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Politique

Me Aïssata TALL SALL : ‘Que Wade nous dise comment le Pds a pu se payer un siège de plusieurs milliards’

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Me Aïssata TALL SALL : ‘Que Wade nous dise comment le Pds a pu se payer un siège de plusieurs milliards’
Elle aura été aux avant-postes de la contestation des résultats de l'élection présidentielle. Loin de déchanter, Aïssata Tall Sall persiste à croire que n'eussent été l'argent et les irrégularités, Wade aurait été, au meilleur des cas, bon pour un ballotage. L'actualité aidant, Me Sall a réagi à la menace de ce dernier de vendre, aux enchères publiques, le mythique siège du Parti socialiste. De tout cela et d'autres choses, la porte-parole du ci-devant candidat à l'élection présidentielle nous entretient, à bâtons rompus, dans cette première partie.

Wal Fadjri : Actualité brûlante : le président Wade aurait menacé de vendre aux enchères le siège de votre parti pour rembourser à l'Etat les fonds détournés suite à la vente des licences de pêche sous le régime socialiste. Qu'en pensez ?

Me Aïssata Tall Sall : Nous avons appris la nième menace du président Wade qui, cette fois-ci, voudrait s'en prendre aux biens du parti, en projetant de vendre aux enchères publiques notre siège de Colobane. Le président Abdoulaye Wade devrait déchanter pour deux raisons. La première est d'ordre juridique parce que, légalement, l'opération sera impossible à réaliser et nous le justifierons s'il lui venait l'idée d'aller au bout de sa menace. La deuxième raison, elle est politique. Parce qu'Abdoulaye Wade sait que cette pratique, c'est un chantage condamnable parce que politiquement déloyal. Pour finir, je voudrais dire que tout cela relève d'une tentative de diversion de sa part pour nous empêcher d'aller à l'essentiel, c'est-à-dire percer les mystères autour de sa réélection et nous battre pour de meilleures conditions à l'occasion des législatives. Et s'il y a à s'expliquer, c'est lui qui devrait plutôt dire aux Sénégalais comment, en quelques mois, le Pds a pu s'octroyer un siège de plusieurs milliards et selon quel mode de financement. C'est là où l'opinion l'attend.

Wal Fadjri : Votre défaite dans votre fief, Podor, lors du dernier scrutin vous aurait beaucoup affligée. Est-ce exact ?

Me Aïssata Tall Sall : Ce n'est pas tout à fait faux. D'abord, je dois l'avouer, je n'ai pas l'habitude de perdre parce que, quand je m'engage dans une affaire, surtout une affaire aussi sérieuse, importante et décisive que les élections, j'essaie de mettre toutes les chances et tous les atouts de mon côté. J'ai travaillé sur le champ politique à Podor depuis maintenant sept ans, c'est-à-dire depuis notre défaite à la présidentielle de 2000. Et, honnêtement, quand je constate comment nous avons été au plus proche des populations, au plus proche de leurs intérêts, j'avais pensé et je pense toujours, que le département de Podor est largement à notre portée. Je ne le dis pas pour faire de l'auto-glorification. En 2000, lorsque le président Diouf avait perdu, il avait gagné à Podor, haut la main et dès le premier tour. Ensuite, s'en sont suivies les élections législatives de 2001, après la dissolution de l'Assemblée nationale, et pour ces élections, bien que le Parti socialiste vivait encore un traumatisme assez profond, déjà avec la défaite, ensuite avec la transhumance suivie de toutes ces tentatives de déstabilisation et menaces de la part des gens du pouvoir, nous avons quand même réussi, malgré cet environnement assez hostile, à maintenir la tête hors de l'eau. Si vous mettez en place les résultats des élections de 2001, vous verrez que Podor est le département que le Pds a gagné avec le plus faible score. Si ma mémoire est bonne, le parti au pouvoir avait gagné avec moins de 4 %. C'était un scrutin majoritaire qui vaut ce qu'il vaut, donc même avec une différence d'une voix, on remporte le seul siège qui était mis en jeu. Ensuite, il y a eu les locales de 2002, et à l'occasion de celles-ci, nous avons remonté la pente. Nous avons sérieusement gagné même si nous l'avions fait dans une coalition qui s'appelait le Cpc (Cadre permanent de concertation de l'opposition, Ndlr). Les élections de 2007 étaient donc, pour nous, un test majeur pour en découdre avec le Pds pour ce qui est de la réalité de nos forces politiques en présence sur le terrain. Et je le disais, je continue de le dire, que Podor est un département socialiste et je pense que même la présidentielle qui vient de se tenir, ne peut pas m'enlever ce sentiment et cette forte conviction que j'ai. Et c'est tout cela qui explique ma déception.

Wal Fadjri : N'avez-vous pas le sentiment que votre défaite à Podor est la résultante de la situation précaire laissée par le régime socialiste dans ce département ?

Me Aïssata Tall Sall : De toute façon, aujourd'hui, on n'est plus aux commandes pour qu'on puisse nous parler des répercussions des difficultés économiques sur notre résultat électoral. Mais quand même, il faut reconnaître que le Ps a fait, en son temps, quelque chose d'incroyable pour le département de Podor. Et j'ai comme l'impression que les gens l'oublient, et parfois ils l'oublient de mauvaise foi. On fait comme si Podor n'a existé qu'avec le pont de Madina Ndiathbé, c'est tout ce qu'on entend du matin au soir quand ce sont les libéraux qui parlent. C'est la seule trouvaille qu'ils ont eue, encore que si on devait parler de trouvaille, ce n'en est pas une ! Le pont de Madina Ndiathbé, c'est quelque chose qui était inscrit dans notre agenda de réalisations depuis longtemps et qui avait déjà connu un début d'exécution avec le pont sur le Gayo et qui devait se poursuivre avec les autres ponts. Lesquels devaient, au bout du compte, désenclaver toute l'île à Morphil. Aujourd'hui, ils ont fait le pont de Madina Ndiathbé, ils commencent à exécuter le pont de Ngouye, mais il faut qu'ils comprennent que le tout n'est pas de faire des ponts suspendus sur le fleuve. Il y a toute une infrastructure en amont, en aval qui doit accompagner la réalisation de ces ponts. Et j'ai comme l'impression, malheureusement, que ces ponts sont servis comme une fleur à la boutonnière et tout le reste ne les intéresse pas. J'en reviens plus précisément à votre question. Je disais que le Ps a fait, pas seulement pour le département de Podor mais pour la vallée du fleuve Sénégal, quelque chose d'important. C'est dans ce seul département qu'on a réalisé en investissant des centaines, voire des milliers de milliards pour aménager le fleuve et les terres cultivables. Il faut que les gens comprennent le sérieux de cet investissement parce que c'est de l'argent que les gens de Casamance, de Kolda, de Louga, etc., vont devoir payer parce que ce sont des emprunts faits sur la tête des Sénégalais. Pourtant, c'est dans la région du fleuve qu'on a choisi de le faire. C'est plus particulièrement le département de Podor avec plus de 300 mille mètres carrés de surfaces arables et irriguées qui en profite. Vous croyez que ça, c'est négligeable ? C'est le Ps qui l'a fait et on aurait aimé seulement que pour ce qui est du Pds et du pouvoir actuel, que le centième de cet investissement soit consacré au département (...) Quand on constate qu'il n'y a aucune politique qui puisse accompagner les périmètres maraîchers, aucune politique pour l'écoulement des produits agricoles, quand on voit que le riz est entassé dans les greniers de Dagana jusqu'à Guédé et que la tomate est déversée sur la route faute d'acheteurs, les oignons, pareil, il y a franchement de quoi désespérer de ce régime libéral.

Wal Fadjri : Lors d'une de ses rares tournées au Fouta, votre Premier secrétaire avait dit qu'il ne savait pas qu'il y avait des zones aussi enclavées dans le Sénégal. N'est-ce-pas là un aveu d'échec après des dizaines d'années passées au sommet de l'Etat ?

Me Aïssata Tall Sall : D'abord, je corrige, ce n'était pas une de ses rares tournées puisque le Premier secrétaire a été au Fouta plusieurs fois. Mais vous savez, quand on est au pouvoir, on n'a pas la même configuration des choses que lorsqu'on est dans l'opposition. Cette tournée à l'issue de laquelle il a fait cette déclaration, je l'ai faite avec lui et c'était une tournée qu'on avait voulu consacrer à l'île à Morphil pour qu'il constate de visu les réalités de cette partie du Sénégal. Ce qu'il disait à l'époque était spécifique à l'île à Morphil et, effectivement, il a eu cette phrase de sincérité. Je pense que quand on voit comment les politiques maquillent la vérité, comment ils utilisent la langue de bois, c'était, ce jour-là, réconfortant d'entendre de la part de quelqu'un qui a été au pouvoir et qui aspire à y retourner dire : ‘Si on avait su que c'était comme ça, on aurait mieux fait’. Il n'a pas dit qu'on n'a rien fait parce qu'il venait de traverser le pont sur le Gayo et le reste, il l'a fait avec le bac et il savait aussi que le reste allait se réaliser si nous avions continué à être aux affaires. En fait, ce qu'il a regretté, c'est qu'on ait pris du retard à le faire mais il savait très bien qu'on avait décidé de corriger tout cela et de consacrer à l'île à Morphil un certain nombre d'infrastructures qui permettaient de désenclaver toute la zone, notamment à travers ce que j'appelais à l'époque les ponts invisibles, par la radio, la télévision et le téléphone. Tout ce programme, le Parti socialiste l'avait en chantier. Il est vrai qu'Ousmane Tanor Dieng a sorti de sa bouche, la phrase que vous venez de rappeler, mais ce n'était pas un aveu d'échec ni d'impuissance, mais surtout un aveu de sincérité.

Wal Fadjri : Est-ce-qu'au niveau de responsabilités où il se trouvait à l'époque, il avait le droit d'ignorer les préoccupations majeures des populations ?

Me Aïssata Tall Sall : Je crois qu'il faut relativiser tout cela. Ousmane Tanor Dieng, au moment où on quittait le pouvoir, était le ministre d'Etat à la fois secrétaire général de la présidence de la République et directeur de cabinet du président de la République. C'est pour cela que son département s'appelait ministère des Services et affaires présidentiels. Mais quand le chef de l'Etat définit sa politique et que le gouvernement l'applique, chaque ministre, au niveau où il se situe, applique de façon sectorielle la partie qui lui est dévolue. Par exemple, moi à l'époque j'avais la Communication. Ousmane Tanor Dieng ne gérait ni les communications, ni les ponts, ni les routes, même s'il coordonnait à un certain niveau le travail gouvernemental qui était impulsé par le Premier ministre. Disons que sa responsabilité n'était pas au premier chef dans l'exécution de la politique gouvernementale. Maintenant, est-ce-que dans la façon pour nous d'appliquer les politiques, nous avons échoué ? Non ! Même si nous n'avons pas pu tout faire. Je pense d'ailleurs que l'irréalisme pour un gouvernement est de dire que nous allons vous régler tous vos problèmes alors qu'on sait que c'est de l'utopie, comme est en train de le faire le président Abdoulaye Wade.

Wal Fadjri : On vous a entendue critiquer les résultats de l'élection présidentielle et à vous entendre parler, on a l'impression d'écouter de mauvais perdants...

Me Aïssata Tall Sall : (Elle coupe). Je ne crois pas. Je disais tout à l'heure que je n'étais pas habituée à la défaite, mais je suis une personne qui accepte la défaite. Vous savez, dans la profession que j'exerce, il arrive des jours que je gagne, et d'autres où je perds, mais pour moi ce n'est pas la fin du monde. Mais à une condition : que je comprenne pourquoi je n'ai pas gagné. C'est là où on accepte la défaite. Mais lorsque les raisons de la défaite ne s'expliquent pas, ou, pire, lorsqu'elles s'expliquent de façon déloyale, c'est une défaite qu'on n'accepte pas ! Ce n'est pas le jeu du mauvais perdant et je crois d'ailleurs que la leçon du mauvais perdant, on ne peut pas nous la jouer à nous socialistes. Parce qu'en 2000, lorsque les conditions du scrutin ont permis une alternance, le premier qui a félicité Abdoulaye Wade, c'est quand même Abdou Diouf. Et ça a été un fait remarquable. Je peux vous assurer que si on était dans les mêmes conditions, on aurait réédité le coup d'Abdou Diouf. Malheureusement, ce n'est pas le cas et c'est une des raisons pour lesquelles on dit que féliciter Abdoulaye Wade dans ces conditions, c'est continuer à jeter l'opacité sur ce qui s'est passé le 25 février ou ne pas admettre que ce qui s'est passé à cette date est du domaine de l'anormal et de l'irrégulier.

Wal Fadjri : L'analyse d'une défaite inclut tout de même une autocritique. L'avez-vous faite à votre niveau ?

Me Aïssata Tall Sall : Absolument ! On va le faire. Déjà, notre base a commencé. Le Parti socialiste est un parti très bien organisé. Après le 25 février, on a commencé au niveau de la direction du parti à compiler, rechercher et à recouper certains éléments. Ensuite, nous avons tenu tout récemment une réunion du directoire pour, déjà à notre niveau, échanger. Et nous avons demandé à toutes nos sections d'en faire de même parce que la section, dans le Parti socialiste, est la structure intermédiaire qui est très proche de la base mais qui, en même temps, a une capacité de conception et d'innovation des idées qui est telle qu'elle puisse exprimer un sentiment ou une position sur quoi que ce soit concernant le parti. Nous avons demandé à ces sections de faire le travail d'évaluation locale. Après quoi, les données vont être remontées au niveau des coordinations jusqu'au niveau du bureau politique pour que nous ayons finalement une appréciation globale et définitive de la situation. Le travail est en train de se faire et s'il se termine, nous allons nous-mêmes aller à la base et communiquer avec elle à partir des données obtenues.

Wal Fadjri : En attendant cette évaluation exhaustive et au-delà des irrégularités dont vous parlez, qu'est-ce qui explique, selon vous, votre défaite ?

Me Aïssata Tall Sall : Pour ce qui me concerne, ce n'est pas être aveugle. Je ne refuse pas de voir la réalité. Je vous dis que ce qui a été déterminant et qui nous a fait perdre c'est, encore une fois, les irrégularités et la corruption. Pourquoi voulez-vous que j'aille chercher au-delà ou en deça ? Je suis convaincue que si les choses s'étaient passées normalement, le minimum qui aurait pu se passer, c'est que Wade soit mis en ballotage. Vous me demandez d'aller chercher les causes de la défaite là où elles n'existent pas. Pour moi, c'est un exercice impossible. Je vois les causes de la défaite après avoir analysé. Quand je dis qu'il y a eu corruption, je ne le dis pas pour le plaisir de le dire ou pour refuser que j'ai perdu. Mais, c'est parce que je sais que c'est cela qui a été à l'origine de la défaite. Alors, pourquoi aller chercher des causes ailleurs.

Wal Fadjri : Vous parlez souvent d'achat de conscience mais pensez-vous que si le peuple Sénégalais était aussi déterminé à envoyer Wade à la retraite, qu'il l'a été en 2000 vis-à-vis de Diouf, cette pratique aurait porté ses fruits ?

Me Aïssata Tall Sall : Mais qu'est-ce qui vous fait dire que le peuple n'était pas déterminé ? Je n'ai pas senti cela. J'ai fait vingt et un jour de campagne électorale et sept ans d'opposition et de présence auprès des populations qui souffraient le plus ; à aucun moment je n'ai senti que ce peuple n'était pas déterminé. Je suis toujours étonnée, lorsque nous crions à la fraude, à l'achat de conscience, que les gens pensent que c'est parce que nous sommes de mauvais perdants ou c'est parce que nous ne voulons pas voir la réalité en face. Encore une fois, je dis non. Je refuse qu'on nous fasse cette leçon parce qu'en 2000, nous étions les organisateurs de cette élection, nous étions au pouvoir, nous avons perdu et nous avons accepté de perdre. Que les gens ne l'oublient jamais ! Alors, les gens disent que c'est Abdou Diouf, oui, mais c'est tout le système qui était avec Abdou Diouf qui avait accepté. Je disais à quelqu'un - et ça c'est une anecdote que je raconte au passage - j'ai beaucoup plus facilement accepté la défaite de 2000 que celle de 2007 parce qu'en réalité, en 2000, j'avais perdu, en 2007, j'ai la conviction de n'avoir pas perdu. Vous ne pouvez pas nous enlever cela en faisant croire que nous sommes de mauvais perdants. Notre conviction est que la volonté du peuple ne s'est pas exprimée.

Wal Fadjri : La légitimité du Bureau politique a été fortement contestée avec l'arrivée de personnes cooptées en son sein. Cela n'a-t-il pas fragilisé le mouvement d'ensemble de votre parti ?

Me Aïssata Tall Sall : Moi qui vous parle, je suis cooptée. Mais, je ne me sens pas en situation plus illégitime ou moins légitime que quelqu'un d'autre. Au Parti socialiste, nous faisons avec la réalité des choses. Depuis 2000, nous avons perdu nombre de nos responsables. Et il fallait suppléer à cela. On n'allait quand même pas laisser les coordinations, les unions régionales sans responsables et le bureau politique se réunir avec trois ou quatre personnes. Il fallait une solution qui permette de redynamiser le parti et de lui donner un nouveau souffle. C'est là où on a pensé que certaines personnalités pouvaient intégrer le Bureau politique en attendant que l'on puisse aller au congrès et mettre en place des instances légitimes. Nous sommes dans ce que l'on appelle une phase de transition. Cela arrive dans tous les régimes étatiques, démocratiques, etc. Elle a été longue, cela est vrai. Parce que nous n'avons jamais eu le répit et le recul nécessaires. Parce que tant qu'à les faire, nous voulons les faire bien ; nous ne voulons pas les faire bâclés. Après notre défaite de 2000, en 2001, il y a eu les législatives qui ont fait qu'on n'a pas eu le temps de nous réorganiser ; en 2002, les locales. En 2006, on devait avoir les législatives. Mais, nous avons connu toutes sortes de problèmes avec ces élections décalées, couplées, découplées, etc. Ensuite, le parti vivait une situation interne qui a fait qu'on a pensé que l'essentiel n'était pas d'aller aux renouvellements, mais à l'unité, à la cohésion du parti. Nous avons été traversés par le phénomène du courant. Tout cela fait que le Parti socialiste n'a pas pu s'atteler aux tâches militantes qui devaient le mener au congrès. Certaines coordinations ont renouvelé ; d'autres n'ont pas pu le faire. Il y a eu, entre-temps, les élections présidentielles. Ma conviction est que ce travail-là doit être repris. Et il faut, au Parti socialiste, des instances légitimes, c'est-à-dire choisies et élues par la base. On le fera. A tort ou à raison, certains pensent que cela a pris du retard. Mais, le retard s'explique.

Wal Fadjri : N'est-ce pas cette gestion des hommes qui a empêché l'émergence d'un leadership légitime et fédérateur dans lequel tout le monde se reconnaît ?

Me Aïssata Tall Sall : La gestion des hommes est la chose la plus compliquée au monde. D'autant plus compliquée quand cela se passe dans un parti qui, pendant 40 ans, a été au pouvoir et qui, subitement, s'est retrouvé dans l'opposition et qui, bien évidemment, perd quelques assurances et quelques repères. Tout cela est tout à fait normal. Le plus important n'est pas là. Le plus important, c'est qu'on ait pu sauvegarder l'identité politique et philosophique du Parti socialiste. Ce que les gens doivent reconnaître, c'est d'être, depuis sept ans, le seul adversaire de Wade, le seul qui a refusé la compromission en s'arc-boutant sur son identité politique et philosophique. L'autre chose la plus importante, au-delà de la gestion des hommes, c'est de faire de telle sorte que l'on puisse préserver l'outil politique qu'est le parti. Cela, on l'a réussi. Maintenant, les hommes, il y en a qui partent, d'autres qui arrivent. Parce que, autant vous me parlez des conflits entre les dirigeants du Parti socialiste, autant je pourrais vous parler de tout cet apport venant de cadres, de jeunes, d'universitaires, etc, qui ont été d'un secours inestimable mais qu'on ne voit pas. Parce que ce ne sont pas des choses que l'on médiatise. Je pense que vous avez raison mais vous avez, également, tort. Vous ne vous intéressez qu'aux trains qui partent en retard, mais pas à ceux qui arrivent à l'heure.

Wal Fadjri : La Cap 21 a marqué son refus d'un nouvel audit du fichier. Vous en faites votre cheval de bataille. Comment réagissez-vous à cette sortie de la Cap 21 ?

Me Aïssata Tall Sall : La Cap 21 mène un mauvais combat dans la mesure où tout le monde sait que le fichier a été l'instrument de la victoire de Wade. En fait, tout part de là. Si le fichier était clair, s'il était transparent, s'il ne contenait pas d'irrégularités, la Cap 21 ne devait avoir aucun problème à accepter son audit. Le fait d'avancer qu'il a été audité il y a quelques temps est une raison inopérante, farfelue et tirée par les cheveux. De quoi s'agit-il ? Il s'agit pour la classe politique, mais aussi pour l'ensemble des citoyens de s'assurer qu'on a un instrument important, sûr, autour duquel il n'y a pas de contestation. Mais, leur véhémence parce que tout simplement nous avons demandé l'audit du fichier laisse penser que plus que suspects, ils sont coupables. Parce que quand on n'a rien à se reprocher, il faut pouvoir accepter cela. En 2000, on l'avait accepté : on avait mis ce fichier non seulement à la dispositon de l'opposition, mais aussi de l'ensemble de la société civile qui l'avait audité de long en large. Pour ce qui est de cet audit-là, Abdoul Mazide Ndiaye (Ndlr, coordonnateur des organisations de la société civile pour l'audit du fichier) a dit que ‘ce fichier, il n'est pas tout à fait sûr, il n'est pas tout à fait irrégulier’. Mais, qu'est-ce que c'est ce ‘ni-ni’. Personne n'y comprend quelque chose. Si ce fichier n'est ni tout à fait sûr ni tout à fait irrégulier c'est qu'au moins, une chose est sûre : il n'est pas fiable. Alors, auditons-le ! C'est quoi la finalité de l'audit ? C'est d'expurger du fichier tout ce qui peut ressembler à des irrégularités, qu'elles soient volontaires ou involontaires. La seule chose à laquelle nous devons convenir, c'est d'avoir un instrument national électoral authentique et fiable. Et la Cap 21 devrait l'accepter. Mais, la précipitation suspecte avec laquelle elle se met à nous traiter de tous les noms parce qu'on a demandé un audit du fichier, laisse penser que la Cap 21 est convaincue que le fichier est bien le lit de la fraude.

Wal Fadjri : Le président de la République a signé le nouveau décret portant répartition des sièges, vous lançant ainsi un défi. Jusqu'où êtes-vous prêt à aller dans la contestation de la légalité de ce nouveau décret ?

Me Aïssata Tall Sall : D'abord, ce n'est pas un défi qui nous est lancé. C'est un défi qui est lancé au Conseil d'Etat. Quand on lit les considérants de l'arrêt du Conseil d'Etat, quand on met ces considérants en parallèle avec l'exposé des motifs du décret de Wade, on se rend compte que c'est de la justice qu'il se moque. Pourtant, cette justice-là est rendue au nom du peuple sénégalais. Cette décision du Conseil d'Etat n'engage pas le Conseil d'Etat. Elle engage le peuple parce que c'est au nom du peuple que les juges ont siégé, délibéré et rendu ce verdict. Ce même peuple dont il (Wade) a collecté les suffrages le 25 février 2007. Ce qu'il a fait est un précédent grave pour la justice de notre pays et pour notre démocratie. Mais, je rappelle que, déjà, en 2001, il avait pris sa plus belle plume pour contester, par écrit, une décision du Conseil constitutionnel. Je rigole quand j'entends dire que nous avons critiqué la décision du Conseil constitutionnel. D'abord, les décisions de justice sont faites pour être critiquées, commentées. Mais, que je sache, étant au pouvoir, on n'a jamais pris la liberté de commenter une décision de justice. Pourquoi ? Parce qu'à l'époque, le président Diouf était soucieux de la séparation des pouvoirs. Il disait que ce qui était permis au commun des Sénégalais - critiquer ou commenter une décision de justice - lui, il se l'interdisait parce que c'est le Gardien de la Constitution. Et la séparation des pouvoirs est un principe fort et sacré de la Constitution (...). Mon opinion personnelle est qu'il faut déférer ce décret devant le Conseil d'Etat. D'abord, pour amener encore Abdoulaye Wade à respecter la loi et à s'y conformer. Ensuite, parce qu'il est de notre devoir de rester cohérents. Nous avions, la première fois, attaqué le décret, on nous avait taxés de faire le jeu de Wade parce que cela a permis de reporter les élections. Nous avions dit qu'en exerçant ce recours, nous le faisions en dehors de toute considération de politique politicienne. Parce que la seule chose qui nous intéressait, c'était le respect de la loi par celui qui est censé veiller au respect de son application : le président de la République. Cette fois-ci, mutatis mutandi, nous sommes dans les mêmes conditions d'espèce de porter un recours devant le Conseil d'Etat sans nous soucier des conséquences politiques, tactiques ou stratégiques qu'Abdoulaye Wade pourrait en tirer.



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