Disparu en fin de semaine dernière, Aboubacry Kane est dépeint comme appartenant à une race d'hommes politiques quasiment en voie de disparition au Sénégal.
L’histoire remonte à 1974. Libéré après 10 ans de prison suite aux événements de 1962, Aboubacry Kane est invité au Palais par le Président Léopold Sédar Senghor. Pour «récupérer le Fouta» et «mieux isoler» son adversaire politique, Mamadou Dia, le président poète, en présence de son directeur de cabinet, Moustapha Niasse, lui dit : «Vous savez, Aboubacry, si Mamadou Dia n’avait pas fait ce coup d’Etat, on n’en serait pas là…»
Son hôte le coupe net et réplique : «C’est inexact ! Mamadou Dia n’a jamais voulu fomenter un coup d’Etat. Ce n’était pas son intention. Il en avait pourtant les moyens pour le faire puisqu’il détenait le pouvoir.» Piqué par une colère bleue, il se permet d'ajouter ceci : «Si je savais que vous m’avez appelé pour ça, je ne serais pas pas venu.»
Aboubacry Kane décide alors de quitter la salle. Mais il est interpellé par un Niasse qui, «surpris», le ramène à de meilleurs sentiments en usant du cousinage à plaisanterie. «Yaw peul nga rek (toi Aboubacry, tu es un Peul !). Pourquoi, tu t’emportes comme ça ?» lui lance l’actuel président de l’Assemblée nationale.
«Loyal et fidèle»
Cette histoire, rapportée par un proche d’Aboubacry Kane, résume la personnalité de cet homme fraîchement disparu. ‘’Loyal’’ et ‘’fidèle’’, ce militant du Parti socialiste l’aura été jusqu’à son dernier souffle. Sa proximité avec l’ancien président du Conseil, Mamadou Dia, dont il fut le directeur de cabinet, lui a donc valu une décennie de bagne car il était convaincu de l’innocence de celui que son «ami» Senghor avait accusé de ‘’tentative de coup d’Etat’’, puis fait condamner avant de le gracier. Une situation que sa famille a vécue avec stoïcisme. Ibou Kane, son fils : ‘’C’était difficile pour nous, mais nous l’avons supporté parce qu’il a toujours préparé ses enfants à faire face à l’épreuve.’’
Décédé à 89 ans, Aboubacry Kane a toujours refusé toute compromission durant sa vie, rappellent ses proches. Plus qu’un slogan, l’éthique était, pour lui «une attitude», et l’idéologie «une valeur», souligne Doudou Issa Niasse, député-maire et responsable du Ps. «Il a été un fidèle de Mamadou Dia, mais lorsque ce dernier a créé son propre parti (Ndlr : MSU), il ne l’a pas suivi. Il est resté au Parti socialiste car il croyait aux valeurs du socialisme.» Une fidélité qui en fera un homme influent.
Nommé en 1955 conseiller territorial, il devient député de l’Assemblée territoriale deux ans plus tard, passant de secrétaire élu à vice-président. Un poste qu’il occupe jusqu’en 1988, date à laquelle il demande au Président Abdou Diouf de le «décharger» de ses fonctions pour «convenance personnelle». Explication de son fils : «Après plusieurs années passées à l’Assemblée nationale, il s’était lassé.
Il avait senti l’usure du pouvoir. Il voulait laisser la place aux plus jeunes.» Diouf le nomme président du Conseil d’administration de la Banque sénégalo-tunisienne (BST). En 1999, bis repetita, Kane veut encore se décharger de ses fonctions bancaires à cause du «poids de l’âge». A-t-il alors senti pousser le vent de l’alternance de 2000 ?
En tout cas, Aboubacry Kane, retraité frais, se voit confier les reines du conseil consultatif des sages du Ps. «Quand il y a eu l’alternance, raconte Doudou Issa Niasse, il a tout fait pour relancer le parti en nous encourageant. A l’époque, ce n’était pas évident puisque beaucoup de nos responsables avaient rejoint les prairies bleues. Malgré son âge, il a investi le terrain avec Aïssata Tall Sall à Podor.» Pour Aboubacry Kane, la politique, loin d’être un jeu d’intérêt, est un sacerdoce. A ce propos, le maire de la Biscuiterie retiendra de lui cette maxime : «En politique, on ne doit rien attendre de notre parti, mais ce qu’on est prêt à faire pour lui.»
Un sachant partir à temps
Même au plus fort de la crise au sein du parti socialiste en 1996, le vieux Kane fait figure de sage. Une crise marquée par la dissidence de Djibo Leyti Kâ qui, en désaccord avec l’élection de Ousmane Tanor Dieng à l’issue du fameux congrès «sans débat», crée un courant de pensée dénommé «Renouveau démocratique». Un acte politique qui oblige la direction du PS, «prise de court», à trancher le débat.
Trois positions se dégagent à l’époque. «Ceux qui étaient dans la ligne du parti, ceux qui étaient contre, c’est-à-dire moi et mes camarades, et Aboubacry Kane s’est singularisé en adoptant une position médiane. Alors que ce n’était pas évident de faire face au pouvoir», révèle aujourd'hui le fondateur de l'Union pour le renouveau démocratique (URD). «Malgré tout, il reste mon grand frère, mon ami. C’est un homme digne.»
L’ancien chef de l’Etat Abdou Diouf ne dit pas autre chose. Dans un film documentaire, il estime que Aboubacry Kane a donné à sa génération «une leçon de courage, d’abnégation, de fidélité et de patriotisme». Avant d'ajouter : «Il a toujours été pour moi un aîné et un compagnon dont la fidélité à toutes épreuves fut une source d’inspiration et de motivation dans l’exercice de mes responsabilités politiques et plus particulièrement dans celui de mes charges de président de la République du Sénégal.» Autant de vertus qu’il faut peut-être lier à l'enfance du disparu.
Natif de Saldé, département de Podor, Aboubacry Kane, polygame et père d’une «dizaine d’enfants», se fait remarquer en tant qu'étudiant. Très engagé politiquement, il subit alors les «brimades» du régime de Senghor en conflit ouvert avec ses opposants. Enseignant de profession à Podor, il est «affecté arbitrairement» dans plusieurs régions. Des épreuves qui ont pu façonner sa personnalité.
L'anecdote qui suit en est une illustration. «Un jour, raconte Ibou Kane, un de ses adversaires résidant à Podor l’appelle et lui demande aide pour évacuer sur Dakar son épouse en grossesse à risque. Sans chercher à comprendre, il demande au Général Jean-Alfred Diallo de dépêcher un hélicoptère qui vient chercher la femme de son adversaire.»
Pour la postérité, cet ancien baron socialiste a produit un livre intitulé «Aboubacry Kane, le dernier fils de la Grande royale», paru en juin dernier. Mais il n’aura pas eu le temps de procéder à la cérémonie de dédicace qui était prévue avant la fin de l’année 2013...
21 Commentaires
Deug
En Janvier, 2014 (04:01 AM)PROCHE DE DIA,LE VIEUX EST PARTI RESPECTONS-LE MAIS CE N'EST PAS SI ROSE QU'ON LE CROIT,CETTE FIDELITE.
CHEIKH HAMIDOU COMME SON COUSIN ONT MONAYE LES PRINCIPES POUR REJOINDRE SENGHOR.
Ned
En Janvier, 2014 (05:11 AM)Lokosso
En Janvier, 2014 (06:47 AM)Fdf
En Janvier, 2014 (07:01 AM)Sssrrres
En Janvier, 2014 (07:49 AM)Abou Coumba Sadio
En Janvier, 2014 (08:14 AM)Bechoo
En Janvier, 2014 (08:24 AM)Baba
En Janvier, 2014 (08:24 AM)Tall Amadou
En Janvier, 2014 (09:11 AM)Ukam
En Janvier, 2014 (09:14 AM)Bechoo
En Janvier, 2014 (09:44 AM)O@
En Janvier, 2014 (10:13 AM)Rama Thiam
En Janvier, 2014 (10:53 AM)Youyu
En Janvier, 2014 (11:06 AM)Batch Yandeh
En Janvier, 2014 (11:58 AM)Gallass Senghor
En Janvier, 2014 (13:15 PM)Sa fierté n'a rien avoir avec le fait qu'il fût Torodo ou Poular .
Aboubakry KANe était d'abord un preux.
Que Dieu agrée ses efforts et l'assigne au Paradis .
Il faut arrêter ces affaires de Diola Ndiagoo , lebous
D' ailleurs , il m'a toujours dit été que la maman de Mamadou DIA était une Séreer, comme la garnd mère e Lamine G et la mère de Blaise .
Touks , Non Peul
En Janvier, 2014 (13:30 PM)Les vrais Peuls ce sont les diallo, sow, ba, ka, barry, baldé,
Fantanke
En Janvier, 2014 (15:33 PM)je felicite l'ensemble des senegalais tout en ayant pitié qui passe leur temps à dire du mal des hal poulars groupes composes de torobes et fulbes meme pere meme mere meme langue meme coutumes memes noms et prenomms on retrouve de part et d'autre des dia des diallo des kane qui signifie diallo des bousso des mbacke des sy des sall des wane ect.
Netto Ko Bandoum System
En Janvier, 2014 (21:28 PM)Génération Consciente
En Janvier, 2014 (22:38 PM)Vous avez eu le pouvoir pendant 50 ans, les poulars ne se sont jamais pleins.Et la à peine MACKY élu vous devenez hystériques et paranos.franchement vous êtes des malades et surtout vous n'avez pas confiance en vous. la chance des poulars c'est que eux ont confiance en eux.Même si un des leurs n'est pas président, cela ne leur fait ni chaud ni froid.Ils continuent leur vie avec courage car ils ont la foi.ils savent que personne n'est capable de les empêcher de vivre et surtout de vivre dignement selon leurs traditions.C'est cela leur force.
la vie n'est jamais finie, elle vient juste de commencer...Seuls les courageux ....
Kane Diallo
En Janvier, 2014 (23:16 PM)Participer à la Discussion