Il y a de cela trois ans, si ma mémoire est bonne, Oumar Diouf Fall que nous appelons familièrement à Sud Fm Odf, et moi avions l’opportunité d’animer ensemble l’émission politique « Objection » de la première radio privée du Sénégal avec, comme invité, Mamadou Diop Decroix numéro 2 de And jëf/Pads.
Avec son style fait de courtoisie qui est la marque distinctive du patron de notre radio, Odf demande à Decroix si And jëf aurait un jour les moyens de rompre avec Abdoulaye Wade, sans une crise majeure dans ce parti qui emmènerait certains de ses dirigeants à quitter cette formation pour rejoindre le Président.
Decroix, en vieux routier de la politique, mais surtout en bon « Cayorien », a essayé de contourner la question en rappelant les relations anciennes entre le Pds et Aj, qui ont conduit à des expériences communes les plus douloureuses. Et Decroix de donner comme exemple la vie carcérale partagée par Abdoulaye Wade et Landing Savané.
En moins raffiné que mon patron et surtout en bon Cayorien moi aussi, j’ai mis les pieds dans les plats en disant à l’intention de notre invité que nous ne parlions pas de son parti mais plutôt de lui, soupçonné d’être prêt à lâcher ses camarades pour ne pas quitter les lambris dorés du pouvoir.
Il fallait voir la mine choquée, affectée ou réelle de Decroix. Il nous a presque mis mal à l’aise pour avoir suggéré que ce vieux militant qui a tellement souffert de la répression du pouvoir Ups/Ps, pour reprendre le terme de leur défunt journal Jaay Doolé Bi, d’être prêt à trahir pour des intérêts personnels. C’était tellement émouvant que je n’ai pas osé poursuivre cette ligne de questionnement.
Après le scrutin présidentiel du 25 février dernier, le même Decroix sort une contribution dans le quotidien « Le Soleil » avec une « Analyse » qui donne l’impression de demander à tous les opposants de dire à Wade « Labbayka » (nous nous soumettons).
Le tollé soulevé par ce document « intellectuel » est tel que Landing Savané, l’ami de toujours de Mamadou Diop est forcé de venir à son secours pour dire que c’est un non événement. En plus, une main invisible est passée par certaines rédactions pour nous faire croire que la « contribution » du numéro 2 folliste est en fait, un document rédigé en commun avec Landing himself mais signé par Decroix. L’amitié a vraiment son prix.
Mais deux jours après et à la suite de Landing Savané qui appelle à un gouvernement d’union nationale, Decroix convie à un vaste courant lié au Président Wade. Pourquoi Abdoulaye Wade aurait-il besoins du soutien de qui que ce soit avoir gagné contre Landing Savané qui disait durant la campagne que le magistère du chef sopiste est marqué par des scandales financiers, contre Tanor Dieng qui disait que Wade est un incompétent, contre Idrissa Seck qui disait que son ancien mentor n’a pas réalisé le vrai changement, contre Niasse qui avait dit que même au 18ème tour, il ne le soutiendrait jamais Wade ? Ce Wade là pourquoi il serait intéressé par un « vaste courant lié au Président » ?
Que peut apporter And Jëf à Wade aujourd’hui dans le cadre d’un « vaste courant lié au Président » ? AJ n’a plus de poids électoral. Il a perdu l’influence la plus significative qu’il ait jamais eu constituée par son leadership dans le mouvement étudiant. Depuis la mort de l’Unapes, l’organisation estudiantine la plus dynamique de la fin des années 70 au milieu des années 80, les communistes de Gibraltar ont cessé d’avoir un « foyer » qui leur soit propre.
Les opposants qui ont un métier ou qui choissent un autre que la politique, devraient pouvoir continuer à s’opposer tout en gagnant leur vie par leur propre expertise. Les autres doivent simplement avouer au Sénégalais qu’ils ont besoin d’être toujours du côté du pouvoir, quelque soit celui qui l’exerce. Demandez à une grande personnalité de l’Etat dont on dit que la maison a été peinte tour à tour, avec les couleurs de tous ceux qui ont eu à diriger le Sénégal depuis 50 ans.
Les autres peuvent vouloir servir ou aimer les honneurs, mais ils ont les moyens ou le désir de se passer de la politique pour avoir une vie décente. Prenez les cas de Seydou Sy Sall ingénieur polytechnicien ancien ministre, Yoro Deh qui, depuis l’école primaire au Fuuta, n’a jamais occupé une place autre que la première dans toutes ses classes primaires, secondaires et universitaires, Landing Savané, non seulement leader politique reconnu de l’aile maoïste de la gauche sénégalaise, mais aussi grand spécialiste des statistiques (auteur d’un ouvrage dans ce domaine), Marie Angélique Savané (petite fille de roi, d’après la biographie de Famara Sagna sur Internet), Sociologue bien introduite dans les organismes internationaux, Abdoulaye Bathily, Ph D. ou docteur d’Etat en histoire diplômé d’une grande université anglaise, Abdoulaye Elimane Kane, Maitre de conférence à l’Ucad, Me El Hadj Amadou Sall, porte-parole de Wade, avec plus 30 ans d’expérience de militantisme, en plus d’être « l’héritier » de Me Babacar Niang, l’un des plus grands avocats de l’histoire du Sénégal ; et tous ceux que je ne peux pas citer. Tous ces militants ne sont pas obligés de toujours trouver une théorie pour expliquer pourquoi ils sont avec les tenants du pouvoir. Tous les autres dont la politique est le seul métier doivent simplement accepter que ce métier là impose des soumissions qui peuvent être source de frustrations et de renoncements douloureux.
Mamadou Diop Decroix qui ne fait pas partie de ces politiciens sans métier semble donner l’impression de ne plus considérer sa vie en dehors du pouvoir. Vous me direz que Landing Savané son leader politique ne donne pas vraiment un son de cloche différent. Landing Savané n’a-t-il pas dit que son parti peut envisager toute alliance pour les législatives avec n’importe qui sauf avec les deux plus forts de l’opposition que sont Rewmi et le Ps ? Politik du mecce waay.
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