’Etat

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LA CHRONIQUE DE DMF: Violence d’Etat

Personne ne veut prendre la responsabilité de l’intervention brutale des forces de l’ordre à l’intérieur de l’Université Cheikh Anta Diop (Ucad). C’est navrant. Vendredi dernier, jour de la révolte estudiantine et des brutalités policières, le directeur du Coud (Centre des œuvres universitaires de Dakar) avait clairement défini à notre confrère Ndiaya Diop de Sud FM les limites de ses responsabilités. Voilà ce qu’il avait dit au micro de mon confrère : « Ce n’est pas à moi de faire appel aux forces de l’ordre. Je rends compte à qui de droit. C’est-à-dire au président du Conseil de l’Université, le Recteur et au ministre de tutelle, le Ministre de l’Education nationale. Quand il y a des menaces sur la sécurité des biens et des personnes, c’est à ces derniers de prendre les mesures qui s’imposent ». Ce n’est donc pas la prérogative du directeur Iba Guèye de faire intervenir la troupe au campus, mais celle du Recteur Abdou Salam Sall ou du ministre Moustapha Sourang. Son rôle à lui consiste à rendre compte de la situation aux autorités compétentes si l’on comprend bien le directeur du Coud.

Cependant ce mardi matin, cette version a été battue en brèche et même formellement démentie par le ministre de l’Intérieur, dans une interview accordée à nos confrères de Walfadjiri. Me Ousmane Ngom qui est le patron des forces de l’ordre qui ont brutalisé les étudiants explique qu’ « il était de notre devoir de rétablir l’ordre. Nous ne l’avons même pas fait spontanément. Nous l’avons fait à la demande des autorités universitaires et notamment à la demande du directeur du Coud (…) Un appel alarmant du directeur du Coud nous a été lancé pour une intervention à l’intérieur de l’université, précisément au niveau de la direction du Coud (..) C’est vraiment fâcheux que l’opinion ne sache pas qui a réellement fait appel à l’intervention brutale des forces de l’ordre. Le régime libéral n’a pas l’intention de prendre ses responsabilités dans cette affaire et se dérobe derrière des faux-fuyants. Il fait également preuve d’un étonnant manque de solidarité gouvernementale : qui de l’Education ou de l’Intérieur est responsable de la situation ?

Probablement les deux ministères partagent-ils une même responsabilité mais pas au même niveau. Le Ministère de l’Education nationale et son département universitaire ont laissé pourrir la colère des étudiants pendant trois semaines, tandis que le Ministère de l’Intérieur a mis un arrêt brutal mais seulement momentané à la crise qui couvait. En vérité, la brutalité de l’intervention policière n’a pas du tout mis fin aux revendications estudiantines ni à la détermination des étudiants de poursuivre la lutte sous d’autres formes. Sa proportion extrêmement brutale est vue en fait comme une provocation par les jeunes gens et appelle de leur part une vive réaction. Elle n’a fait que retarder l’échéance d’une volonté politique de se pencher vraiment sur la plate-forme revendicative des étudiants. Tout n’est pas rose sur le campus, ce n’est pas de la démagogie de le reconnaître. La mauvaise foi n’a pas fait défaut à l’ardeur guerrière des forces de répression menées par Me Ngom. Elles ont soi-disant investi le campus pour remettre de l’ordre et sauver des vies et des biens en danger.

Nous avons l’impression que les forces de l’ordre étaient bien plus intéressées à casser les étudiants et leurs biens. Car en dehors d’un supposé vigile qui aurait été prétendument menacé par les étudiants d’immolation imminente, les forces de l’ordre ont donné l’impression de s’être plus occupé à briser de l’étudiant qu’à sauver un pôvre vigile prévu pour passer à la casserole estudiantine. Nous demandons à voir de près cette histoire de vigile d’ailleurs. Comment comprendre qu’un vigile ait cherché à s’opposer tout seul à une horde d’étudiants en furie alors que le directeur du Coud prenait lui prudemment la tangente par la porte du « couloir de la mort » ? C’est insensé et peu probable comme scénario. Et même après avoir sauvé la vie du vigile et assuré la sécurité des biens, qu’est ce qui expliquerait la manière dont les forces de l’ordre se sont ensuite déchaînées sur les étudiants, foulant du pied les droits humains les plus élémentaires, quoi qu’en dise le ministre de l’Intérieur ? Le bon sens et la mesure n’admettent pas que les forces de l’ordre se soient mesurées à plus faible qu’eux, en pourchassant de l’étudiant jusque dans les chambres et en les matraquant jusqu’au massacre. Il est sûr et certain que les forces de l’ordre ne se comporteraient pas ainsi si elles n’avaient pas reçu la licence non écrite - il ne faut pas laisser des traces - de pouvoir le faire.

C’est odieux de frapper des étudiants râleurs certes et d’utiliser contre eux une force disproportionnée. Ce n’est pas courageux de se cacher derrière la force de la loi pour se défouler contre des gens désarmés. Nous ne pensons pas que les forces de l’ordre étaient obligées de défoncer les chambres des étudiants pour les en déloger comme on enfume les rats dans leurs trous. Les forces de l’ordre n’avaient pas besoin de faire montre d’une force aveugle en poussant certains étudiants à sauter du deuxième étage. Pour remettre l’ordre, il n’était pas nécessaire de pousser l’outrance jusqu’à vandaliser les travaux universitaires et les données stratégiques contenues dans les ordinateurs portables des étudiants. Sait-on seulement combien ces outils didactiques coûtent-ils et combien ils sont utiles à l’étudiant ?

Rien ne saurait expliquer la brutalité aveugle qui a mis hors service les outils de travail des étudiants. Rien ne saurait non plus expliquer la férocité et la sauvagerie de la réaction des forces de l’ordre à l’encontre des étudiants de l’Ucad et de Gaston Berger. Le policier blessé par les projectiles des étudiants et dont la sanglante photo a orné la une de Walfadjiri mérite lui aussi la compassion et l’attention de tous les citoyens. Lorsque les forces de l’ordre ne sont pas utilisées à des tâches de répression et à mater de l’étudiant, de l’opposant et du syndicaliste, elles nous sont extrêmement proches et sympathiques. Qui dans sa famille n’a pas donné un policier, un gendarme ou un militaire à l’Etat ? Mais au moins un policier sait qu’il peut être blessé au front. Ce n’est pas la vocation d’un étudiant de se briser en mille morceaux sous les coups de matraque de la terreur policière ni de manger continuellement des aliments impropres à la consommation. Rien n’explique non plus que notre président bien aimé se contente de pointer du doigt les agitateurs professionnels des campus, en ignorant les raisons de la colère des étudiants. Ayant passé une vingtaine d’années dans l’opposition, Me Wade, notre président bien aimé, doit certainement savoir de quoi il parle. Mais les agitateurs ne peuvent agiter que ce qui est déjà trouble au fond du canari. C’est trop facile. Maître peut mieux faire.

 



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