En effet, l’affaire a trop duré, car l’ouvrage, « Le Sénégal entre deux naufrages ? Le Joola et l’Alternance » qui est un féroce pamphlet sur le régime de l’alternance, sur Wade et ses accointances avec le monde interlope des « politico-barbouzards », est paru le 15 octobre 2003. Non content de cette monographie, le ministre Cheikh Tidiane Sy avait porté plainte, pour propos diffamatoire. Le 30 décembre, il a demandé au tribunal de grande instance de Paris de déclarer Almamy Mamadou Wane et les éditions "L’Harmattan" coupables de diffamation, de les condamner à lui payer 76 231,13 euros (50 millions de F CFA) de dommages-intérêts et d’ordonner la publication de la décision à venir dans plusieurs journaux (dont Jeune Afrique/l’intelligent).
Après deux ans de procédures, c’est-à-dire en 2005, le Tribunal de Grande instance de Paris le débouta. On lui infligea même une amende d’environ 2 millions de francs Cfa. Hier encore, Me Comte que nous avons joint au téléphone était heureux de nous dire en riant : « Cheikh Tidiane Sy a tout perdu. Oui, il a tout perdu. La 11ème chambre de la Cour d’Appel de Paris a rendu son jugement le mercredi 5 novembre 2008. Malgré ses nombreuses procédures accessoires, il a perdu. C’est ce qui est essentiel. Son acharnement n’a finalement pas payé ». Du côté de l’actuel ministre de l’Intérieur, nous avons tenté d’en savoir un peu plus, mais en vain. Ni le ministre ni son conseiller en communication n’étaient joignables au téléphone.
Pour rappel, quand cette affaire était jugée en première instance, « Le Quotidien » écrivait ceci : « Me André Lecomte (Ndlr : Antoine Comte), son avocat, que nous avons joint au téléphone, hier (Ndlr : ), livre des explications plus précises sur le verdict qui a débouté Cheikh Tidiane Sy : « Le Tribunal de Paris a considéré que le texte à propos duquel se plaignait M. Cheikh Tidiane Sy n’était absolument pas diffamatoire, parce que M. Wane n’a jamais prétendu que, au moment où il rapportait les faits dont il s’agit, le passage d’une opposition complète à une opposition constructive, M. Cheikh Tidiane Sy avait été l’intermédiaire financier », explique Me Comte. L’avocat ajoute que « M. Cheikh Tidiane Sy a fait semblant de croire qu’on mettait en cause sa responsabilité alors qu’il était président (Conseil d’administration : Ndlr) de la Bicis ». Or, « il l’a été dix ans plus tard ». En tout état de cause, « le tribunal a relevé que tout cela n’était pas exact et aucun propos n’est considéré comme diffamatoire quand il s’agit d’un rappel d’un fait historique précis sur lequel il n’y avait absolument pas d’atteinte à l’intention de qui ce soit ».
Et le Tribunal de Paris ne s’était pas arrêté à ce jugement. En effet, « pour bien marquer le coup, relève Me Comte, le tribunal l’a condamné à 3000 euros ». De procédure en procédure, l’affaire a pris deux ans. Pour l’avocat de Almamy Mamadou Wane, « cette décision est parfaitement conforme à la jurisprudence de la Chambre d’appel de Paris ». Elle est d’autant plus logique que « la Chambre d’appel de Paris cherche toujours à savoir si les propos sont diffamatoires, les remplace dans leur contexte, essaie de comprendre de quelle période il s’agissait, ce que voulait dire l’auteur et ne permet pas à la personne qui poursuit de déformer les propos ». C’est là, pour lui, « un principe absolu ». Or, « Cheikh Tidiane Sy a déformé les propos, les a transformés pour en faire ce qui ne sied pas », plaide l’avocat de la défense ».
Il faut aussi rappeler que dans son livre, le passage incriminé par l’actuel ministre d’Etat, ministre de l’Intérieur, se trouve au chapitre 6 intitulé « Wade, le françafricain » et à la page 76. Mamadou Almamy Wane, écrivait alors que « les animateurs de la Françafrique (…) ont proposé leurs services financiers à Cheikh Tidiane Sy (Enea), devenu président d’une banque de la place (Bicis), avant d’accéder à la dignité de ministre d’Etat… » En effet, la Françafrique est le terme qui désigne les relations particulières entre la France et ses anciennes colonies africaines. C’est aussi le titre résumé du livre de François-Xavier Verschave, président de « Survie », intitulé « Françafrique, le plus long scandale de la République ».
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