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Politique

Mamadou NKHRUMAH SANE sur le conflit casamançais : 'Le problème est politique, il doit donc trouver sa solution politiquement'

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Mamadou NKHRUMAH SANE sur le conflit casamançais : 'Le problème est politique, il doit donc trouver sa solution politiquement'

Avant-hier, Sos Casamance, dirigée par Amadou Sylla, a réussi la prouesse de réunir des associations casamançaises et des représentants du Mdfc à Paris à la Maison des Associations du XVIIIe arrondissement à l'occasion de la Journée internationale de la paix. Le but, c'est de discourir sur le conflit casamançais et tenter d'esquisser des solutions de sortie de crise. A la fin des débats, la principale conclusion tirée de cette rencontre, c'est que le conflit est politique et il faut lui trouver une solution politique. Et cela passe par la table de négociations. Et même Nkrumah Sané, présent aux débats, y adhère.

(Correspondant permanent à Paris) - L'enseignement que l'on peut tirer de la table ronde sur la paix en Casamance, organisée par Sos Casamance, à l'occasion de la Journée internationale de la paix célébrée, avant-hier samedi, c'est que toutes les organisations associatives conviées aux débats s'accordent sur le fait que la guerre en Casamance ne peut prendre fin qu'autour d'une table. Et c'est le même sentiment qui habite Mamadou Nkrumah Sané, considéré comme un des plus extrêmistes du mouvement indépendantiste.

Pour le représentant de l'aile extérieure du Mfdc, 'le problème est politique, il doit donc trouver sa solution politiquement'. Toute autre solution est vouée à l'échec, reconnaît-il. Avant de marteler : 'Au cas contraire, c'est le peuple casamançais qui contraindra le régime du Sénégal et ses militaires en Casamance à leur faire asseoir autour d'une table de négociations. C'est notre devoir à nous. La paix en Casamance, c'est nous qui l'imposerons mais pas l'occupant'.

Mamadou Nkrumah Sané n'a pas manqué de lancer une pierre aux associations en leur disant : 'Vous savez tous que non seulement le gouvernement sénégalais m'a exclu de la Casamance, mais il a aussi lancé un mandat d'arrêt international contre moi. Je regrette, mais si les associations et les Ong, qui luttent pour la paix en Casamance, doivent savoir que cette paix ne peut se faire qu'avec les Casamançais. Alors la première lutte qu'elles doivent mener, c'est de demander la levée du mandat international sur celui avec qui vous devez signer une future paix. Si cela ne se fait pas, eh bien je crois qu'il faut laisser tranquille le gouvernement du Sénégal faire ce qu'il a à faire'. Il fait endosser cette responsabilité de ni guerre ni paix au gouvernement. 'S'il pense qu'il a suffisamment de force, d'argent et d'hommes pour nous faire nous et nous sortir du maquis pour nous imposer leur paix, c'est qu'il se trompe. Il pense que notre lutte de libération n'est pas inscrite dans le temps', évoque-t-il. Avant de s'adresser encore à l'assistance : 'Depuis que le conflit casamançais a éclaté, avez-vous vu une marche organisée pour la paix à Dakar. Tout se fait à Ziguinchor. Même les concerts que Youssou Ndour anime pour la paix. C'est comme si la question ne concerne que les Casamançais', dénonce Nkrumah Sané.

Chargé des relations extérieures de l'Association de la société civile casamançaise en France, Fansou Sané estime que le Mfdc est 'clair dans ses intentions'. 'Il veut l'indépendance. Nous respectons cette thèse. Mais la seule chose que nous demandons à nos frères, c'est d'aller à la table des négociations, parce que, que ce soit aujourd'hui ou demain, on finira par s'asseoir autour d'une table de négociations. Autant donc y aller rapidement pour abréger la souffrance des Casamançais. C'est cela notre credo', explique-t-il. Mais il reconnaît en même temps, parlant de Nkrumah Sané, qu'il 'est évident que la marginalisation de certains éléments qui sont là est aussi une cause du blocage'. 'Aujourd'hui, nous devons nous demander ce qu'il faut faire réellement pour que la paix revienne en Casamance. Nous venons d'apprendre pourquoi notre frère (Nkrumah) ne se rend pas au Sénégal', poursuit-il, faisant allusion au mandat d'arrêt international qui pèse sur la tête du concerné.

'La question qui se pose maintenant est : est-il prêt à ce que les Casamançais ici présents, par écrit ou autre chose, approchent le gouvernement sénégalais pour lui demander de lever le mandat international qui pèse sur lui ? Est-il prêt à nous identifier ce qu'il lui faut pour qu'il puisse se rendre au Sénégal ?', s'interroge-t-il, en prenant en témoin l'assistance. Interpellé, Nkrumah Sané tente de clarifier les choses. 'Je vous demande de grâce : laissez-nous avec Abdoulaye Wade et son régime. Le mandat d'arrêt contre moi a été lancé par Abdoulaye Wade, en 1996 lorsqu'il était dans le gouvernement du président Diouf. Ce n'est pas à vous Casamançais ou associations de Casamançais qui le pousseraient à lever le mandat d'arrêt. Ce mandat date de janvier 1996, je m'étonne que certains de mes frères n'apprennent qu'aujourd'hui son existence'. Avant de poursuivre avec un brin d'espoir : 'Le jour viendra où vous apprendrez que le gouvernement de Wade est venu demander au Mfdc de négocier et vous aurez la réponse que je donnerai'.

Quand à l'idée d'indépendance qui mobilise le Mfdc depuis 26 ans et que ne partagent pas certains participants aux débats, Nkrumah Sané leur dira : 'Si vous voulez avoir votre part dans des débats, des discussions, constituez-vous en mouvement anti-indépendantiste. Vous aurez la parole libre'. Quant aux dissensions internes, qui minent le mouvement, le représentant de l'extérieur ne semble pas inquiet. Il a souvent cité le cas de la Palestine dont les dirigeants sont divisés. Il ajoute autre chose. C'est l'aspect, dit-il, démocratique du Mfdc. 'C'est le seul mouvement de libération qui a mis au pluriel la démocratie', fait-il remarquer, faisant allusion à l'épithète 'démocratiques' adossé aux 'forces' de l'acronyme Mfdc.

A ceux qui semblent l'oublier, Nkrumah Sané leur dira : 'L'abbé (Diamacoune Senghor) et Sidy (Badji) sont partis. La tâche me revient, aujourd'hui, d'incarner le Mfdc. Et je vous rappelle que je ne suis pas l'abbé, je suis politique. Donc celui qui veut me voir il faudra venir avec des arguments politiques et non pas des arguments sentimentaux ou autres', avertit-il aux éventuels émissaires qui seraient tentés de l'approcher. Et l'on sait que beaucoup d'entre eux, venant de Dakar surtout, se bousculent à sa porte.

Témoignage
Alain YERO MBALLO, ancien correspondant de Rfi en Guinée-Bissau et réfugié en France : 'Au sein du Mfdc, l'aile militaire n'est pas subordonnée à l'aile politique'

'Nous sommes face à une situation qui est une plaie ouverte et qui met du temps à se refermer. Le problème casamançais n'est pas seulement un problème Sénégalo-sénégalais ou Sénégalo-casamançais. Mais c'est un problème qui concerne toute la sous-région, d'autant plus que quand une partie du corps est malade cela affecte l'ensemble de l'organisme humain. La Casamance et la Guinée-Bissau, c'est 338 km de frontière commune. Des frontières qui ont été tracées entre 1900 à 1902 (en réalité, dans cette sous-région, le tracé des frontières a démarré entre 1896 pour se terminer vers 1905, Ndlr) par des gens (Français et Portugais, Ndlr) qui n'ont pas associé les Casamançais, ni les populations bissao-guinéennes. Cela a été fait de la même manière que si l'on remettait des ciseaux à un enfant pour lui demander de découper un papier à sa guise.'

'A un certain moment, on ne sait pas où s'arrête la Casamance et où commence la Guinée-Bissau. J'ai eu à poser la question à un vieux qui se trouve à la borne 116, une borne qui était une base du Mfdc à l'époque. Il m'a dit : 'la frontière, pour moi, c'est la où mes animaux ne peuvent pas aller paître'. C'est dire que cet homme n'a pas, dans sa tête, la notion de frontière, tant ces deux entités sont uniques. Nous avons six grands groupes ethniques qui vivent le long de ces 338 km de frontière, qui sont pratiquement les mêmes ; ils se partagent les mêmes langues, coutumes, semences.'

'(…) J'ai eu le privilège (d'être) parmi les journalistes qui ont couvert ce conflit de réfléchir sur ce mouvement depuis 1991. J'ai pratiquement couvert toutes les grandes rencontres. J'ai eu à partager quand bien même des idées avec des acteurs directs ou indirects pour voir exactement quel est le fond du problème. Mais il y a toujours une constante : c'est que personne, que ce soit du côté du gouvernement sénégalais ou des facilitateurs dans le conflit, n'a pris le soin nécessaire, le temps d'étudier et de comprendre la nomenclature du Mfdc. C'est un mouvement qui est très différent des autres mouvements.

J'ai suivi des mouvements de libération. J'ai été moi-même enfant-soldat à l'âge de 13 ans dans le maquis du Paigc. Donc je comprends que quand quelqu'un prend une arme et défend une cause, ce n'est pas un imbécile. Il a un idéal qu'il défend. Encore faut-il que les gens se donnent la marge et la latitude nécessaires pour le comprendre et tenter de trouver avec lui une solution. L'affaire de la Casamance nous a habitués à une chose : c'est qu'on n'a pas une condition normale. C'est-à-dire une aile armée subordonnée directement à une aile politique. Dans le cas de figure casamançais, cela n'existe pas. Il y a l'aile politique qui a une certaine relation avec l'aile militaire, mais cette aile militaire tourne en fonction des réalités du terrain. Si l'ennemi bouge, je bouge. S'il se tient tranquille, je me tiens tranquille. C'est pourquoi, souvent, on est dans une situation de ni paix ni guerre.' 'Alors comment trouver une solution ? Il faut d'abord qu'on réfléchisse à ce pourquoi ces gens-là sont jusqu'à présent là, malgré tout ce qui a été présenté comme solutions. Il faut que l'on comprenne cela. Et la meilleure manière de comprendre quelqu'un c'est de vivre ce qu'il vit. Qui a quitté Dakar pour aller voir si ces gens ont du savon, s'ils se lavent, s'ils mangent, s'ils ont été à l'école. J'ai une fois posé cette question à Salif Sadio, il m'a dit en Mandingue : 'si tu reprends un jouet de la main droite d'un enfant, il faut lui mettre un caillou dans la main gauche pour qu'il ne pleure pas'. C'est-à-dire quand on arrache à quelqu'un l'essence de la vie, ce qui lui est plus cher, il faut lui proposer quelque chose. Une fois, on avait posé la solution angolaise, en se demandant si c'en était pas une solution viable pour la Casamance. L'Unita et le Mpla qui se sont combattus longtemps. A un certain moment, ils se sont dit : 'on se retrouve, on se parle, on se fait des concessions'. Mais ici, dans le problème casamançais, c'est que chacune des parties veut avoir une position de force et imposer sa loi. Ça, ce n'est pas possible. Une guerre, on sait quand elle commence, mais on ne sait jamais quand elle finit. Une guerre ne commence jamais par les armes mais par un mécontentement et elle se termine toujours par des négociations. Il faut que les gens comprennent cela'.

 



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