Mise en place d'un fonds de solidarité : Quand la Tunisie inspire le Sénégal

Pour atténuer les frustrations nées de la dégradation du niveau de vie des ménages, le président Abdoulaye Wade en appelle à la solidarité, en sus des mesures qu’il a prises de réduire le train de vie dispendieux de l’Etat. Seulement, le Fonds de solidarité nationale qu’il entend créer s’inspire de ce qui se fait en Tunisie en la matière depuis le 8 décembre 1992. Un modèle tunisien qui a si bien réussi qu’il a été adopté en 2002 par l’Assemblée générale des Nations-Unies. Seulement voilà : le Sénégal saura-t-il mettre en place ces mécanismes de transparence dans la gestion qui ont permis à ce modèle de s’exporter ?

(Envoyé spécial à Tunis) - Face à la dégradation du niveau de vie des ménages sénégalais consécutive à la hausse quasi généralisée des prix des denrées de première nécessité, le président Wade a cru bon de réduire le train de vie dispendieux de l’Etat. Et à défaut de pouvoir réduire les salaires dans la fonction publique et le secteur privé au nom du devoir de solidarité nationale, il compte créer un Fonds de solidarité nationale. En le faisant, son gouvernement va s’inspirer, bien qu’il ne le dise pas, du modèle de la Tunisie, adopté par les Nations-Unies en 2002 sous la dénomination ‘Fonds mondial de solidarité et de lutte contre la pauvreté’, sur proposition de son chef d’Etat, le président Zine El Abidine Ben Ali. En tout cas, grâce à son Fonds de solidarité nationale, la Tunisie a pu faire passer le taux de pauvreté de 7,3 % en 1987 à 3,8 % en 2005, ainsi que l’a rappelé le chef d’Etat tunisien hier, dans un stadium de Radès plein comme un œuf, où il tenait un meeting populaire à l’occasion de la célébration du vingtième anniversaire de son avènement au pouvoir.

Pour que les Tunisiens parviennent à réduire à ce point le niveau de pauvreté en ville comme dans le monde rural, il leur aura fallu développer un sentiment de solidarité qui aura été tel que le nombre de donateurs est passé de 182 072 Tunisiens en 1994 à 3 374 967 en 2004 ; alors que les contributions passaient durant la même période de 5 112 544 dinars (soit environ 2 milliards 44 millions de francs Cfa) à 25 717 000 dinars (soit environ 10 milliards 287 millions de francs Cfa). Seulement, aucun sou tiré de ce Fonds de solidarité nationale ne va dans des dépenses de fonctionnement. D’ailleurs, d’après le responsable de ce Fonds dans la région de Tozeur (dans le sud-est désertique de la Tunisie), ‘même l’essence avec laquelle nos structures fonctionnent est prise en charge par l’Etat’. L’argent ainsi collecté auprès de toutes les couches de la société (même les élèves contribuent pour un dinar chacun, soit environ 400 francs Cfa) va directement aux projets ciblés. Cela permet d’éviter tout détournement de ces deniers gérés de manière transparente parce que les marchés de gré à gré ne sont pas tolérés. Et ce n’est pas pour rien que la Tunisie a été classée deuxième dans le monde arabe et en Afrique confondus par le Rapport mondial sur la compétitivité du Forum de Devos pour 2007-2008 pour ce qui est de la gestion des dépenses publiques.

En tout cas, grâce au Fonds de solidarité nationale, les Tunisiens ont pu construire 74 mille logements entre 1993 et 2005 en remplacement des logements rudimentaires. Ainsi, à Tozeur, dans le sud-est tunisien, ce sont des villas de trois pièces (deux chambres à coucher, un salon, une cuisine et une salle d’eau) avec des possibilités d’extension en hauteur qui ont été livrées clés en main à des populations qui vivaient dans une grande paupérisation. Et dans son arrière-pays désertique, sont sorties de terre des maisons présentant les mêmes commodités et dont les propriétaires sont des nomades que les autorités tunisiennes sont ainsi parvenues à sédentariser. En effet, ces nomades n’ont plus besoin de se déplacer en permanence à la recherche de points d’eau, le Fonds de solidarité ayant également investi dans l’adduction d’eau jusqu’à la frontière désertique avec l’Algérie voisine. Et c’est ainsi que le taux d’alimentation en eau potable a atteint 88,5 % en 2004 contre 49,5 % en 1992.

Le Fonds de solidarité nationale de la Tunisie a également financé le bitumage de plus de 3 500 km de routes, permis à plus de 71 mille familles de bénéficier de l’électricité (la plupart de ces bénéficiaires se trouvent en milieu rural), créé 135 nouveaux centres de santé et 103 nouvelles écoles. En fait, dans chaque nouveau village, créé pour fixer les populations nomades, ont été bâtis concomitamment une école et un centre de santé doté du plateau technique minimal nécessaire. Les résultats sont si probants que bien des pays ont décidé de s’en inspirer. C’est le cas du Sénégal, mais également du Burkina Faso et du Mali, entre autres. Mais l’efficacité de Fonds de solidarité dépendra des mécanismes mis en place pour garantir la transparence dans leur gestion et éviter que ne s’installe une certaine bureaucratie.