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Politique

Moussa Tine (Ex-second de Talla Sylla) : ‘ Pourquoi j'ai quitté le Jëf-Jël’

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Moussa Tine (Ex-second de Talla Sylla) : ‘ Pourquoi j'ai quitté le Jëf-Jël’
Après s'être longtemps écarté de la scène politique, l'ex-numéro deux du Jëf Jël a décidé de faire son come-back. Moussa Tine a ainsi créé son parti, dont il attend le récépissé. Dans l’entretien qu'il nous a accordé, le leader de l'Alliance démocratique/Penco revient sur les raisons de sa séparation avec Talla Sylla, mais se projette également sur la présidentielle de 2012. Sur ce point, Moussa Tine est d'avis que le président ne peut se présenter à cette élection, preuves à l'appui. Entretien

Wal Fadjri : Qu’est-ce qui a motivé votre démission du Jëf Jël ?

Moussa Tine : Il arrive, dans la vie, que la situation justifie qu’il vaille mieux se séparer que de rester ensemble. Nous avons fait du chemin avec le Jëf Jël. Nous étions parmi les membres fondateurs, nous avions réfléchi et mis ensemble les projets de société pour le Sénégal. Mais nous en étions arrivés à un moment où nous avions pensé faire quelque chose par rapport la démarche. Cela n’avait absolument rien de personnel, encore moins de politicien. Souvent, il vaut mieux se séparer pour préserver les rapports humains, pour ne pas en arriver à des extrémités que personne n’aurait souhaitées. Et nous avons fait ce qu’il fallait. Il n’y a eu aucune animosité ; nous avons gardé les meilleures relations humaines. Mais, de notre côté, nous allons essayer de faire autrement.

Wal Fadjri : Votre départ a été suivi d’autres non moins importants. Est-ce à dire que c’est Talla Sylla, le problème au Jëf Jël ?

Moussa Tine : Tout ce qui s’est passé au Jëf Jëf n’a rien de personnel. C’est dans l’approche manageriale qu’on a eu des divergences. J’en avais discuté avec Talla Sylla. Je lui avais dit que j’étais en train de réfléchir sur les perspectives, mais que j’excluais deux choses. D'abord, je ne serai jamais un transhumant. La morale et l’éthique politiques auxquelles je reste attaché, m’interdisent toute forme de transhumance. Je ne suis pas configuré pour faire des choses pour des intérêts matériels ou personnels. La deuxième chose que je lui ai dite, c’est que ma responsabilité dans ce pays ne me permet pas de ne rien faire. Je lui avais ainsi fait savoir que je comptais m'investir pour mon pays, en restant dans les exigences d’ordre moral que je me suis toujours fixées.

Wal Fadjri : Vous aviez des responsabilités vous permettant de changer les choses de l'intérieur, au lieu de démissionner…

Moussa Tine : J’ai essayé d’apporter ma touche personnelle sur le management du parti. Il est vrai que, même en dehors de cette période-là, j’ai eu à gérer le secrétariat exécutif du parti. Mais je dois préciser que, même en me retirant, j’ai fait les choses en bonne intelligence avec Talla Sylla. Je dois préciser que, durant ses absences, beaucoup de mesures ont été prises dont on m'a imputé la responsabilité, alors que je n’en avais pas la paternité. Lorsqu’on a voulu instaurer le poste de vice-président, beaucoup de gens croyaient que c’est moi qui l’avais initié pour préparer un coup d’Etat contre notre leader Talla Sylla. Je précise qu’en ce temps, j’étais catégoriquement contre ce poste. Lorsqu’on a voulu m’installer comme tête de liste lors des élections législatives, j’étais encore contre et je peux prendre Talla Sylla à témoin. Il pourra aussi confirmer que je lui avais dit que je n’accepterai jamais qu’il démissionne pour me céder la présidence du parti. J’avais toujours cru qu’il fallait capitaliser tout ce qui était inscrit à l'actif de Talla Sylla.

Wal Fadjri : A présent, vous avez créé votre parti. Quelles sont vos ambitions ?

Moussa Tine : D’abord, l’idée de ce parti n’est pas nouvelle. Si vous vous rappelez, la presse avait relaté que Moussa Tine et ses amis sont en train de créer un parti politique qui s’appelle Alliance nationale citoyenne. Ce qui était d’ailleurs vrai. Malheureusement, on avait eu un problème sur le nom parce que d’autres avaient créé une association qui portait le même nom. On a fini par choisir l'Alliance démocratique/Pencoo. En fait, quand nous nous sommes éloignés du Jëf Jël, les gens sont venus me dire qu’on ne peut rester les bras croisés. Je leur ai dit que je suis tout à fait d’accord mais, pour créer un parti politique, il faut qu’on justifie de la valeur ajoutée qu’on apporte par rapport à ce qui se fait.

J’avais dit, en deuxième lieu, que si je devais faire quelque chose, ce serait par devoir de citoyenneté. Les gens avaient commencé à y réfléchir. Et je leur ai dit que si nous n’arrivons pas à y apporter une valeur ajoutée, ce n’est pas la peine de créer un parti politique. J’avais aussi dit que je n’accepterais pas d’aller vers un parti politique qui soit vu comme une dissidence du Jëf Jël. Et la dernière chose que j’avais dite est que le parti ne soit pas celui de Moussa Tine. Il fallait créer un parti qui existe de manière institutionnelle et de façon à le détacher de la personne de ceux qui en ont la direction. J’avais même ajouté que l’idée de direction d’un parti politique ne m’agréait pas. Je pense qu’un parti politique doit être une organisation détachée de toutes les personnes qui l’animent. Et il fallait mettre en avant des animateurs du parti et qu’il ne me dérangeait pas qu’il y ait des pôles de leadership en son sein. Il fallait, aussi, proposer quelque chose de pertinent aux Sénégalais et appeler les gens à venir adhérer. Pendant tout ce temps, on y a réfléchi, mais tous les membres ne sont pas encore connus. Nous avons fait des démarches auprès du ministère de l’Intérieur pour être reconnu et, depuis lors, on attend.

Wal Fadjri : Que comptez-vous apporter de nouveau dans le landernau politique sénégalais ?

Moussa Tine : D’abord, je respecte tout ce qui a été fait dans ce pays. Je discutais avec un ami et je lui ai parlé d’un ancien militant du Pai, Charles Guèye, de Landing et de tout ce que les gens ont eu à faire dans la clandestinité au sein d’And Jëf, ainsi que la longue marche de Bathily, les facilités et largesses que Niasse et Tanor auraient pu avoir s’ils avaient accepté de se ranger derrière Abdoulaye Wade, qui sont autant de choses qui forcent le respect. Pour dire qu’on ne peut pas se lever un beau jour pour dire qu’il n’y a rien de bon de tout ce qui a été fait au Sénégal. Mais il faut qu’on sache que les enjeux ont changé. Il nous faut une autre vision. Nous avons eu la chance de ne pas recevoir un héritage politique qui prédestine de ce que nous allons faire en terme de management. Il faut qu’on en arrive à avoir un parti politique qui réponde à d’autres valeurs. La question est trop vaste. Il nous faut s'accorder sur la compréhension que nous avons des institutions, des valeurs qui doivent présider à la gestion de l’économie, etc. Nous sommes en train de préparer une grande réunion qui nous permettra de faire connaître les grandes lignes de notre parti.

Wal Fadjri : Qu’est-ce qui vous distinguera des autres formations politiques ? N’êtes-vous pas en train d’en rajouter à la pléthore de partis au Sénégal ?

Moussa Tine : J’ai entendu ce débat et ça m’a beaucoup intéressé. Il y a un principe qu’on appelle la liberté d’association. Chaque Sénégalais a la possibilité et le droit de mettre en place une association. Contrairement à ce que les gens pensent, au Sénégal, un parti politique, c’est une association de droit privé. Je suis contre tous ceux qui pensent qu’il faut prendre des mesures limitatives des partis politiques. En vérité, ce qui limite les partis politiques et qui encourage les fédérations des partis politiques, c’est le système électoral, mais pas un décret ou une mesure d’ordre électoral. Au fond, ce qui nous pose problème au Sénégal, ce sont les gens qui ne s’engagent pas. J’ai l’habitude de dire que le Sénégal n’est pas malade des mains inexpertes qui font de la politique, mais plutôt des mains savantes qui refusent d’en faire. Force est de constater que ce sont des gens qui ne sont pas préparés à la gestion de la chose politique qui nous dirigent.

Wal Fadjri : Comment est structuré votre parti, qui en sont les principaux leaders ?

Moussa Tine : Le mot leader est absolument conforme avec ce que nous voulons faire. Contrairement à ce que pensent certains, ceux qui n’ont jamais fait de la politique et n’ont jamais été membres du Jëf Jël sont largement majoritaires dans le parti. Il y a un comité d’initiative qui existe et qui a fait son assemblée générale. Mais, c’est le congrès du parti qui validera tout ce qu’on est en train de faire et choisira ceux qui vont diriger le parti parce que nous avons des gens à l’université, dans le secteur primaire et privé. Nous avons tenu à dire aux uns et aux autres que chacun peut apporter sa touche pour le bon fonctionnement du parti. Mais que la position de leader, de responsable dans une localité ne peut être décidée que par la structure qui en aura la charge. Nous voulons qu’il y ait la démocratie participative. Il faudra que chacun ait la possibilité de participer à la prise de décision, mais aussi de pouvoir défendre les textes du parti.

Wal Fadjri : Dans quelle obédience politique peut-on vous classer ?

Moussa Tine : Nous sommes au centre gauche parce qu’il est plus conforme à nos valeurs culturelles et religieuses. Si la crise que nous sommes en train de vivre a eu lieu, c’est parce que les politiques ont démissionné. Le monde est dirigé par le pouvoir économique, il faut mettre un terme à cela, pour libérer les énergies individuelles, favoriser la compétition entre les différents secteurs économiques, mais aussi, permettre à ce qu'une organisation puisse jouer le rôle de régulateur minimal et de prendre en charge la question de la solidarité nationale. Il y a eu une démission politique.

Wal Fadjri : Ne craignez-vous pas, une fois aux commandes, de vous heurter à la real politik ?

Moussa Tine : Si on prend l’exemple de la Chine, les dirigeants sont des technocrates et des bureaucrates. En France, quand le président Chirac est arrivé au pouvoir, il a dit : ‘Oui, je suis d’accord pour l’implication, mais la décision doit revenir aux politiques’. On le remarque dans la façon de gérer la chose politique. Comme le fait Obama aux Usa et Sakozy en France, ils ont compris qu’il ne fallait plus laisser les banques prendre des décisions qui concernent l’avenir de la nation. Toutefois, il y a eu une forte implication du pouvoir politique dans la gestion du monde financier. D’ailleurs, c’est la bonne tendance. Il faut favoriser le privé pour que chacun se sente libre.

Wal Fadjri : Etes-vous dans les dispositions de conquérir le pouvoir ?

Moussa Tine : Nous ne nous donnons aucune forme de limitation dans les ambitions que nous avons. L’objectif de notre parti, c’est d’aller à la conquête du pouvoir. Nous allons, d’abord, participer à la vie politique de notre pays. Nous ferons, ensuite, de sorte que les Sénégalais adhèrent à notre projet de société. Et nous allons essayer de les fédérer autour de l’organisation que nous allons mettre en place. En attendant, un débat est en train d’être mené par la classe politique et nous allons y apporter notre touche.

Wal Fadjri : Si vous étiez reconnus d’ici à l’élection présidentielle de 2012, seriez-vous candidat ?

Moussa Tine : Nous ne pouvons pas nous positionner en ignorant le débat qu’il y a sur la candidature unique. Est-ce qu’il faut favoriser plusieurs candidatures ou y aller avec une candidature unique ? C’est ça le débat qui se pose et nous en avons une position et nous comptons la défendre.

Wal Fadjri : Peut-on s’attendre à ce que vous vous alliez avec Cheikh Bamba Dièye pour une alternance générationnelle ?

Moussa Tine : Nous avons eu des contacts avec le député Cheikh Bamba Dièye. J’ai eu aussi des contacts avec d’autres leaders de parti politique. J’ai suivi, depuis longtemps aussi, le débat qu’il y a eu autour de l’alternance générationnelle que j’ai toujours défendue. Pour moi, si cela a une connotation liée à l’âge, je ne suis pas partant. Mais si on veut parler d’une génération d’idées, je suis preneur. Ainsi, je considère que Mamadou Dia était de ceux qui participaient largement au renouvellement d’idées modernes qui doivent nous aider à occuper une bonne place dans le concert des nations. L’autre chose est que le Sénégal a besoin de toutes ses forces, quelle que soit la génération. Le Sénégal a un avenir, mais il ne faut pas travailler en ignorant son passé.

Wal Fadjri : Quelle serait la meilleure formule pour l’opposition en 2012 ?

Moussa Tine : Je ne crois pas que quelqu’un ait une réponse tranchée à cette question. Du point de vue technique, rien n’oblige l’opposition à avoir une candidature unique. Le propre d’un scrutin majoritaire à deux tours, c’est de favoriser le multipartisme dépendant. C’est dire que ça donne la possibilité à beaucoup de leaders politiques d’être candidats au premier tour, en s’aménageant des possibilités d’alliance au second tour. Sur le plan politique, certains considèrent que le fait d’aller vers une candidature unique favorise une victoire de l’opposition parce que cela sera une fédération, mais aussi que cela va aider à une plus forte mobilisation des Sénégalais. On peut, aussi, y gagner la simplicité du choix du citoyen. Par là, le citoyen a plus confiance que son vote est utile. Or, l’utilité du vote est très importante dans la décision de l’électeur. Par conséquent, on ne peut pas décider, comme ça, de celui qui a raison ou pas. Il nous faut plutôt une démarche scientifique, voir dans quelle mesure l’électeur se sent beaucoup plus concerné. Nous allons vers une élection nationale, donc il nous faut y aller avec une mesure de l’opinion. Ce que beaucoup oublient, c’est que, même si la publication des sondages est interdite, il est, toutefois, possible à des organisations politiques de commander des sondages et d’aller vers cette mesure d’opinion.

Pour aller à une candidature unique, il faut aussi être réaliste. La question doit être très difficile. S'il faut y aller, il faudra aller vers une négociation globale. C'est d'abord une négociation politique et institutionnelle. Il ne faut pas se limiter à dire que si on va à une candidature unique, voici notre candidat. Il faut, aussi, aller dans le sens de réfléchir ensemble sur la réforme des institutions, pour aller vers le partage des responsabilités. L'idée est de montrer comment on va définir les types de pouvoirs. Et je ne vois pas ce qui nous interdirait d'aller vers cette négociation, ni d'envisager un autre type de négociation qui est une négociation politique et qui nous interpelle depuis un certain nombre de décennies, c'est-à-dire l'unité de la Gauche. Ceux qui s’en retrouvent dans le Benno, ce sont les mêmes gens qui revendiquent les valeurs politiques. Rien n'empêche que, dans ce cadre, on prenne en compte la question de la fédération politique.

Wal Fadjri : Certains ont tenté d’unifier la Gauche en vain. Ne risquez-vous pas de connaître le même sort ?

Moussa Tine : J'entends souvent les mêmes arguments. Mais si les gens ont eu à réussir dans le cadre du Cadre permanent de concertation (Cpc), mais aussi des élections locales, il doit être possible d’avoir une réelle volonté et des possibilités qui sont ouvertes. Tant qu'on acceptera de discuter, on parviendra à des accords qui vont être décisifs.

Wal Fadjri : Sur le terrain, Benno peine à gérer son unité au regard des flèches que se lancent certains partis. Le défi ne s’avère-t-il pas difficile ?

Moussa Tine : Il faut s'en indigner. Il faut continuer les discussions à l'interne. Nous sommes tous conscients que c'est un débat difficile. Au-delà même des leaders, c'est aussi l'affaire des appareils de parti et des militants. Nous avons la responsabilité de décider du bien du Sénégal et avons le devoir de réussir. Les leaders ont également la responsabilité de réussir, étant donné que les gens leur ont accordé une certaine confiance.

Wal Fadjri : Si Niasse et Tanor clarifiaient leur position, la question de la candidature unique ne serait-elle pas définitivement tranchée ?

Moussa Tine : Mais ce n'est pas un problème d'homme, c'est une question d'appareil, un problème d'héritage, c'est beaucoup de choses en même temps. Et on ne peut pas ignorer cela : il faut prendre en considération l'histoire des partis politiques et je ne suis pas sûr que la contradiction se limite à ce niveau-là. Nous avons beaucoup de contradictions à ce niveau, mais nous avons aussi des partis qui ont été pendant longtemps considérés comme des partis d'obédience marxiste. Mais je suis persuadé que si on continue la discussion de façon loyale à l'interne, on parviendra à s'entendre sur la bonne démarche. Réduire cette question à ces deux personnes (Niasse et Tanor, Ndlr), c'est amoindrir les chances que nous avons pour arriver à l'issue souhaitée. Or, nous avons l'obligation d'y arriver, parce que nous ne pouvons pas, avec tout ce qu'on a fait, regarder sans rien faire le Sénégal aller en déliquescence du point de vue des institutions, voir notre économie partir en lambeaux, regarder notre agriculture connaître une crise aussi profonde. C'est dire que l'opposition et la société civile ont l'obligation de reprendre les choses en main et de remettre le Sénégal sur la voie, avant qu'il ne soit trop tard.

Wal Fadjri : L'opposition ne risque-t-elle pas gros en évitant d'aborder la question qui fâche ?

Moussa Tine : En fait, on laisse trop d'initiative au président Wade. L'opposition a l'obligation de reprendre l'initiative. Ce n'est pas parce qu'on est au pouvoir, qu'on a forcément l'initiative. Un pouvoir, il prend des décisions en fonction des moyens politiques dont il dispose. Lorsque le pouvoir n'a plus des moyens politiques, il n'a plus de pouvoir. Regardez la question de la fraude : il n'y en a pas eu durant les dernières élections locales, en tout cas, pas à l'échelle qu'on lui connaissait, parce qu’on en était arrivé à un point critique tel que personne n'avait les moyens de faire ces fraudes. Ensuite, nous tous avions fermé les yeux sur les dérives de Wade. On a laissé croire que Wade avait la possibilité d'être candidat aux prochaines élections alors que la Constitution actuelle ne lui permet pas d'être candidat en 2012.

Wal Fadjri : Qu'est-ce qui l'en empêcherait ?

Moussa Tine : C'est une lecture très simpliste de la Constitution qui permet d'arriver à la conclusion que Wade peut être candidat. Notre Constitution, ce ne sont pas que les articles qui parlent du président de la République, mais ce sont les dispositions transitoires qui interdisent le président de la République d'être candidat. Si vous arrivez aux dispositions transitoires de la Constitution, on dit que toutes les dispositions sont applicables à l'actuel président de la République, sauf celle relative à la durée du mandat. Mais la non-rétroactivité des lois connaît une exception majeure, c'est que ça ne s'applique que lorsqu'il y a une décision contraire du législateur. A ce niveau, quand on lit bien le Constitution, l'on se rend compte que le constituant de 2001 a entendu s'appliquer toutes les décisions contenues dans la nouvelle Constitution en les faisant rétroagir, sauf la décision qui concerne le mandat du président de la République. Par conséquent, la seule chose à laquelle le président a échappé, c'est que son premier mandat n'est pas pour une durée de 5 ans, mais pour 7 ans, malgré la disposition expresse qu'il y avait dans la constitution. On a tous suivi ce débat. A l'heure actuelle, le président de la République ne peut pas se représenter à la prochaine élection présidentielle, il faut relire la Constitution pour s'en convaincre. Il se lève et annonce sa candidature et on laisse passer. Il ne le peut pas, s'il le fait, il faut qu'il trouve un autre recours, mais la Constitution actuelle ne le lui permet pas.

Wal Fadjri : Les leaders de l'opposition l'ignorent-ils ou sont-ils devant le fait accompli ?

Moussa Tine : Tout le monde a dit que, puisqu'il n'était pas sous l'empire de la Constitution de 2001, donc la disposition limitative des mandats ne le concerne pas. D'accord, je consens que c'est une rupture juridique, mais ce n'est pas une lecture complète de la Constitution. La lecture complète, c'est de considérer toute la Constitution, d'aller jusqu'aux dispositions transitoires et de faire une lecture combinée des différents articles. Et cela ne permet pas au président de la République d'être candidat à la prochaine présidentielle.

Wal Fadjri : Wade a déclaré qu'il ne supprimerait pas le deuxième tour, ni n'organiserait une élection anticipée. Cela vous rassure-t-il ?

Moussa Tine : Je ne pense pas, quand même, que Wade s'agrippe au pouvoir jusqu'à faire l'inacceptable. Ce ne serait même pas bon pour lui. Regardez ce qui s'est passé au Gabon, on ne peut pas aujourd'hui avoir un président de la République ayant une légitimité faible. Une élection présidentielle à deux tours a ceci de particulier qu'elle favorise des légitimités fortes. Et c'est avec cette légitimité forte qu'on peut d'abord dépister de grands projets, mais aussi obtenir l'adhésion de la grande majorité dans la politique qui est mise en œuvre par le pouvoir en place. Or, lorsqu'on a une élection à un tour, cela veut dire qu'on a la possibilité d'élire le président de la République avec 20 % des suffrages. C'est-à-dire qu'il est possible que quelqu'un ait 22 %, que son suivant ait 20 %, suivi d’un autre ayant 17 % et c’est le premier qui passe. On aura ainsi un président de la République qui n'aura que 22 % d'adhésion à son projet et les 78 % des Sénégalais restants seraient contre son projet. Vous voyez ce que ça va créer en termes d'affaiblissement du régime. Le président n'aura donc pas les moyens de mener la politique qu'il veut mettre en place, ni les moyens d'impulser un certain nombre de réformes. Ce sont, entre autres, ces considérations qui expliquent qu'on aille à une élection à deux tours.

Le président Wade ne supprimera pas le second tour, parce qu’il sait que ce serait le moyen le plus efficace d'obliger l'opposition à s'unir. S'il le fait, il leur facilite la tâche. Tous ceux qui pensent que le président Wade va faire une réforme qui lui permet de faire une élection à un seul tour, sont en train de passer à côté. C'est pourquoi, il faut reprendre l'initiative. En effet, aujourd’hui, c'est lui qui a l'initiative, c'est lui qui mène le débat politique. Il faut nous entendre sur l'essentiel, mais aussi reprendre l'initiative, c'est-à-dire mener et conduire le débat politique mais, aussi avoir la maîtrise de l'agenda politique. Si on ne le fait, on ne sera pas en situation de gagner la prochaine élection.

Wal Fadjri : Si le président organise une élection anticipée, cela sera-t-il à son avantage ou à celui de l'opposition ?

Moussa Tine : On a tellement d'instabilité que je ne vois pas Wade organiser une élection anticipée. Le président est conscient de son impopularité. Et puis, il ne peut pas sortir des élections locales et envisager une élection anticipée. Il sait ce qui l'attend, donc il ne le fera pas. Je ne vois pas quelle est la voie qui permet au président Wade d'être candidat. La seule chose qu'il peut faire et ce serait incongru s'il le fait, c'est de démissionner et de se représenter. L'autre voie, c'est faire constater son empêchement.

Wal Fadjri : Vous donnez Abdoulaye Wade pour mort politiquement alors qu'il vient de recruter un allié de taille en la personne d’Idrassa Seck qui était deuxième à la dernière présidentielle. Ne peut-il pas surprendre ?

Moussa Tine : Il faut reconnaître à Wade sa capacité à toujours rebondir. Il ne faut jamais sous-estimer ses capacités. Contrairement à ce que beaucoup de personnes pensent, le retour d’Idrissa Seck est à la faveur de l'opposition. Puisque cela permet de clarifier le débat politique. En effet, beaucoup de personnes avaient suivi Idrissa Seck parce qu'ils ne voulaient plus d’Abdoulaye Wade. Pour ces personnes, il fallait chercher quelqu'un qui puisse déstabiliser le régime de Wade et c’est ainsi qu’il a gagné des voix en tant qu’opposant. Le fait qu'il retourne au Pds permet à tous ces gens qui le croyaient dans l'opposition, de se faire une idée définitive sur sa personne. D'ailleurs, si Idrissa Seck n'était candidat lors des élections locales, on aurait pu avoir des résultats autres que ceux nous avons eus.

Wal Fadjri : Il y a aussi le cas Macky Sall. On s’attend à qu'il retourne à la maison du père....

Moussa Tine : Je vois en Macky Sall un homme qui reste conforme à la ligne de conduite qu'il s'est fixée depuis le début. Rien ne me permet de dire qu'il va retourner au Pds. Ensuite, à quelques exceptions près, il n'est pas dit que tous ceux suivent un leader politique dans la position qu'il défend aujourd'hui, vont le suivre s'il change de position demain. Si tel était le cas, Abdou Diouf n'allait pas perdre l'élection de 2000, malgré le soutien de Djibo Kâ. Il n'a pas eu l'addition totale des suffrages de Djibo Kâ.

Wal Fadjri : Après le retour d’Idrissa Seck, Wade a-t-il renoncé à la succession monarchique qu'on le soupçonnait de préparer ?

Moussa Tine : Je ne le crois pas. Le président Wade a toujours la volonté de se faire succéder par son propre fils, il n'y a jamais renoncé même si les actes qu'il a posés, laissent penser qu'il a cette ambition. Mais cette ambition est secondaire parce qu'il veut d'abord prendre le pouvoir.

Mais il y a les principes qui veulent que chaque Sénégalais ait la possibilité d'être candidat à l'élection présidentielle. Seulement, il s’agit là d’une vérité partielle. C'est faux, en effet, de dire que tous les Sénégalais ont la possibilité d'être candidats. Il y a des conditions à remplir liées à la jouissance des droits politiques et civiques, il y a les conditions d'âge, etc. Mais il y a une condition qu'on oublie et je n'insinue rien : pour être candidat, il faut être de nationalité sénégalaise. La deuxième chose, c’est qu’il y a atteinte aux principes démocratiques lorsqu'il y a une rupture d'égalité. Quand des mesures sont prises pour permettre à quelqu'un a priori d'avoir un avantage sur l'autre, on n'est plus dans un système démocratique. Si quelqu'un veut être candidat, il y a les conditions juridiques et politiques qui sont énumérées. Les conditions politiques, c'est le respect de la règle d'égalité entre tous les candidats.

Wal Fadjri : Pour vous, Karim Wade est toujours dans la course pour le fauteuil présidentiel ?

Moussa Tine : On m'a plusieurs fois interpellé sur le cas Karim Wade et je dis toujours qu'il est mon cadet de 15 ans en politique. Je ne vois pas pourquoi on doit accepter de jouer ce jeu, c'est-à-dire de parler tout le temps de lui. S'il veut être candidat, il a la possibilité d'être candidat. Mais il faut que ces règles que je viens d'énumérer soient respectées et, s'il le fait, il trouvera les uns et les autres sur le terrain. Il a le droit de se frotter comme il veut, mais pour le moment notre principal interlocuteur est Abdoulaye Wade, parce que c'est lui qui a été élu. 



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