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Vendredi 01 Juin, 2018 +33
Politique

Mamadou DIA accuse : 'Le Sénégal est dirigé par un homme et son clan'

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Mamadou DIA accuse : 'Le Sénégal est dirigé par un homme et son clan'
Grand homme d’Etat s’il en fut, le président américain Franklin Delano Roosevelt disait que ‘gouverner, c’est maintenir les balances de la justice égales pour tous’. Or, aujourd’hui, comme jamais auparavant, des scandales éclaboussent la justice de notre pays : affaire de corruption de magistrats, affaire de viol par des agents pénitentiaires, affaires d’abus de confiance concernant des juges, des notaires…

Le rideau est en train de tomber sur l’affaire dite de corruption de magistrats, vraisemblablement le plus grand scandale du type qu’ait connu notre pays. Et le traitement qui en a été fait, n’est rien moins qu’honteux : les magistrats concernés ont été épargnés de toute poursuite pénale - pour éviter un grand déballage, a-t-on dit -, tandis que, dans le même temps, leurs corrupteurs présumés ont été incarcérés, avec plus ou moins d’inconfort selon qu’ils sont plus ou moins haut placés dans l’échelle sociale, peu importe en l’espèce que cela corresponde à l’échelle de leur culpabilité supposée. ‘Selon que vous serez riche ou misérable…’, voilà l’image, bien peu glorieuse, qu’offre, en plus, depuis trop longtemps, notre justice, alors qu’elle est représentée, partout et depuis la nuit des temps, par l’effigie d’une dame aux yeux bandés, serment de ce qu’elle doit, au besoin, frapper sans distinction aucune.

Certes, toute profession a ses brebis galeuses, et même si on savait certaines pratiques louches courantes en matière judiciaire, ce n’est pas un hasard que de telles affaires soient ainsi exposées sur la place publique sous le régime de Wade. Car c’est ce régime qui a, comme aucun des régimes précédents, instrumentalisé la justice, en agitant très tôt un châtiment pour tout mal-pensant - qu’il soit journaliste, homme politique ou simple membre de la société civile - via la désormais célèbre Dic (Division des investigations criminelles), à l’origine un corps de policiers d’élite, en passe d’être transformé en Kgb tropical, en voie d’être décrédibilisé.

Affaire de grands bandits

Pourtant, il y avait à faire pour une justice digne de ce nom : entre la protection de la liberté d’expression, l’interdiction de la loi scélérate d’amnistie des crimes politiques, l’arrestation des personnes désignées dans l’agression de l’opposant Talla Sylla, l’éclaircissement d’autres attentats - contre des opposants politiques ou des locaux de membres de la société civile -, la réouverture du dossier de l’assassinat de Me Babacar Sèye, le dossier du naufrage du Joola…

Au lieu de cela, notre Sénégal va très mal, parce qu’il est dirigé par un homme et son clan qui n’ont d’autre ambition que de conserver un pouvoir perçu comme le confort offert, fusse-ce indûment, par les ors de la République. Ainsi, désormais au Sénégal, au lieu de travail, voyage rime avec agrément ou per diem, et quand on dit chantiers, projet ou grand projet, on entend pots-de-vin. Et pour conserver ces positions et leur lot d’avantages indus, la violence privée de milices, ou publique d’une justice instrumentalisée est nécessaire à ces ‘grands bandits’, pour reprendre l’analogie utilisée par l’un de leurs dissidents. ‘Il n'y a point de plus cruelle tyrannie que celle que l'on exerce à l'ombre des lois et avec les couleurs de la justice’, disait Montesquieu, l’auteur de L’esprit des lois et chantre de la séparation des pouvoirs.

Cette tyrannie-là, que nous vivons, n’a cure du calvaire que vit au quotidien le peuple auquel ses dirigeants étaient censés apporter un mieux-être. Sur la hausse des prix des produits de première nécessité ? Silence total. Les coupures récurrentes d’électricité ? ‘Ça ne me gêne pas que le Sénégal revienne à l’âge de la bougie’, affirma sans sourciller le président Wade au journal Le Monde. Les jeunes qui, tous les jours, tentent de manière suicidaire de rejoindre l’Europe, à bord d’embarcations de fortune, véritables ‘boat-people’ des temps modernes ? Ils sont traités de ‘lâches’ par le neveu du président et chef du groupe parlementaire de son parti à l’Assemblée nationale. A ces jeunes, pourtant, on avait dit, le temps d’une campagne électorale : ‘Que ceux qui n’ont pas de travail lèvent le doigt’… Celui-là même, Abdoulaye Wade, qui aime à répéter : ‘Dis-moi quelle jeunesse tu as, et je te dirai quel pays tu seras’. Et bien qu’il sache enfin que l’on a une jeunesse désespérée comme jamais elle ne l’a été de toute notre histoire, au point d’en développer des tendances suicidaires. Et que cela reflète un pays en gros danger d’instabilité, comme toujours quand il n’y a plus foi, ni loi. Car comment peut-on avoir foi en un idéal dévoyé - l’Alternance - dans un pays où la justice est en déliquescence ?

Aussi est-elle au désespoir, cette jeunesse, à l’instar de la grande majorité de la population, parce que irréversiblement déçue par cette Alternance qu’elle avait appelée de tous ses vœux, qu’elle croyait accoucheuse d’un Sénégal nouveau, fait de justice et d’équité. Le régime de Wade a fini par être le cimetière de ses dernières illusions…

Mais de cette douleur, les tenants du pouvoir pour le pouvoir n’en ont cure. Quand ils ne s’étripent pas en de vaines querelles politiciennes pour la sauvegarde de leurs privilèges - la seule cause qui leur importe - ils voyagent et festoient, comme Néron jouait de la lyre au spectacle de Rome qu’il avait fait brûler. Eux, par leur faute, la jeunesse de notre pays, sa graine, se consume sous leurs yeux. Et il n’y a pas qu’elle à se gâcher…

Pour une opposition de combats

Cette situation dramatique que vit notre pays interpelle tous les citoyens, de l’intérieur et de l’extérieur, qui doivent se dresser comme un seul homme pour relever les défis d’un pouvoir malfaisant et arrogant, plus soucieux d’enrichissement et de gadgets enfantins que des souffrances de la population. Elle exige aussi et surtout de l’opposition qu’elle soit une opposition de combats et de rupture avec les facilités et les compromissions de toutes sortes, et lui commande en particulier de cesser de siéger dans une Assemblée fantôme, sans légitimité puisque non élue par le peuple, et de rester sourde à ces nouveaux appels au dialogue dont l’expérience prouve qu’ils ne sont que des pièges. C’est à ce prix, et à ce prix seulement, qu’elle pourra retrouver une crédibilité largement entamée par ses attitudes ambiguës et troublantes, les défections honteuses qui, fort heureusement, sonnent l’heure de la relève qui, si nos sources sont exactes, est imminente.

Mamadou DIA Ancien président du Conseil des ministres de la République du Sénégal



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