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Politique

Me Madické NIANG sur le dossier Farba SENGHOR : « Le Parlement n’a pas à attendre les instructions du président »

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Me Madické NIANG sur le dossier Farba SENGHOR : « Le Parlement n’a pas à attendre les instructions du président »

Le Garde des Sceaux, ministre de la Justice, Me Madické Niang, est présent à Genève pour défendre la politique de l’Etat du Sénégal en matière de démocratie et de droits de l’homme. En marge de cette activité, nous nous sommes entretenus avec lui, notamment, sur le cas Habré dont il assure qu’il va être jugé, sur l’affaire Farba Senghor et sur l’objet de sa venue à Genève.

Wal Fadjri : Monsieur le Ministre, Human Rights Watch, la Raddho et tant d’autres Ong s’inquiètent de la tenue de l’affaire Habré. Pouvez-nous donner l’assurance que ce procès aura lieu ?

Me Madické Niang : Oui, le procès Hissène Habré aura lieu parce que nous nous sommes battus devant l’Union africaine pour qu’elle prenne ses responsabilités. Aujourd’hui, nous avons fait tout ce qui nous revenait. Il ne reste qu’à mobiliser les fonds devant permettre l’organisation du procès. On vient d’obtenir de l’Ua qu’elle s’engage elle-même à arrêter le budget, à organiser avec l’Union européenne une conférence des bailleurs et des donateurs et que les fonds soient rassemblés pour nous permettre d’avancer dans la tenue du procès. Tout est terminé du point de vue institutionnel, constitutionnel et administratif. Toutes les décisions ont été prises. Tout est fin prêt, même les termes de référence de l’organisation du procès ont été fixés. Il ne reste plus que la mise en œuvre et nous sommes prêts pour l’organisation.

Wal Fadjri : Cela voudrait-il dire que le budget sera révisé ou cela dépendra-t-il de la décision de l’Union africaine ?

Me Madické Niang : Cela dépendra de ce que décidera l’Ua et les parties sur lesquelles il y a discussion, concernent la formation des magistrats. Comment pouvons-nous demander à des magistrats qui n’ont jamais connu la justice internationale de juger Hissène Habré s’ils n’ont pas reçu la formation requise ? Le deuxième point concerne l’organisation du procès lui-même. Ils ont voulu que nous ayons un procès avec un nombre limité de témoins alors que tout le monde sait que dans le débat juridique, il faudrait autant de témoins pour que la manifestation de la vérité intervienne. C’est un ensemble de questions sur lesquelles l’Union africaine devra se pencher en fixant un budget définitif. En tout cas, nous avons terminé notre travail, en ce qui nous concerne. Nous avons accompli notre part du travail par rapport au mandat qui nous a été confié par l’Union africaine. Je précise que Habré n’a plus maille à partir avec le Sénégal, mais plutôt avec l’Union africaine qui nous a confié le mandat de le juger.

‘Nous voulons que le procès soit juste et équitable, que Habré ait les moyens de se défendre et que les victimes aient les moyens d’apporter toutes les preuves pour étayer leurs accusations’

Wal Fadjri : Alors à quand le procès ? Dans une année, deux ans… ?

Me Madické Niang : Nous recevons tellement de pressions sur ce dossier ! Les gens sont pressés. Je voudrais seulement signaler que c’est le président Wade qui, lors de la tenue de l’avant-dernier Sommet de l’Union africaine dont les travaux avaient duré jusqu’à 3 h du matin, avait demandé que le cas Habré soit évoqué. On lui avait demandé d’attendre le mois de juillet suivant, mais il avait insisté pour que cette affaire puisse être évoquée. Le lendemain, les chefs d’Etat se sont réunis sur insistance du président Wade. C’est vous dire que nous sommes aussi pressés pour que le procès ait lieu. Mais nous voulons que le procès soit juste et équitable. Que Habré ait les moyens de se défendre et que les victimes aient les moyens d’apporter toutes les preuves pour étayer leurs accusations.

Wal Fadjri : A la ‘Une’ de Wal Fadjri de ce jeudi 5 février, il est annoncé que le Parlement attend le feu vert du président Wade pour l’organisation du procès de Farba Senghor. Quel est votre commentaire ?

Me Madické Niang : Mais le Parlement n’a pas à attendre. Le Parlement est saisi et les députés doivent programmer ce dossier et l’examiner. Je voudrais aussi vous dire que je ne vais pas m’immiscer dans les affaires de cette institution. Premièrement, je n’en ai pas le pouvoir et deuxièmement, c’est une question de principe pour moi. Je peux, par contre, vous dire qu’en ce qui me concerne, j’ai la conscience tranquille. J’ai traité ce dossier avec tout le sérieux qui était nécessaire pour la manifestation de la vérité. D’ailleurs, vos confrères au Sénégal et d’ailleurs me rendent hommage pour cela et je voudrais que cela soit le cas dans tout autre affaire. Nous nous engageons à ce que la vérité se manifeste de façon tout à fait claire et qu’il n’y ait aucune entrave à l’exercice de la justice.

‘Quand l’affaire du saccage des locaux des journaux l’As et de 24 H Chrono a éclaté, j’assumais l’intérim du ministère de l’Intérieur. Quand j’ai demandé que l’enquête soit poursuivie jusqu’au bout, c’était aussi la volonté du président de la République’

Wal Fadjri : Mais le président Wade est-il dans les mêmes dispositions d’esprit que vous sur le dossier Farba Senghor ?

Me Madické Niang : Oui, le président est dans les mêmes dispositions. Je voudrais même vous parler de quelque chose qui devait rester confidentiel. Quand l’affaire du saccage des locaux des journaux l’As et de 24 H Chrono a éclaté, j’assumais l’intérim du ministre de l’Intérieur. Quand j’ai demandé que l’enquête soit poursuivie jusqu’au bout, c’était aussi la volonté du président de la République. Ce dernier avait demandé la poursuite de l’enquête afin de disposer des éléments permettant de situer les responsabilités. Quand j’ai eu les rapports, je les ai transmis au président de la République. Et dès réception de ces documents, il a immédiatement décidé de sortir le ministre Farba Senghor du gouvernement. Il l’a convoqué, il l’a entendu et il a pris sa décision. Tout le monde sait ce que représente Farba pour le président de la République. Plus qu’un ministre, c’est un membre de sa famille parce qu’étant très lié avec cette dernière. Tout le monde sait aussi ce que représente Farba pour moi. C’est quelqu’un avec qui, j’ai cheminé pendant longtemps, quand j’étais l’avocat du président de la République. J’ai donc avec lui des relations plus que fraternelles. Aujourd’hui, nos relations semblent mal en point, mais je voudrais vous dire que j’ai au moins la conscience tranquille d’avoir fait mon devoir.

Mon devoir consistait, à l’époque, à demander que l’enquête se passe dans de meilleures conditions. Mon devoir, c’était aussi, au moment où l’affaire a atterri devant le procureur de la République, de lui demander de faire ce qui était nécessaire pour que ceux qui étaient impliqués dans l’affaire puissent être poursuivis et condamnés sévèrement. Mon devoir était aussi de faire de telle sorte que personne ne soit tenté, parce qu’on est tout simplement en désaccord avec les écrits d’un journal, d’aller le saccager et de s’en prendre aux patrons de presse.

D’un autre côté aussi, j’ai pris une décision dans l’affaire El Malick Seck. Et j’ai dit aux journalistes - avec qui j’ai de meilleures relations cultivées depuis longtemps, quand le président Abdoulaye Wade était dans l’opposition et que j’étais son avocat - que la justice ne peut pas aussi tolérer qu’il y ait des actions délibérées à l’encontre des citoyens et des institutions de la République. Nous sommes là pour protéger tous les citoyens, mais aussi pour protéger les institutions. C’est pourquoi avec l’affaire El Malick Seck, qui était flagrante et grave d’atteinte aux institutions de la République, nous avons agi en obtenant du Parquet que des réquisitions soient faites dans le sens d’une condamnation sévère. Et aujourd’hui, les citoyens savent qu’ils doivent s’adresser à la justice quand certains écrits portent atteinte à leurs intérêts et à leur honorabilité et non se faire justice eux-mêmes. Et les journalistes n’ignorent pas qu’ils doivent aussi respecter les droits des citoyens mais aussi les institutions. Si ces deux impératifs sont, de part et d’autre, pris en compte, nous aurons une société dans laquelle l’Etat de droit sera très fort.

Wal Fadjri : Vous êtes présent à Genève pour défendre la politique de l’Etat du Sénégal en matière de démocratie et de droits de l’homme. Qu’attendez-vous de ce Conseil des Droits de l’homme ?

Me Madické Niang : Je voudrais que le Conseil reconnaisse les efforts considérables accomplis par le Sénégal. Vous savez que la démocratie et la promotion des droits de l’homme ne sont jamais achevées. Si jamais une construction est achevée, il faut toujours la parfaire et la consolider. Dans les actes de consolidation, nous sommes preneurs de toute recommandation qui permettrait que les Droits humains puissent être protégés de la manière la plus forte. Nous attendons aussi une coopération avec tous les pays pour que les considérations qui font ressortir certaines contingences sociales particulières soient traitées non pas uniquement sur la base des principes, mais aussi sur la base des spécificités qui ont cours dans chaque pays. C’est le cas de l’homosexualité au Sénégal, c’est également le cas des enfants de la rue. Ce sont des affaires dans lesquelles, on a certes besoin que les principes soient dits, mais il faudrait tenir compte des contingences sociales qui ont cours chez nous. Le gouvernement du Sénégal prend avec beaucoup de sérieux ce Conseil. Nous sommes venus avec une forte délégation de onze membres, dont les représentants de tous les départements ministériels concernés, pour répondre aux éventuelles questions.

Wal Fadjri : Quels sont les acquis et les faiblesses du Sénégal ?

Me Madické Niang : Le Sénégal a réalisé beaucoup de choses. Par exemple, nous avons parachevé toute l’architecture sur le plan des structures qui permettent le développement et le renforcement des acquis. Nous avons le Comité sénégalais des Droits de l’homme, le Haut Commissariat aux Droits de l’homme et à la promotion de la paix, mais aussi la Médiature. Et au-delà de cela, nous avons toutes les Ong et la société civile qui s’activent dans le développement et la promotion des droits humains. Nous avons aussi adapté à notre dispositif interne tous les mécanismes internationaux et les Conventions internationales que nous avons signés. Ce qui permet d’enregistrer des avancées notoires. Par exemple, j’ai défendu, il y a deux à trois, jours l’adoption et le vote de la loi qui crée l’Observatoire des lieux de préservation des libertés. La France dispose de ce même organe depuis 2007 et le Sénégal va être le premier pays africain à mettre en place ce mécanisme judiciaire très important pour le respect des Droits de l’homme, après avoir ratifié le protocole facultatif.

Wal Fadjri : Quel sera le rôle de l’Observateur des lieux de préservation des libertés ?

Me Madické Niang : L’Observateur devrait avoir pour mission principale de prévenir des actes de torture, mais aussi de pouvoir les dénoncer pour que ces actes puissent être réprimés et que ceux qui seraient tentés de les réaliser, ne soient plus dans les dispositions qui portent atteinte à la personne humaine et aux engagements du Sénégal. C’est une autorité indépendante qui est nommée pour une période donnée et qui ne peut quitter ses fonctions que sur la base d’une démission ou en cas d’empêchement dûment constaté. C’est vous dire que l’indépendance est garantie et l’Etat lui donne les moyens d’une gestion autonome des ressources qui lui permettent de fonctionner correctement. L’Observateur se fait représenter à l’Assemblée nationale par ce qu’on appelle des observateurs délégués qui concourent à la réalisation de la mission qui lui est assignée. Et le plus important est qu’il bénéficie de garanties et d’une immunité totale par rapport aux avis et aux observations qu’il va émettre dans l’exercice de ses fonctions. Ceci devrait nous permettre, à chaque fois qu’il y a des allégations de torture, que cette autorité puisse aller sur les lieux et contrôler la situation. Il peut désigner lui-même des médecins qui pourront examiner la personne concernée et en même temps cette autorité a l’obligation d’établir un rapport qui sera rendu public. C’est dire que nous disposons aujourd’hui de tous les moyens de prévenir la torture et de respecter nos engagements qui découlent de la Convention internationale contre la torture.

Propos recueillis à Genève par El Hadji Gorgui Wade NDOYE (ContinentPremier.Com)



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