Limogé du rectorat de l’Ucad : Abdou Salam Sall emporté par les amicales d’étudiants

Depuis hier, le Pr Abdou Salam Sall n’est plus recteur de l’Université Cheikh Anta Diop. Le chef de l’Etat, Me Abdoulaye Wade, a signé ce 30 septembre le décret de sa destitution à ce poste qu’il a occupé de juillet 2003 jusqu’à hier. L’Université Cheikh Anta Diop de Dakar a un nouveau Recteur, depuis, hier. Il s’agit du Professeur titulaire d’histoire ancienne de classe exceptionnelle, Saliou Ndiaye. Jusqu’avant sa nomination comme recteur de l’Ucad en remplacement du Professeur Abdou Salam Sall, chimiste de formation qui a passé sept ans et deux mois au poste, le Pr Ndiaye était depuis 2006, doyen de la faculté des Lettres et Sciences humaines. Le désormais ex-recteur de l’Ucad a été évincé de son poste par le président Wade alors qu’il se trouve présentement en voyage à l’extérieur. L’annonce de son départ est intervenue hier, un peu après midi, à l’issue de la réunion hebdomadaire du Conseil des ministres. A l’Université Cheikh Anta Diop, la nouvelle a suscité des sentiments ambivalents au niveau de la communauté universitaire. Si certains sont surpris, notamment les membres de son cabinet qui parlent de ‘mauvaise nouvelle’, d’autres se réjouissent de ce changement à la tête du rectorat comme à la faculté des Lettres où, le tout nouveau recteur bénéficie d’une solide popularité et même au-delà.

Pour en revenir au départ du Pr Abdou Salam Sall, qui avait remplacé à ce poste le professeur de Droit, Abdel Kader Boye, recteur de 2001 à 2003, son limogeage à une semaine de la rentrée scolaire et universitaire a certes surpris, mais il n’est pas fortuit. On peut y voir sans risque d’être démenti la manifestation d’une certaine insatisfaction du président Wade pour qui le secteur de l’éducation est le domaine phare de sa politique ; une insatisfaction vis-à-vis du désormais ex-recteur Abdou Salam Sall. En effet, les tensions sociales qui ont toujours caractérisé l’espace universitaire sénégalais, dont l’Ucad avec ses effectifs pléthoriques de 55 mille étudiants, se sont multipliées ces dernières années. Pis, la violence estudiantine pour des questions de bourses non payées ou surtout lors des élections pour le contrôle des juteuses amicales a fait les choux gras de la presse et scandalisé toutes âmes bien pensantes de ce pays

De l’avis de nombre d’observateurs, le Pr Abdou Salam Sall, pour contrôler les délégués d’étudiants, avait accordé trop de prébendes aux étudiants avec des ristournes de dizaines de millions remises aux amicales. En plus, les étudiants obtiennent des quotas dans l’attribution des bourses dites ’sociales’ et aussi dans la répartition des chambres. Conséquence : certains étudiants ne s’inscrivaient à l’Ucad que pour diriger les amicales au lieu d’étudier. Chaque année, les élections sont l’occasion de batailles rangées entre listes avec des armes blanches, des bombes asphyxiantes. D’ailleurs, la faculté des Lettres a connu en 2008 des violences inouïes avec des dizaines de blessés et des dégâts matériels lors du renouvellement de l’amicale. A la suite de cela, le doyen Saliou Ndiaye, nommé hier Recteur, avait suspendu l’amicale de la faculté des Lettres.

Dans la même année, en Faculté des Sciences et juridiques, un retard du versement de la subvention annuelle accordée à l’amicale avait poussé les étudiants de ladite faculté à kidnapper le Secrétaire général et certains travailleurs pour entrer dans leurs fonds. Ainsi, d’année en année, l’autorité à l’Ucad s’est effritée au point que les étudiants de tout bord se croient tout permis. Des causes qui n’ont rien à voir avec l’université sont le prétexte pour des saccages en règle ou des perturbations des examens. A titre illustratif, pour soutenir leurs trois camarades arrêtés dans une rocambolesque histoire de drogue, les étudiants Ibadou avaient perturbé la tenue des examens dans plusieurs facultés. Quelques temps après, ce sont une vingtaine d’étudiants, en majorité de la faculté des Sciences juridiques et politiques, qui sont allés saccager les locaux du rectorat, agressant au passage les travailleurs, rien que pour une histoire de sous.

Le désordre sous couvert des franchises universitaires

Ces actes de violence, qui avaient ému tout le monde, ont été de trop. Pour cause, le Conseil de discipline de l’université, présidé par le recteur Abdou Salam Sall, avait pris de sévères mesures disciplinaires. Ainsi, douze étudiants, dont sept en année de licence ou de maîtrise, avaient été exclus définitivement des universités, et le reste suspendus entre deux et cinq ans. Cette ambiance de violence structurelle avait fini de faire de l’Ucad une zone de non droit. Au non de prétendues franchises universitaires, les amicales ont fait la pluie et le beau temps sous le règne de Abdou Salam Sall. Au même moment, la qualité des enseignements à l’Ucad s’est dégradée.

Last but not least, l’autre explication à donner au départ du recteur Abdou Salam Sall est liée à l’usure du pouvoir. Sept ans au poste de recteur, c’est-à-dire plus que deux mandats de trois ans chacun, ont été largement suffisants pour l’ancien secrétaire général du Saes de donner tout ce qu’il pouvait amener à l’institution universitaire. Et sur ce point, force est de reconnaître que le recteur sortant aura marqué de son passage l’Ucad. C’est grâce à lui que l’Ucad est entrée de plain pied dans la réforme Licence Master Doctorat, avec l’ouverture de plusieurs masters dans différentes facultés au grand bonheur des étudiants. L’informatisation de l’Ucad a fait des pas de géant avec l’avènement de l’enseignement à distance. Il faut aussi mettre à l’actif du recteur Sall la création de la Fondation de l’Ucad, mais aussi l’organisation annuelle d’une leçon inaugurale prononcée par une personnalité marquante. Dans le domaine de la coopération interuniversitaire également, il a permis à plusieurs structures de l’Ucad d’avoir des financements conséquents.