LE PLAN « JAXAAY » VOLE-T-IL HAUT OU BAS ?

ABDOULAYE WILANE (PATRON DU CEJECAS ET CHARGÉ DE COMMUNICATION DU PARTI SOCIALISTE) / «JE CRAINS UNE SORTE D’ARNAQUE D’ETAT»

"Le Plan « Jaxaay » est le maëlstrom grandeur nature de ce qui caractérise la culture et la pratique du pouvoir en place en matière de gestion des situations qui se posent à lui. On a l’impression que Wade avait un problème par rapport à la volonté de repousser les élections et puis n’étant pas en mesure de déclarer la guerre à un pays limitrophe ou de se mettre dans une situation d’état d’urgence ou d’état de siège, il a profité des pluies pour qu’après les Plans Orsec et l’état de catastrophe et de sinistre naturels, déclarer le report des élections législatives. C’était juste un prétexte. Il a ensuite évoqué l’idée, le projet « jaxaay », sur un coup de tête, qu’on a expliqué comme un coup de génie (c’était loin de l’être) . Et comme l’opposition est responsable, républicaine, elle n’a pas voulu soulever le peuple contre un régime comme elle aurait pu le faire lors de la catastrophe du bateau le « Joola » d’ailleurs. Elle a laissé faire puisqu’en démocratie, il faut être loyal. Tant que le président pensera agir ainsi par rapport à l’orientation et à la définition qu’il se fait de la politique de la Nation, il faut que l’opposition reste loyale et vertueuse jusqu’aux élections pour changer l’orientation des choses.

Ensuite, sur la base d’une théâtralisation et d’une mise en scène cyniques, de cette opération de secours d’urgence, on a organisé des séances de quête, de « majaal », pour rassembler de l’argent et on a parqué les victimes de ces inondations dans des endroits pour donner l’impression de faire dans la charité. Et puis, Wade a parlé de Malaysiens, de maisons à construire en 3-4 mois. Aujourd’hui, presque un an après, on a eu droit qu’à cent maisons laborieusement construites par des entrepreneurs sénégalais en mal de rentrée d’argent ou de reconnaissance. De changements de caps en changements de caps, on a abouti à la situation actuelle. On avait dit qu’elles seront gratuites, aujourd’hui, le Premier ministre monte au créneau pour dire que si une certaine somme d’argent n’est pas versée, 2 millions de Fcfa ou du genre, on les donnera à d’autres. Et au même moment, on oublie que les inondations de l’année dernière, ce n’était pas seulement à Dakar. Il y en avait aussi à l’intérieur du pays et cela me donne l’occasion de rappeler les maisons-témoins qu’avait visitées l’ex-premier Mame Madior Boye après les pluies diluviennes au Nord. J

Jusqu’à présent, ces personnes sont restées sans maisons. Et ce cas n’est pas isolé. Juste pour dire que des actes ont été posés, mais si on ne fait pas attention, ce pouvoir très souvent indexé dans des histoires de spéculation foncière, de spoliation de biens individuel ou national va faire de cette opération une sorte d’arnaque d’Etat. J’attends de voir. Nous sommes dans la période hivernale et après quelques millimètres de pluie, certains quartiers de la ville étaient sous les eaux. Cela veut dire que les problèmes qui ont été à l’origine de ces inondations n’ont pas été réglés et il s’y est ajouté d’autres difficultés imputables au gouvernement de Abdoulaye Wade et dont les conséquences, à court terme, sont absolument visibles et vont être davantage vécues d’ici la rentrée prochaine. Ceci sans compter les conséquences à moyen terme. Aujourd’hui, avec les chantiers de l’Anoci, les gens ont obstrué la circulation des biens et des personnes et même des eaux de pluie. Si demain il y a une pluie, la nuit avec les coupures d’électricité, on aura besoin d’un plan cette fois-ci pas « Jaxaay », mais d’un plan « Ndawrabiine » (Ndrl :danse traditionnelle des Lébous du Cap-Vert).

Aujourd’hui donc, c’est l’échec de ce plan. Je demande au président Wade de faire preuve d’humilité et de modestie. Le président Diouf et Senghor, avant lui, ont eu ici à décliner des plans sociaux qui ont été des réussites : les Hlm, la Sicap, etc. Ceci sans avoir besoin de recourir à ce procédé cynique, machiavélique ou machiavélien, c’est selon parce que les deux concepts ne disant pas la même chose. Pour parler techniquement de ce plan « Jaxaay », les cent maisons qu’on est en train d’agiter avec d’autres plans virtuels comme c’est le cas de ce sommet de l’Oci où l’on parle de « Génération du concret » alors qu’il s’agit plus des « Générations des conscrits » (référence aux nouvelles recrues de l’armée très zélées et à leur obéissance aveugle). Ce n’est pas réfléchi, ce n’est pas étudié, on le balance comme ça aux gens en utilisant la télévision et les autres moyens médiatiques pour montrer aux Sénégalais que c’est du concret, que c’est déjà fait et que c’est de l’acquis. Nous, au niveau du Parti socialiste, nous appuyons toute idée allant dans le sens de délocaliser les gens qui ont habité dans des zones non adéquates, et toute idée d’aménagement et de viabilisation d’espace de recasement de ces derniers, et toute idée allant dans le sens de construire des logements pour des personnes. Mais, le plan « Jaxaay » n’a pas été étudié pour savoir qui des locataires, de propriétaires, etc. doivent en bénéficier. Il y a, à ce niveau, un problème très complexe que le tâtonnement et le coup de poker médiatiques du gouvernement de Abdoulaye Wade empêchent de réaliser avec sérieux. »

ABDOULAYE DIATTA (DE LA CELLULE INITIATIVES ET STRATÉGIES DU PDS) : «QUE NOS CONTEMPTEURS NOUS PROPOSENT MIEUX» 

« Le plan « jaxaay », tel son nom, vole haut et fait son petit bonhomme de chemin. Il traduit toute la volonté de rectification des erreurs commises par le régime socialiste. Il met à nu le manque de courage, l’absence d’imagination et d’initiatives de nos prédécesseurs dans la prise en charge des problèmes d’aménagement, d’assainissement et d’occupation de l’espace. Il correspond encore une fois de plus à un rêve réalisé, qui réduit nos adversaires au silence à défaut d’aiguiser leur jalousie mal contrôlée. A l’image de la Case des Tout-Petits, des bassins de rétention d’eau, de la majestueuse Université du Futur Africain, le dispositif Baw-naan de pluies provoquées, il va faire des émules. Nos amis socialistes, dans leur politique de laisser faire et de laisser aller légendaire ont encouragé les populations à aménager dans des zones marécageuses, sans lever le plus petit doigt : Sam sam, Wakhinam, etc autant de noms qui rappellent des rivières, des cours d’eau ; ce sont pourtant les zones dans lesquelles le régime du Parti socialiste a laissé s’installer des populations qui années après années, vécurent le calvaire des inondations avec leurs kyrielles de maladies, insécurité et autre ! La politique de l’autruche est passée par là.

C’est tout cela que le plan « Jaxaay » est venu corriger. Par d’abord des mesures immédiates, pour permettre aux sinistrés de ces zones de faire face à la délocalisation, à la faim, et à la maladie, ceci grâce à une prise en charge particulière qui a coûté 12 millions de francs par jour pendant trois mois à l'État du Sénégal. Ensuite, je dirai en même temps, la mise en place d’un programme qui a restitué la dignité à ces populations, longtemps laissées pour compte, en leur offrant un toit décent. Grâce à la bonne tenue de nos finances publiques, et à la mise en place effective de la Stratégie de Croissance Accélérée, des maisons d’une valeur de 15 millions ont été édifiées et rétrocédées au prix de 4 millions, payables sur 20 ans Trois cent de ces maisons ont déjà été inaugurées en fin juillet. En d’autres termes, le propriétaire ne devra s’acquitter que d’un loyer de moins de 50.000 francs par trimestre. Un objectif de 1000 logements est à atteindre avant la fin de l’année.

Le plan « Jaxaay », au-delà de l’érection de nouvelles habitations, comprend aussi un volet renforcement et mise en valeur de l’Office National d’Assainissement. Ce dernier, conscient de ses responsabilités, a pris le taureau par les cornes après avoir bénéficié d’un budget qui a été multiplié par cinq entre 2000 et 2006. C’est ainsi que la structure a entrepris la reprise d’un réseau vétuste et sous dimensionné, datant du temps colonial qui explique en grande partie la phobie de l’hivernage à Dakar. Nous avons tous vu l’intensité et la densification du réseau, du travail pré hivernal de curage des canaux. Le plan « Jaxaay », c’est encore si vous le permettez, les investissements conséquents et cohérents, qui ont été réalisés sur la zone de captage pour une valeur de plus 240 millions F CFA. En passant sur Nationale 1, à hauteur du kilomètre 14, ce sont 10 milliards de francs qui ont été injectés pour le drainage des eaux de ruissellement des quartiers avoisinants. Le Plan « Jaxaay » permet donc la libération d’une vaste surface qui servira de réceptacle et de réservoir d’eau. Cette eau servira non seulement à arroser les champs des maraîchers, à vivifier les espaces verts de la capitale, mais aussi à produire de l’électricité en alimentant des turbines, etc.

Enfin, le plan « Jaxaay », c’est la création d’emplois pour les jeunes, des marchés pour les entreprises, donc il relance la consommation et lutte de façon efficace à réduire la pauvreté. Même si on refuse de polémiquer, il m’est tout à fait difficile de résister à demander aux candidats déclarés pour les prochaines élections de décliner des propositions plus pertinentes, plus généreuses et mieux structurées pour faire face à ce drame social vieux de plusieurs décennies. »