Mardi 16 Avril, 2024 á Dakar
Vendredi 01 Juin, 2018 +33
Politique

La Dic enquête sur les supposées « sociétés fictives » de Idrissa Seck : Qui est Ibrahima Touré dit Ito ?

Single Post
La Dic enquête sur les supposées « sociétés fictives » de Idrissa Seck : Qui est Ibrahima Touré dit Ito ?
Source : Le Populaire
Ibrahima Touré dit « Ito » est-il, comme on le dit, un obscur prête-nom aux commandes d’une myriade de sociétés fictives - c’est-à-dire sans existence légale - créées par l’ancien Premier ministre pour blanchir les énormes sommes que les tenants du pouvoir l’accusent d’avoir subtilisées des deniers publics ? Qui est « Ito » ? Qu’est-ce qui le lie véritablement à Idrissa Seck ? Pour répondre à toutes ces questions, nous avons - depuis deux semaines, bien avant que cette histoire de « sociétés fictives » ne se répande sur la voie publique - mené enquête et interrogé des experts en la matière.

Né il y a cinquante deux ans (52) à Dakar, Ibrahima Touré figure en bonne place au sein de ce cercle restreint d’hommes qui comptent dans l’entourage du maire de Thiès et ancien Premier ministre. Un homme réputé très effacé, qui goûte peu à la chose politique. Son dada, c’est plutôt les affaires. Pensionnaire de l’école élémentaire de Thiong, des cours privés Sacré-Cœur où il a achevé son cycle secondaire, il fréquente les universités de Dakar, Paris V et l’Institut d’administration des entreprises de Caen. Fraîchement diplômé au début des années 80’, il est recruté par la célèbre société Price Waterhouse comme Conseiller juridique et fiscal à Paris.

Un produit de Price Waterhouse

Et c’est au milieu des années 80 qu’il intègre le cabinet d’audit Mayoro Wade/Price Waterhouse où il fait la connaissance, en 1987, d’un auditeur qui s’appelle Idrissa Seck. Les deux hommes se lient d’amitié et feront équipe dans nombre de missions stratégiques menées par le cabinet Mayoro Wade : privatisations de la Sénélec, de la Caisse de péréquation, de la Sonatel etc. En 1991, Idrissa Seck fait part de nouvelles prétentions salariales au boss du cabinet avant de fomenter une jacquerie qui y provoquera une saignée : lui, Opa Ndiaye et un certain Blaise Diadhiou claquent la porte pour fonder à la rue Malenfant un cabinet d’audit et d’expertise comptable dénommé Associated Consultant Groupe-Afrique (Acg-Afrique) ; ce groupe volera ensuite en éclats avec le départ de Blaise Diadhiou qui fonde, en 1998, le cabinet Audit Management Consulting Service (Amcs). Entre-temps, Ibrahima Touré quittera à son tour, en 1996, Mayoro Wade pour mettre sur pied le Cabinet Ito qui s’active dans l’audit et les conseils fiduciaires. Toutes péripéties qui n’entameront pas les liens tissés par cette bande de copains : à la faveur de l’Alternance survenue le 19 mars 2000, Idrissa Seck, devenu tout-puissant N°2 du Parti démocratique sénégalais (Pds) et de l’État, fera de Opa Ndiaye, en 2003, ministre du Plan dans son gouvernement ; Ito dont les affaires prospèrent, mais que la politique rébute, demeure l’ami très écouté du bras droit de Me Wade.

Ito et Idy : une amitié vieille de vingt ans

En quoi consiste son job ? Qu’est-ce qu’un conseiller fiduciaire ? Toutes les définitions que donne le Larousse du nom et de l’adjectif - fiducie et fiduciaire - renvoient à son étymologie latine : fiducia qui veut dire confiance. Fiduciaire se dit de valeurs fictives, fondées sur la confiance accordée à qui les émet. Par exemple, le billet de banque est une monnaie fiduciaire. Une société fiduciaire effectue des travaux comptables, juridiques, fiscaux, d’organisation, d’expertise etc., pour le compte des entreprises privées. En droit civil, le terme fiducie définit une acquisition apparente par un créancier d’un bien remis par son débiteur à titre de garantie et à qui il doit le restituer à l’extinction de la dette. Et, selon un expert en la matière avec qui nous nous sommes entretenus, cette « pratique qui consiste à confier ses affaires à autrui est vielle et trouve son origine notamment en Angleterre et aux États-Unis. C’est une pratique anglo-saxonne ». Poursuivant son propos, notre interlocuteur renseigne que « ce mécanisme se définit par le transfert de biens accompagné d’une mission de gestion et/ou d’administration de ceux-ci à autrui, dénommé trust ». Et revient l’idée de confiance car l’expression « to trust » signifie « avoir confiance » dans la langue de Shakespeare. Un terme d’ailleurs francisé car le Larousse le définit d’une part comme un groupement d’entreprises qui, quoique conservant leur autonomie juridique, sont contrôlées par une société mère, et d’autre part comme un entreprise très puissante exerçant son influence sur tout un secteur de l’économie. Cependant, notre interlocuteur affirme que « le droit d’expression latine connaît aussi la même pratique sous le vocable de fiducie. La définition du droit francophone se conçoit comme suit : c’est un contrat par lequel un constituant transfère tout ou partie de ses biens et droits à un fiduciaire qui, tenant ces biens et droits séparés de son patrimoine personnel, agit dans un but déterminé, conformément aux stipulations du contrat moyennant rémunération ». Et manifestement convaincu de la science de son ami Ito, l’ancien Premier ministre l’aurait choisi et « cette technique qui permet de faire gérer par autrui un patrimoine, une masse de biens, un portefeuille d’actions, un fonds de commerce etc. » Toujours, selon notre consultant, « les biens transférés forment un patrimoine séparé du patrimoine personnel du fiduciaire, donc un patrimoine d’affectation ».

Ensemble aux côtés de Mayoro Wade

En somme, pour notre interlocuteur, « aujourd’hui, ramené à Seck où il n’a été question que d’administrer des biens et portefeuille d’actions par le biais d’une personne morale, la pratique s’inscrit parfaitement dans la légalité et le mécanisme juridique parfaitement connu et strictement défini. La seule limite à cette pratique tient du respect des règles d’ordre public ». Mais se pose une autre question : dans le portefeuille de Ito, lourd de près de quatre-vingt (80) sociétés, figure-t-il une demie dizaine appartenant à Idrissa Seck et qui seraient fictives ? Nombre d’acteurs du domaine de la fiducie que nous avons interrogés réfutent cette hypothèse. Primo, ils mettent en avant le caractère suicidaire qui consisterait pour Ito à bousiller sa carrière, sa réputation, et par voie de conséquence à mettre le feu à son portefeuille en flirtant avec une parfaite illégalité. Secundo, revenant sur l’importance du portefeuille que détient le conseiller fiduciaire, ils citent une pléthore de grosses entreprises qui se sont liés à Ito. Vérifications faites, nous avons constaté que - de l’assistance juridique, fiscale et comptable à l’administration de liquidation de société, en passant par la gérance administrative, financière, juridique, fiscale et sociale - le cabinet Ito a contracté avec d’importantes entreprises dont une grande compagnie d’aviation, des sociétés immobilières, des holding etc. Ceci dit, se pose une autre question : a-t-on mené une enquête en profondeur avant de lâcher la rumeur selon laquelle les sociétés ciblées seraient fictives et appartiendraient à Idrissa Seck ? En effet, au regard des informations que nous détenons, ceux qui sont sur la piste de Idrissa Seck risquent de faire chou blanc si, et seulement si, ils ne comptent que sur ces deux cartes (voir ci-contre). Yaxam C.N. MBAYE

Six sociétés, nulle trace de Idy et pourtant...

L’affaire des « sociétés fictives » de Idrissa Seck tourne autour de six entités ciblées par les enquêteurs : Net Africa, Tempo, Les Réserves de Kagnes, Force One, Saica, Évasion. Seulement, nulle part dans les statuts de ces six sociétés ne figure le nom de Idrissa Seck. Mais bien celui de Ibrahima Touré. Même si certaines ont connu des mutations, avec le départ du gestionnaire et son remplacement, un fait demeure constant : depuis leur création, Ito est demeuré, dans les textes, leur seul propriétaire ; le nom de Idrissa Seck ne figurant nulle part. Ce qui ne veut pas dire que l’ancien Premier ministre n’y a aucune part. Mais il suffit de le prouver.

Net Africa. À l’origine elle s’appelait Traders Company créée le 1er octobre 1999, avec un capital de 1 000 000 F Cfa. Le 07 octobre 1999, elle est déclarée au Tribunal du Commerce et immatriculée au Registre de commerce sous le N°99.B.1497. Le 03 avril 2000, Traders Company devient Net Africa ; le 21 avril 2000, ce même tribunal atteste la déclaration aux fins d’inscription modificative introduite par le notaire de la société. Un indice qui le lie à Idrissa Seck ? La 4x4 mise à la disposition de Idrissa Seck et immobilisée par le commissariat de police de Point E aux fins de vérifications appartient à cette société qui l’a acquise auprès de la Cfao ; l’atteste un bordereau de livraison émise par cette dernière et datée du 07 juin 2000. La spécialisation de Net Africa dans la « fourniture d’informations de services et toutes activités connexes » transparaît dans une transaction attestée par un document dont nous avons copie : le 10 avril 2001, elle a acheté à une société new-yorkaise, Global Technology Organization (Gto), quelques cent vingt-quatre (124) ordinateurs pour une valeur de 42 000 dollars américains ; des appareils qui auraient été destinés, selon des sources dignes de foi, à équiper un centre informatique d’envergure.

Farba Senghor parmi les clients de Tempo

Tempo Surl. Société uninominale à responsabilité limitée, elle est créée le 10 avril 2000, immatriculée au Registre de commerce sous le N°Sn-Dkr 2000.B.670. Sa gérance est assurée par un certain Pape Djiby Touré, frère de Ito, qui cédera la place à Aboubacry Traoré pour aller prendre la direction d’une société de gardiennage connue de la place. La spécialité de Tempo, qui a fait travailler à une époque une trentaine de personnes, c’est la location de logistiques événementielles. À ce titre, elle fait énormément de prestations : arrivée du rallye Paris-Dakar, concert de Rock Mbalax, et quasiment toutes les manifestations du Pds. Farba Senghor, le ministre de l’Agriculture et de la Sécurité alimentaire, par ailleurs chargé de la Propagande, soupçonnait-il des liens entre le Premier ministre Idrissa Seck et Tempo lorsque, le 19 octobre 2004, lors de la Déclaration de politique générale de ce dernier, il loua un important matériel de sonorisation à la société ? Peut-être que non ! Et il n’est pas le seul ponte libéral à avoir sollicité Tempo qui a assuré jusque récemment la sono de toutes les Quinzaines de la femme. Quid de ces personnalités, toujours libérales, qui ont laissé une lourde ardoise - des dizaines de millions - dans la comptabilité de Tempo, pour n’avoir pas payé du matériel loué ?

Les Réserves de Kagnes. Le 18 juin 2003, la société est créée par Ito. Le 30 septembre de la même année, il adresse une correspondance au ministre de l’Environnement, Modou Diagne Fada, pour demander une concession pour l’exploitation d’une partie des forêts de Thiès et Pout. Le promoteur a un projet très ambitieux : fonder sur ces espaces un gigantesque complexe hôtelier avec un club house, un poney club, un hammam, un lodge, un terrain de golf, une réserve animalière et un terrain botanique. La demande lui est accordée et il signe un protocole d’accord avec la Direction des Eaux et Forêts. Mais le projet ne verra pas le jour à cause de difficultés pour boucler le financement qui avoisinait le milliard et demi de francs Cfa.

Force One. C’est une société de gardiennage créée par Ito le 10 avril 2000 et inscrite au Registre de commerce sous le N°Sn-Dkr 2000.B.11761. Le 20 février 2001, le ministre de l’Intérieur de l’époque, le général Mamadou Niang, lui délivre l’autorisation N°00815. Force One assurera la sécurité de l’Agence autonome des travaux routiers (Aatr), des hôtels Tabara, Miramar etc., avant de mettre la clé sous la porte.

Évasion. C’est une société de transport et de location de véhicules qui aura été énormément sollicitée par le Pds. Pour preuve, le 18 juillet 2001, elle met à la disposition du ministère de la Femme quelque dix (10) véhicules lors d’une tournée de la Fédération nationale des groupements de promotion.

Saica. Ou Société anonyme immobilière du Cap. C’est la plus importante des sociétés en question. Créée le 12 février 2001 et dotée d’un capital de 10 000 000 F Cfa, elle a aussi une existence légale : Registre de commerce N°Sn-Dkr 2000.B.671. Indice qui la lie à Idrissa Seck : le Cyber Campus de Thiès appartient à cette société. Et d’autres acquisitions immobilières importantes, au regard des documents en notre possession. Quelques exemples : Un immeuble de 1 795 m2 à Thiès, achetée quarante (40) millions de F Cfa. La Saica est-elle propriétaire du complexe « Délices » de Thiès ? En tout cas, nous disposons de la copie d’un reçu attestant que Mme Daou Joséphine a reçu « la somme de trente millions de francs Cfa en espèces relative à la vente du complexe des “Délices” ». Les frères Attal - Moïse, administrateur de société, et Jacob, médecin -, amis de Idrissa Seck, figurant parmi le cortège des proches de ce dernier auditionnés à plusieurs reprises par la Division des investigations criminelles (Dic), en juillet 2005, ont-ils servi d’intermédiaire pour l’achat par Saica d’immeubles et de terrains nus ? Si nous ne pouvons répondre par l’affirmative en ce qui concerne le deuxième qui a acheté, le 28 mars 2000, un immeuble de 449 m2 au sieur M. Thiongane - bien qu’il aurait revendu à Saica -, par contre, le premier, Moïse Attal, a agi en qualité de mandataire de Jean Quilez, demeurant à Lyon, pour céder à Saica « les peines et soins édifiés sur une parcelle de 1 500 mètres carrés environ, figurant au cadastre de Sindou (...) moyennant le prix principal de sept millions cinq cent mille (7 500 000) de francs Cfa, payé comptant ». En l’état de nos investigations, nous n’avons pas pu savoir si la Saica a mené à son terme un ambitieux projet de construction d’un immeuble au Point E, étudié en octobre 2000. D’une surface totale de 1 100 m2, avec un budget prévisionnel de 242 millions de F Cfa, cet immeuble de huit appartements à vendre devait rapporter 400 millions de F Cfa, et 3,6 millions de F Cfa de revenu annuel pour la location d’un espace commercial sis au rez-de-chaussée. Au regard de tout ce qui précède, un remarque s’impose : ces sociétés ne sont pas fictives : elles sont immatriculées et ont une activité attestée. Appartiennent-elles à Idrissa Seck ? Au point où en sont nos investigations, absolument rien ne l’atteste. Mais il est évident qu’un faisceau de faits indique qu’elles appartiennent bien à l’ancien Premier ministre qui les aurait confiées à son ami et conseiller fudiciaire. Et prouver cette présomption est une autre paire de manches. Peut-être que la Dic a un filon... Y.C.N. MBAYE



0 Commentaires

Participer à la Discussion

  • Nous vous prions d'etre courtois.
  • N'envoyez pas de message ayant un ton agressif ou insultant.
  • N'envoyez pas de message inutile.
  • Pas de messages répétitifs, ou de hors sujéts.
  • Attaques personnelles. Vous pouvez critiquer une idée, mais pas d'attaques personnelles SVP. Ceci inclut tout message à contenu diffamatoire, vulgaire, violent, ne respectant pas la vie privée, sexuel ou en violation avec la loi. Ces messages seront supprimés.
  • Pas de publicité. Ce forum n'est pas un espace publicitaire gratuit.
  • Pas de majuscules. Tout message inscrit entièrement en majuscule sera supprimé.
Auteur: Commentaire : Poster mon commentaire

Repondre á un commentaire...

Auteur Commentaire : Poster ma reponse

ON EN PARLE

Banner 01

Seneweb Radio

  • RFM Radio
    Ecoutez le meilleur de la radio
  • SUD FM
    Ecoutez le meilleur de la radio
  • Zik-FM
    Ecoutez le meilleur de la radio

Newsletter Subscribe

Get the Latest Posts & Articles in Your Email