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Politique

LANDING SAVANÉ, SECRÉTAIRE GÉNÉRAL AJ/PADS : « J’ai d’excellentes relations avec les leaders de l’opposition, et je souhaite les renforcer »

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LANDING SAVANÉ, SECRÉTAIRE GÉNÉRAL AJ/PADS : « J’ai d’excellentes relations avec les leaders de l’opposition, et je souhaite les renforcer »

 

Depuis le 27 mars 2007, Landing Savané a pris la décision historique de prendre du recul par rapport à la direction politique pratique de son parti, And-Jef/Pads. Une manière de tirer la toute première leçon de son échec à la présidentielle du 25 février 2007. Aujourd’hui, l’homme politique a choisi d’aller dans le sens d’une réflexion stratégique pour chercher à ouvrir de nouvelles perspectives pour son parti. Mais, cela ne l’a pas pour autant éloigné de sa formation qui est le leader de la Coalition And Défar Sénégal dont il est la tête de liste. Après avoir observé le silence pendant un certain temps, Landing Savané revient, au cours de cet entretien, sur les problématiques majeures qui concernent son parti. Mais aussi et surtout sur le contexte politique sénégalais actuel, marqué par le boycott des leaders de l’opposition des prochaines législatives, le sens de la démarche politique du parti, les retrouvailles de la gauche, ses relations avec Wade, le départ des ministres Aj du gouvernement et autant d’autres questions d’intérêt national.

M. Savané, vous revenez d’un voyage. ALors, comment se porte votre parti And-Jef/ Pads ?

Le parti va bien. Il fait beaucoup parler de lui, ces temps-ci. C’est tout à fait normal, car c’est un parti vivant, démocratique dans un contexte complexe et … pour les débats qui ont eu lieu. Nous venons de faire un Secrétariat exécutif politique où la présence des responsables du parti a été massive. Et, comme toujours, ils se sont exprimés en toute liberté. À la fin du Sep, ils sont repartis bien gonflés pour relever les défis des prochaines élections législatives.

Lors de son dernier point de presse, votre directeur de campagne a parlé d’une nouvelle conception du député dans un Parlement de renouveau. Véritablement, qu’est-ce que recoupe ce nouveau concept ?

Ce n’est pas véritablement un nouveau concept. Aj/Pads a toujours eu comme préoccupation d’introduire un travail parlementaire de type nouveau à l’Assemblée nationale. Jusqu’ici, nous n’avons pas eu les moyens de le faire. Mais, le septennat a permis à nos camarades, parce qu’ils ont été souvent responsables des Relations avec les Assemblées, d’examiner ces questions de plus près. Donc, d’affiner leurs analyses sur les questions de l’Assemblée. Nous voulons d’un Parlement où les préoccupations des populations doivent être au cœur du travail parlementaire. Mieux, les parlementaires eux-mêmes doivent être des parlementaires ayant le niveau qu’il faut pour faire un travail de qualité. Je crois que c’est ce qui peut faire l’orgueil d’un système démocratique. C’est-à-dire avoir un parlementaire dynamique ; un Parlement dans lequel les idées sont élaborées, ou les grandes questions d’actualité nationale ou internationale sont discutées. Un Parlement qui est capable d’animer, au niveau national comme international, des réflexions et des débats. Cela, nous ne l’avons pas encore et, il faut bien le reconnaître.

Alors, pour arriver à ce renouveau du Parlement, comment s’est fait le choix des personnes qui figurent sur la liste de la Coalition And Défar Sénégal ?

Nous sommes en politique. Donc, nous avons fait un mixte. Car, on ne peut pas envoyer sur une liste uniquement des intellectuels. Dans la mesure où, ce qu’il faut présenter aux électeurs, ce sont des porteurs de voix. Ainsi, nous nous sommes efforcés de panacher les différents aspects de la réalité politique. D’une part, c’est de mettre en place des hommes et des femmes de qualité pour les débats. Et, d’autre part, introduire sur les listes des hommes et des femmes qui ont une certaine popularité au niveau local ou au niveau national. C’est-à-dire des personnes pour lesquelles les Sénégalais pourraient être amenés à voter pour elles.

Mais, dans quelle mesure avez-vous pris en compte la parité hommes-femmes ?

La parité n’a pas été appliquée, parce qu’elle n’est pas obligatoire. Car, on a parlé d’une loi et, par la suite, elle n’a pas été validée. Ainsi, nous avons privilégié, cette fois-ci, l’aspect politique des choses. Nous sortons d’une élection présidentielle qui a été difficile. Nous avons retenu, auparavant, des règles pour faire notre liste, avant que la question de la parité soit abordée. Mais, cela va s’en dire qu’il fallait représenter les départements par leurs responsables qui avaient les profils les plus adéquats. Mais, globalement, dans notre liste proportionnelle, il y a autant de femmes que d’hommes.

Aujourd’hui, le contexte politique actuel, c’est le boycott par une partie de l’opposition significative des législatives du 03 juin 2007. Pensez-vous que ce boycott sera profitable à une coalition comme And Défar Sénégal dont le parti leader est Aj/Pads qui a choisi de se lancer dans la compétition électorale ?

Écoutez, il serait difficile de répondre de façon nette à cette question. Parce qu’il aurait fallu faire des enquêtes plus poussées. Mais, ce que l’on peut dire, c’est que nous avons fait, en 1983, un boycott. Cela ne nous a pas du tout réussi. Et après 1983, nous avons décidé de ne plus nous retrouver dans des démarches de boycott. Car, pour nous, la culture politique sénégalaise n’est pas une culture de boycott actif. C’est cela qui nous a décidé à être candidat. Maintenant, seul Dieu sait comment les Sénégalais vont réagir. Ce qui est certain, c’est que nous sommes candidats aux prochaines législatives. Ainsi, ceux qui vont voter le feront pour ceux qui sont là. Mais, nous ne pouvons pas dire de quelle façon, ils le feront.

N’empêche qu’il y a un large boulevard laissé vacant par les partis qui ont choisi de faire un boycott actif ?

En tout cas, je ne vous le fais pas dire. C’est un boulevard qui est ouvert pour tout le monde. Nous, en tant que parti et coalition comme d’autres, chacun s’efforce de récupérer sa part.

Lors de la dernière présidentielle, 70.000 Sénégalais vous ont fait confiance. Au moins, vous allez profiter de cette donne politique pour conquérir davantage de suffrages, en adoptant une démarche nouvelle bâtie autour d’une stratégie de conquête de cet électorat quelque laissé en rade par leurs partis ?

Certainement, il y a une démarche nouvelle. Mieux, nous y sommes, mais je ne vous en dirai pas plus. C’est bientôt la campagne et nous n’allons pas dévoiler notre démarche au moment de la mettre en œuvre.

Vous l’avez dit plus haut, ce n’est pas dans la tradition du Sénégalais de boycotter. Alors, comment comprendre le sens du boycott ? Est-ce que cela ne remet pas en cause un certain nombre d’acquis démocratiques ?

Un boycott ne remet pas en cause des acquis démocratiques. Il fait partie des droits démocratiques. Autant on a le droit de participer à des élections, autant on a le droit de boycotter. Chaque partie prend une décision en fonction de son analyse. And Jef a décidé de participer aux élections, c’est son droit le plus absolu. Je ne boycotte pas, parce que je n’y crois pas. Mais, si quelqu’un le fait, je respecte son choix. Et j’appelle les Sénégalais à voter pour ma liste, parce que je considère que c’est à l’Assemblée que le débat va se passer après les élections. Et que les Sénégalais ont besoin d’avoir des représentants qui puissent traduire de façon fidèle leurs préoccupations. Alors, je les appelle à donner leurs suffrages à la coalition And Défar Sénégal dirigée par Landing Savané.

Les leaders de l’opposition sont aujourd’hui engagés dans un combat dont la finalité, c’est de se retrouver autour d’une table de négociations avec le président de la République. Est-ce que vous pensez, eu égard au respect du calendrier républicain, qu’on peut casser la dynamique pour discuter de questions politiques ?

Je ne sais pas ce qui peut se faire. Mais, ce que je sais, c’est que nous avons toujours inscrit notre démarche dans le calendrier républicain. Et, nous continuerons à le faire. Il y a eu une élection présidentielle prévue à date, nous avons été partie prenante. Pour ce qui est des législatives, nous nous étions préparés. Malheureusement, il y a eu des lois qui ont reporté les législatives au début du mois de juin, mais nous sommes prêts. Donc, les négociations en cours, nous ne sommes pas informés. De toute façon, tout ce qui se fera de légal aura notre adhésion. Même si nous accepterons tout ce qui se fait légalement, nous nous inscrivons dans une démarche républicaine de participation à toutes les batailles en vue de représenter le peuple et de défendre valablement ses intérêts.

Je n’ai pas parlé de négociations en cours, mais simplement demandé si de futures négociations pourraient remettre en cause le processus électoral actuellement en cours ?

Pourquoi voulez-vous que je pense cela ? Je préfère m’occuper de la préparation des élections. Très franchement, si je me mets à réfléchir sur des choses auxquelles je n’ai aucune prise, c’est une perte de temps pour moi. Je suis dans un calendrier ; à moins d’un mois des élections. Ma préoccupation, c’est de les préparer. Le reste, ce n’est pas ma préoccupation.

Le 27 mars 2007 a été une date gravée dans les annales politiques du Sénégal. Vous avez choisi de marquer un recul de la direction politique pratique de Aj/Pads. Aujourd’hui, vous êtes tête de liste nationale de la Coalition And Défar Sénégal. Alors, comment comprendre cette situation … politique ?

La tête de liste, c’est la direction politique. Les élections législatives sont une échéance politique majeure. Donc, je ne me suis pas retiré de la direction politique du parti. Je reste le secrétaire général du parti que je continue de diriger jusqu’au prochain congrès. Cela est extrêmement important, d’autant que dans la même déclaration, j’ai annoncé la préparation d’un congrès extraordinaire. Maintenant, comme vous l’avez constaté, depuis lors, je parle très peu. Pendant les élections législatives, je parlerai beaucoup plus, parce qu’il s’agit d’une échéance politique majeure. Aujourd’hui, je me consacre davantage à une réflexion stratégique sur l’action politique dans laquelle j’ai été impliqué depuis près de 40 ans que je milite. Je me rappelle, en 1967, alors que j’étais à Paris, j’avais mis en place le premier noyau politique dans lequel j’ai eu à intervenir. Depuis lors, je n’ai pas arrêté. Pendant sept ans, je me suis retrouvé, pour la première fois, dans un gouvernement. Aujourd’hui, j’en suis sorti, mais c’est une expérience politique importante. Personne ne peut y réfléchir à ma place. On ne peut s’occuper, au quotidien, des affaires politiques et vouloir réfléchir sérieusement pour ouvrir de nouvelles perspectives. C’est pourquoi j’ai préféré l’annoncer, en le disant en toute simplicité aux Sénégalais. Comme ils n’ont pas l’habitude d’être informés sur ce qu’on a l’intention de le faire. Alors, tout de suite, on a voulu interpréter cela. Et même certains journaux ont parlé de démission ; ce qui n’est pas le cas.

À l’époque, certains avaient pensé que vous alliez céder la place à Mamadou Diop Decroix. Car, ils n’avaient pas compris votre décision de prendre du recul ?

Ils ont le droit ne pas comprendre. Mais, on a le devoir de s’en tenir aux faits. Les faits sont là : je suis toujours secrétaire général du parti. Mamadou Diop Decroix est secrétaire général adjoint. Il dirige le directoire de campagne et nous préparons les élections. Voilà les faits. Les Sénégalais aiment beaucoup la spéculation. J’adorais la philosophie, mais je suis plutôt mathématicien et… scientifique.

Pour en revenir à la réflexion stratégique, vous la menez tout seul ou vous avez associé les responsables de votre parti ?

J’ai ma part que je ne peux pas partager avec personne. Car, ce qui se passe dans votre cerveau, vous ne pouvez pas le partager. Maintenant, il y a des structures du parti qui sont impliquées dans le mouvement de bilan qui va déboucher sur un congrès extraordinaire. Ce sont deux dimensions différentes, même s’il y a des plages de convergence et des interactions entre ces deux réflexions. Mais, chaque leader est comptable devant l’histoire, devant sa conscience et devant son peuple de sa démarche. C’est extrêmement important.

Aujourd’hui, M. Savané, quelles sont les perspectives nouvelles qui vont s’ouvrir à Aj/Pads ? Est-ce que c’est en termes de dynamique jeune, de dynamique femme, de dynamique intellectuelle ou de dynamique sociale pour faire de Aj/Pads un véritable parti de masse ?

Encore une fois, nous sommes au début de la réflexion. Tout ce que vous dites, c’est autant de pistes que nous ne pouvons pas contourner. Un homme politique dans ce pays ne peut pas réfléchir sans porter son attention sur la place des jeunes dans les dynamiques politiques d’aujourd’hui. Car, c’est la jeunesse qui constitue, avec les femmes, l’essentiel du personnel politique dans ce pays. Aucune réflexion ne peut contourner ces questions, surtout aujourd’hui lorsqu’on voit la manière dont les jeunes et les femmes s’impliquent dans ce que nous faisons. Ou encore les effets d’un certain désarroi au niveau de la jeunesse de ce pays : l’émigration et la pauvreté qui constituent même en France des enjeux électoraux. Pourquoi les jeunes Sénégalais n’arrivent-ils plus à avoir de visas pour aller à l’extérieur ? Ils sont traumatisés ; ils sont inquiets et ils se posent des questions sur leur avenir. Un homme politique qui a une ambition nationale et qui veut décliner une vision pour les prochaines années ou les prochaines décennies ne peut qu’accorder toute l’importance qui sied à de telles problématiques. Dans ce pays, les femmes, avec leurs souffrances, leur engagement, leur belle détermination et leur présence massive dans tout ce qui se fait ne peuvent pas être oubliées. Car, nous ne pouvons rien faire sans elles. Mais, en même temps, elles sont au bas de l’échelle. Comment articuler cette arriération des femmes sénégalaises avec cette volonté d’aller de l’avant, avec cette ingéniosité, cet engagement au quotidien et cette générosité sans limite ? Surtout avec cette volonté d’efficacité dans une gouvernance de type nouveau qui permettra au Sénégal d’atteindre les objectifs que nous nous sommes assignés. Comment faire en sorte que l’intelligentsia sénégalaise de qualité, très appréciée partout, soit associée de façon organique à ce que nous nous faisons pour un Sénégal nouveau ; un Sénégal émergent ? Car, le Sénégal sera d’abord l’œuvre de ses élites. Nous le savons et les premières informations le confirment, la coopération internationale s’est s’essoufflée. Qu’on le dise ou pas, c’est chacun pour soi. L’Afrique et le Sénégal d’abord sont condamnés à compter plus que jamais sur ses élites et sur ses populations travailleuses pour relever le défi de la mondialisation. Voilà des questions stratégiques qui n’ont rien à voir avec la politique politicienne. Certes, nous sommes dans la politique et nous sommes obligés d’en faire au quotidien, mais il nous faut voir plus loin. C’est cela qui permet à notre pays de s’en sortir et, au-delà de notre pays puisque nous sommes des panafricanistes, c’est ce qui ouvrira à notre région ouest-africaine et à notre continent de nouvelle perspective. Le Nepad a été adopté, mais qu’en est-il ? Après quelques années, il est en train de piétiner. En son temps, le plan de Lagos a fait couler beaucoup d’encre. Mais, au moment du bilan, rien n’a été fait. Qu’en sera-t-il du Nepad ? Voilà autant de questions incontournables. Aussi bien au plan national, africain, comme international, nous sommes interpellés. Donc, un leader qui a la chance d’être un intellectuel qui est en rapport avec les milieux de la recherche et de l’action et qui, depuis des décennies, est taraudé par toutes ces questions, ne peut pas faire comme si de rien n’était.

Au regard des problématiques que vous soulevez, est-ce qu’on ne peut pas vous reprocher d’être un peu en avance par rapport à votre époque ? D’autant plus qu’au Sénégal, c’est l’aspect politique politicienne qui prime sur toutes les actions de nos leaders ?

C’est une autre réflexion. Mieux, c’est un élément de la réflexion que je suis en train de faire. Il est clair que, du point de vue de la pensée, de la vision, il y a une grande avance entre ce que nous avons toujours pensé et les réalités sociales de notre pays. Et c’est tout à fait naturel. Mais, en même temps, nous ne pourrons rien transformer et rien faire pour ce peuple si nous n’arrivons pas à savoir où en sont les Sénégalais. Et à trouver les mécanismes qui vont nous permettre, à partir du Sénégal et des Sénégalais tels qu’ils sont aujourd’hui, avec leurs qualités et leurs défauts, de définir une feuille de route qui permettra à ce pays de remplir la mission pour laquelle nous l’attendons. Car, pour moi, le Sénégal a une mission qu’il doit effectuer en Afrique de l’Ouest et sur l’ensemble du continent. Ce n’est pas en gardant le nez dans le rétroviseur qu’on va s’en sortir. Il faut beaucoup de courage pour mener ces réflexions pointues et beaucoup de lucidité pour y arriver.

Mais, vos sept années passées dans le gouvernement de l’alternance constituent des éléments importants qui vont alimenter cette réflexion stratégique ?

C’est décisif comme expérience. Car, entrer dans un gouvernement, c’est comprendre les problèmes de la gouvernance. Puisque, en fin de compte, c’est le pouvoir qui réalise les politiques. Et les changements, on ne peut pas les réaliser à la base, parce que ce ne sont pas les Ong, les syndicats qui vont changer les conditions des Sénégalais. Certes, chacun a sa revendication, mais c’est le pouvoir, le gouvernement qui est déterminant en fin de compte. Ainsi, le fait d’avoir été associé pour la première fois et pour une durée assez longue dans un gouvernement, il est clair que cela m’a donné un aperçu des problèmes que je ne maîtrisais pas. Que le Landing de la fin de la période l’alternance puisque maintenant, nous sommes dans la période du Sopi, a appris énormément de choses. Je remercie le ciel pour avoir été, sept ans durant, dans le gouvernement.

Parlons de la gauche. Il est clair qu’il existe un électorat de gauche au Sénégal, même si, comme l’a rappelé Decroix, il est faible. Et, comme vous ne cessez de le réaffirmer, Landing Savané est dans une dynamique de conquête démocratique du pouvoir. Est-ce qu’on peut concilier cette vision avec une démarche politique … surtout qu’il a été récemment clairement dit que Aj n’a jamais été communiste ?

Regarder ce qui se passe un peu partout à travers le monde. Franchement, nous n’avons pas la prétention d’inventer. Mais, en même temps, nous devons innover en politique. Car, nous sommes concernés par tout ce qui se fait pour réajuster en fonction de ses propres réalités. Dans le monde, il y a eu des forces d’extrême gauche qui se sont déportées progressivement vers le centre ; de même que les forces d’extrême droite. Je l’ai dit par le passé, le monde se gouverne au centre. Je ne l’ai pas décidé. Et si cela ne dépendait que de moi, les choses se feraient à gauche, puisque mes convictions sont de vieilles convictions de gauche. Mais, la réalité dans le monde d’aujourd’hui, c’est que les choses se passent au centre. L’évolution du monde a été telle que les forces productives ont atteint un niveau extraordinaire. Un record qui pourrait même faire vivre l’ensemble de l’humanité sans gros problèmes. Aussi, la conscience de l’homme a connu des évolutions extraordinaires. On ne peut plus imposer à une société et même à un individu des choses qu’ils n’acceptent pas. Les exigences de démocratie et de liberté sont actuellement universelles. Même dans les pays communistes, on a été obligé d’accepter de plus en plus cette exigence de liberté. Et, c’est important. Ainsi, dès qu’on accepte la liberté, on accepte aussi l’initiative privée, et une certaine dose d’égoïsme.

Au moins, vous n’êtes pas en train de théoriser une autre forme de libéralisme-social ?

Non. Pour le moment, je ne donne pas d’opinion, mais simplement les faits. Juste, je dis ce qui se passe dans le monde. Comme en Chine populaire, un des derniers bastions du socialisme et du communisme, on introduit tous les jours des motivations privées pour que les entreprises et les individus participent davantage au développement. Mais, en même temps, on constate que dans les bastions du libéralisme, aux États-Unis mêmes, des exigences de justice s’affirment et se consolident chaque jour. C’est-à-dire l’homme, comme toujours, veut tout en même temps. Il veut sa liberté pour s’épanouir au maximum en tant qu’individu. Et, en même temps, il veut la justice. Car, lorsqu’il n’y a pas de justice, la majorité en pâtit. C’est cela qui nous amène tous vers le centre. Dans les pays communistes, on est obligé de donner de plus en plus de liberté aux gens.

Aux États-Unis où l’on dit l’individu d’abord, on est obligé de tenir compte de l’intérêt de la société. Car, si on donne à chacun sa liberté totale, cela produit des paradoxes comme ces jeunes qui ont une arme et qui, au nom de la liberté, massacrent leurs camarades et se suicident après. Donc, il faut doser tout cela. En France, Le Pen a dû chercher à rendre son discours accessible à l’électorat du centre. La gauche a dû, elle aussi, faire des efforts pour être acceptée au centre. Ce qui veut dire que, quelque part, on est dans le cadre d’une évolution universelle. C’est pourquoi, comme force de gauche, on ne peut pas renier les valeurs sur lesquelles nous avons construit notre action politique. Mais, en même temps, une de ces valeurs, c’est la lucidité, pour comprendre le monde tel qu’il est, et voir comment le porter à un autre niveau en partant des préoccupations des hommes et des femmes d’aujourd’hui. Nous n’avons pas inventé ces préoccupations. Nous les avons trouvées ici.

Est-ce que cette migration des forces de gauche vers le centre ne va pas profiter à des partis comme Aj ?

Certainement, parce que Aj est un parti comme les autres. Même si, vous le savez très bien, la gauche n’a jamais été majoritaire dans ce pays. L’opinion publique, dans ce pays comme dans d’autres, est une opinion publique qui est essentiellement au centre. Car, les gens sont plutôt conservateurs, mais ils sont attachés à leur liberté. Ils veulent aussi plus de justice. Quelqu’un me disait que le Sénégalais n’est pas juste, mais il est contre l’injustice. Pour construire, il faut partir de ce qui existe. Et c’est possible de le faire. C’est cela le pari, car nous pensons qu’il est possible d’avancer à partir de ce qu’il y a aujourd’hui et des contraintes qui pèsent sur nos sociétés. Pour la bonne et simple raison que le monde doit avancer. Si vous prenez n’importe quelle question comme celle de l’environnement avec l’effet de serre qui est au centre de l’Agenda international, les États-Unis qui ne voulaient pas discuter, en parlent aujourd’hui. Ils se rendent bien compte que les conséquences de l’effet de serre ne leur serviront pas à long terme. Ainsi, le long terme bouscule, de nos jours, tous les calendriers et les égoïsmes. Mieux, il oblige de plus en plus de solidarité, parce que la mondialisation l’exige.

Aussi, une question comme celle du terrorisme nous interpelle. Car les racines du mal se trouvent dans le mépris culturel, la pauvreté, l’absence de solidarité, etc. Alors, à l’image d’un arbre, on ne peut pas espérer mettre fin à un phénomène en coupant les branches et en laissant le tronc et les racines.

Pour en revenir à la dernière présidentielle, les gens n’ont pas compris pourquoi, vers la fin de la campagne, avez-vous décrété la fin de l’alternance ?

Je n’ai pas décrété la fin de l’alternance. J’ai constaté la fin de l’alternance.

Alors, quels sont les paramètres sur lesquels vous vous êtes basé pour tirer cette conclusion ?

J’aime bien être précis, car les gens n’ont pas pris le temps d’écouter mon temps. Peut-être parce qu’il y avait beaucoup de discours et personne n’avait le temps. Il faut comprendre que l’alternance a été un candidat commun, un programme et un mandat. Le candidat commun implique une coalition qui était derrière. Et, ce candidat commun à plusieurs forces politiques de l’opposition à l’époque a été le Président ; le programme celui de l’alternance et le mandat 2000-2007. Aujourd’hui, est-ce que ce n’est pas fini ? Car, le candidat commun n’est plus celui de ces partis de l’opposition d’alors, mais bien de partis au pouvoir. Donc, il n’est plus question d’alternance. Car, il s’agit d’un candidat qui veut rester au pouvoir. Quant au programme, il ne fait plus d’actualité. Et c’est un autre mandat qui est à l’ordre du jour. Aujourd’hui, l’alternance est finie. Elle a été une bataille de plusieurs décennies. En 2000, elle a abouti. Le produit, c’était l’alternance à durée d’un mandat. Actuellement qu’elle est terminée, le produit Alternance n’existe plus. Aujourd’hui, c’est la Coalition Sopi qui est au pouvoir.

En d’autres termes, le gouvernement du Sopi ?

Effectivement, car c’est la Coalition Sopi qui a gagné. Donc, c’est le gouvernement du Sopi qui est au pouvoir. C’est un constat et le travail du scientifique, c’est de constater les phénomènes qui se produisent et de voir les caractéristiques.

Vous avez dit que les gens n’ont pas compris votre propos par rapport à la fin de l’alternance. Peut-être qu’ils n’ont pas aussi compris lorsqu’ils vous ont fait dire qu’on peut être dans une bande de voleurs, sans pour autant être voleur ?

Je crois que ce n’est pas la peine de revenir sur cette affaire, parce qu’elle est classée. J’ai dit ce jour que je ne parlais pas des gens avec qui j’étais au gouvernement. Il s’agissait d’une formule pour illustrer un autre propos. J’ai précisé que dans le gouvernement, j’avais beaucoup d’amis pour lesquels j’ai beaucoup de respect. Vos confrères aiment trop souvent donner un aspect d’un propos, on m’en a voulu. Aujourd’hui, d’autres m’en veulent encore. J’estime que ce n’était pas justifié. Mais, ce n’est pas important. C’était une période de campagne. Et, après tout, dans une période de campagne, il peut y avoir des propos qui peuvent se passer. Aujourd’hui que la campagne est terminée, je préfère regarder vers l’avenir.

Aujourd’hui, quelles sont les relations que vous entretenez avec le président Wade ?

Je n’ai pas de relations particulières avec lui. Sinon que je lui souhaite de réussir son mandat. Car, je suis un Sénégalais et il est le président de tous les Sénégalais, comme disait l’autre. Ainsi, nous l’encourageons à prendre en compte les préoccupations des Sénégalais et à leur donner satisfaction. S’il réussit son mandat, ce sont tous les Sénégalais qui vont en bénéficier.

M. Savané, après les législatives, dans quel sens faudra-t-il situer votre action politique ? Est-ce que Aj sera dans l’opposition ou bien au centre ?

Notre préoccupation aujourd’hui, c’est de dire aux Sénégalais ce que nous souhaitons pour eux. Mais aussi leur demander de nous donner le maximum de suffrages. Car, nous voulons avoir le groupe le plus important possible à l’Assemblée nationale, pour pouvoir exprimer clairement et avec force les préoccupations des Sénégalais. Nous sommes des partisans du dialogue politique de toutes les forces dans ce pays, parce que nous avons constaté que c’est possible. Nous le souhaitons, d’autant plus que c’est cela notre credo. Même après les élections législatives, nous continuerons à travailler dans ce cadre et dans ce sens, pour que le Sénégal puisse y gagner. Alors, il ne faut pas essayer de nous pousser à faire des choix qui ne se justifient pas aujourd’hui. J’ai eu d’excellentes relations avec le président Wade et je souhaite les garder. J’ai d’excellentes relations avec les leaders de l’opposition, et je souhaite les renforcer. Honnêtement, je ne vous le cache pas. Je ne souhaite pas avoir d’antagonisme avec un homme politique de ce pays. Je les connais tous personnellement et je les respecte. D’autant que ce sont des fils du pays. Et je souhaite que nous puissions tous nous parler et trouver ensemble des solutions pour notre pays.

Par rapport à ce que représente Aj/Pads dans l’échiquier politique, est-ce que vous avez un rôle à jouer dans le gouvernement ?

Tous les partis importants ont un rôle à jouer dans le gouvernement. Le Ps, Rewmi, l’Afp, la Ld, And-Jef, à plus forte raison le Pds qui est au gouvernement. Nous sommes tous appelés à jouer, un jour, un rôle dans un gouvernement. En tout cas, c’est ce que nous essayons d’ailleurs. Maintenant, à quel moment cela va se faire ? Pourquoi à ce moment-là et pas à un autre ? Dieu seul sait de quoi l’avenir sera fait. Et, je donne ma langue au chat. Pour le moment, je vous le dis clairement, je ne sais pas de quoi l’avenir sera fait. Car, la situation politique est très compliquée dans ce pays. Il y a des partis qui ont boycotté ; une coalition qui a pris le pouvoir et qui gouverne. Aussi, il y a des partis qui sont dans le gouvernement et qui vont aux législatives sous leurs propres orientations. Après tout cela, qu’est ce qui va se faire ? J’espère qu’un dialogue politique sera engagé. Mais, ce ne sera pas la première fois dans un pays qui est quand même le pays du dialogue. Ce serait vraiment dommage qu’on ne puisse pas organiser un dialogue politique serein où les uns et les autres pourraient tout remettre à plat et essayer de voir ce qu’il faut faire pour que le Sénégal aille de l’avant.

À un moment donné, juste après la présidentielle, il y a eu un échange par voie de presse entre le n°1 du parti Mamadou Diop Decroix et le porte-parole Madièye Mbodj. Comment avez-vous vécu cette situation ?

Cela m’a beaucoup intéressé ; un peu amusé par moments, pour ne rien vous cacher. Mais, le parti où il y a de grands débatteurs, souvent cela se fait en interne. Mais, pour une fois, les Sénégalais ont pu en profiter. Et certains ont été un peu désorientés par le caractère des empoignades théoriques.

Au moins personne n’a pas pris votre défense ?

Je sais me défendre. Et je n’ai pas souhaité être défendu par quelqu’un. Plutôt, j’ai préféré que les idées soient agitées sur une situation. Le moment venu, si j’ai des choses à dire, je le ferai devant le parti. Mais, ce n’était pas cela le fond du débat. Bien au contraire, le fond du débat, c’était le pays. C’est-à-dire, comment on voyait l’avenir du Sénégal ? Chacun a décliné sa vision et sa sensibilité dans la presse.

Donc, c’est ce qui fait la force de Aj ?

Effectivement. Car, malgré ce débat, les gens continuent à travailler ensemble. Et c’est cela le plus important.

Dans le débat actuel, quelle est la place de vos alliés dans le cadre de la coalition And Défar Sénégal ?

Il y a Udf/Mboolo mi qui est un parti d’intellectuels reconnus pour leur compétence, leur patriotisme et leur sensibilité politique qui est proche de la nôtre. Donc, ils nous ont fait l’amitié de venir avec nous. Naturellement, nous les remercions pour cela. Car, ce n’est pas la première fois qu’ils sont à nos côtés lorsqu’il y a une compétition. C’est cela qui est important. Il y a aussi une autre jeune force politique qui n’est pas encore très connue, mais elle nous a apporté de la fraîcheur. C’est Renaissance citoyenne, dirigée par le Dr Kâ. Cela nous fait plaisir, parce que je suis un homme ouvert qui adore les rencontres faites en toute sincérité. J’espère que nous allons évoluer dans un terrain de plus en plus ouvert politiquement.

Le départ des ministres Aj du Gouvernement a eu comme conséquence celui de vos responsables des postes de directions de certaines sociétés nationales. Comment avez-vous vécu cette situation ?

Tous sont partis finalement. L’ambassadeur du Sénégal en Égypte a été remercié. Je pense que le président et son parti ont tiré les conséquences qui leur paraissaient logiques de mon départ du gouvernement, en remerciant tous nos militants qui avaient des responsabilités comme directeurs généraux de sociétés nationales. Cela ne nous a pas surpris. Nous continuons notre travail et ce n’est pas à ce niveau qu’il va y avoir des cassures. Le plus important, c’est les choix politiques et l’assumation qui est faite de ces choix, et les visions.

L’autre débat politique, c’est le mode de dévolution du pouvoir. On prête à Karim Wade des intentions de succéder à son père. Alors, comment vous situez-vous par rapport à cela ?

Je l’ai déjà rappelé à quelques occasions. Toute personne qui veut devenir le président de ce pays doit se référer à la Constitution. Si, elle remplit les conditions, elle a le droit de se présenter devant le peuple. Et, comme je ne cesse de le dire, c’est le peuple sénégalais qui élit son président. Il l’a fait en 2007 et il sera appelé à le faire en 2012. Nous respectons ce peuple. Et, nous souhaitons, à chaque compétition que le meilleur gagne ; le meilleur pour le Sénégal. Comme tous ceux qui ont une aspiration à diriger ce pays, après une échéance, on se prépare pour la suivante. Mais, apparemment, le débat, c’est dans les milieux du pouvoir. Nous ne sommes pas dans ce milieu et nous ne pouvons pas l’alimenter. Nous écoutons comme tout le monde et nous lisons ce qui s’écrit dans la presse, parce que nous sommes concernés par ce qui se passe au Sénégal.

 



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