Deux icônes de l’Afrique nées le même jour, un 18 juillet. L’une, Mamadou Dia, 97 ans, ancien président du Conseil du gouvernement du Sénégal. L’autre, Nelson Mandela, 89 hivernages, premier président noir d’une Afrique du sud tirée du long et cauchemardesque sommeil de l’apartheid. Hommes politiques, hommes d’Etat. Nationalistes ardents, pionniers au moment où dans leurs pays, le soleil des indépendances, celui de la dignité retrouvée du plus grand nombre, illuminait d’un jour nouveau le Sénégal et l’Afrique du sud.
Le Militant
Mamadou Dia, a fêté hier, jeudi 18 juillet, son 97ème anniversaire. A cet âge où nombre de ses compatriotes se réfugient dans le silence et la religion, comme exfiltré du monde, à ressasser les souvenirs sans emprise sur les jours qui défilent, il a pris le parti d’allier la prière et la plume autour de sa foi en Dieu et en l’homme. En ce sens il a opté pour une attitude subversive puisqu’il démontre que la vieillesse, loin de se résumer à une sommation d’années qui obstruent les artères est un état d’esprit. Il est des jeunes qui, malmenés par le chômage, exclus des espaces d’éducation , livrés à un déficit d’espèrance qui leur bouche les horizons, sont déjà vieux. Il est par contre des vieux qui, à l’image de Mamadou Dia, restent jeunes, refusent d’abdiquer et puisent au plus profond d’eux-mêmes des raisons d’espèrer. Fort de cela, il use de la liberté que lui confert son âge pour tirer la sonnette d’alarme. Dans ses écrits régulièrement publiés dans le Grenier du Patriarche il propose sa lecture des évènements qui ponctuent le quotidien du Sénégal, de l’Afrique et du monde.
Qui n’a en mémoire, l’image de cet homme, soustrait à sa famille, embastillé en décembre 1962 à Kédougou (702 km de Dakar), à un moment où, Président du Conseil, il nourrissait de grandes ambitions pour son pays, accusé d’avoir voulu faire un coup d’Etat. Un épisode sur lequel les juristes et les historiens divergent encore. A sa sortie de prison en 1974, alors qu’on le croyait cassé après douze années de privation de liberté, il surprend son monde par un regain de vitalité et de générosité en renouant avec l’action militante. Qui ne se souvient de cet homme grand et beau à la fois haranguant la foule , dans l’espace de contestation qu’était devenu le Parc à Mazout sis à Colobane. De sa main droite projetée vers l’avant, il déclinait ses convictions, dénonçait les travers du régime de Senghor, sans animosité aucune. Il en fera de même pour celui de Abdou Diouf et aujourd’hui, pour celui de Maître Abdoulaye Wade qu’il avait pourtant parrainé. Lui qui ne marche plus que soutenu et guidé, s’évertue à rester droit. Il participe au débat national et s’intéresse aux choses du monde. Mamadou Dia, comme une vigie scrute notre société avec son oeil de patriarche et livre sa part de vérité. Dans un pays en proie à la déliquescence des valeurs, à la course aux honneurs, il reste toujours fidèle à ses principes et convictions. Ce qui le conduit à refuser de « chausser les pantoufles » du repos du guerrier contre « les bottes poussiéreuses du militant ». A nous de pouvoir en tirer profit, en faisant la part des choses. Je nourris pour l’homme à qui mon épouse et moi rendons visite de temps à autre, une pensée émue et profond respect pour sa mémoire qui jamais ne flanche. La curiosité en éveil, il s’interesse aux pulsations du monde. Bon anniversaire, cher Maodo, vous qui partagez ce jour de naissance, avec une autre autre figure qui fait la fierté des enfants d’Afrique, Nelson Mandela. Que le Tout Puissant vous donne la force et le bonheur de nous éclairer. Encore et encore.
L’élégance
A Tony Blair, l’ancien Premier ministre anglais venu le voir en mai dernier pour lui faire ses adieux au moment où il s’apprêtait à quitter ses fonctions, Nelson Mandela a prévenu : « certains d’entre nous deviennent en fait plus actifs après avoir quitté leurs fonctions ». La remarque du célèbre retraité est on peut plus révélatrice de sa dimension prospective. Tracer toujours des sillons dans lesquels ensemencer des graines du possible. La vie est ainsi faite d’ouverture et légèreté créatrice qui cadenassent toute prétention à vouloir se poser, aveuglé par la clameur des courtisans et un penchant mégalomaniaque, comme une incontournable pièce unique. Drapé dans son nom affectueux du terroir, Madiba, ce vieil homme au sourire espiègle, émeut par son intelligence, sa simplicité et cette tranquillité qui l’ont conduit à être un homme parmi les hommes. Quelle élégance d’avoir quitté, librement, au bout d’un mandat exemplaire marqué du sceau de la vérité et de la réconciliation d’une nation arc en ciel, les ors du pouvoir. Depuis sa retraite, il s’est refusé à gêner son successeur Tabo Mbeki, conscient du fait que ses moindres commentaires feront la Une des médias, même si rien de ce qui se passe en Afrique du Sud ne l’indiffère. Que ce soit les défis de la pauvreté, de la lutte contre le sida, contre l’analphabétisme. Trois plaies qu’il voudrait voir éradiquer et qui continuent de miner un pays qu’il a dirigé de 1994 à 1999, en tant que premier président noir. Ce qui n’était pas une mince affaire, mais voilà qu’il a su négocier une transition pacifique en assumant l’histoire douloureuse de l’Afrique du Sud et en parier sur sa résilience, et par conséquent sur sa capacité à trouver des solutions qui frayent des chemins où s’élaborent et s’inventent des histoires grosses du passé, mais aussi accoucheuses de ruptures métissées qui rendent possibles le présent et l’avenir.A cet homme de conviction, à ses enfants, à son pays, en dépit des blessures et les humiliations, il faut dire merci. A Mandela, symbole du refus de ceux qui veulent s’en sortir,tous les citoyens du monde souhaitent mille et un anniversaires et prient pour qu’en 2010, il puisse taper dans le ballon du match d’ouverture de la première coupe du monde de football organisé en Afrique. Lui qui a chéri cette terre avec amour, avec lucidité et simplicité, refusant ainsi de basculer dans la tentation du revanchard, du sauveur ou du commandeur suprême, si présente sous nos latitudes.
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