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Politique

[ PORTRAIT ] Moustapha Fall, SG de APL/DOG BUUMU GACCE ; Une vie de « Che »

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[ PORTRAIT ] Moustapha Fall, SG de APL/DOG BUUMU GACCE ; Une vie de « Che »

La vie de Moustapha Fall est loin d’être un long fleuve tranquille. L’homme s’identifie à un révolutionnaire, critique la Droite et digère mal la fin du bipolarisme. Le « Che » de Kaolack débute, haut et fort, ses quatre vérités en parlant de la crise financière mondiale, des assises nationales, des élections locales, etc.

A quoi tient un destin ? À beaucoup de choses certes, mais à peu de choses sans doute. Celui de Moustapha Fall « Che » tient à un bout de papier. Petit garçon, il était chargé, par le pater, d’aller au kiosque du coin chercher des journaux dont la revue Africa Asia. À la deuxième page, on présentait d’habitudes de nouvelles publications. C’est celle d’Ernesto « Che » Guevara qui va le marquer le plus. « On y montrait un homme avec un béret », dit ce quinquagénaire qui a pendant longtemps mal prononcé ce nom et qui ignorait aussi tout de cet homme. En vacance à Dakar, il acquit par hasard Guerre de guérilla grâce à l’argent que “ mon tuteur m’avait donné avant mon retour à Kaolack ”. Dans cette ville au centre du Sénégal, Moustapha Fall fera de ce livre le principal centre de ses intérêts.

“ Je l’ai montré à tout le monde ”, dit-il avec un sourire aux coins des lèvres, trahissant ainsi sa fierté digne d’un jeune premier. Il précise : “ Je disais voilà le « Cheu » ! Voilà le « Cheu » ! Et mon grand-frère me dit : « On ne dit pas le “Cheu”, on dit le “Thié” ». Il m’a longuement parlé de lui et ça m’a intéressé ”. Il ajoute : “ J’avais tellement embêté les gens avec le livre de « Che » qu’ils ont fini par me surnommer Che ”. Un surnom qu’une mère trop conservatrice ne voulait pas “ au début ”. “ Maintenant, non seulement elle m’appelle Che, mais mes enfants ne savent même pas que je m’appelle Moustapha ”, dit ce père de famille monogame dont la vie n’a pas été sans histoire.

“ C’est une tête brûlée. Il dit tout haut ce que tout le monde pense tout bas ”, dit un ami de celui qui fut pourtant “ adepte de la non-violence ”.

L’ancien pensionnaire du collège Victor Schœlcher avait gagné un livre de Martin Luther King comme prix. Pendant les grandes vacances, le père l’invitait le plus souvent à s’occuper intellectuellement au lieu de traînasser. Ainsi, il épousa la philosophie qui veut que la non-violence soit “ une arme qui tranche sans blesser ”. La réalité va finir par transformer cet homme au physique respectable, trahissant à la limite son âge. En témoignent ses cheveux qui refusent de s’abîmer. Noirs comme son teint d’ébène. De l’histoire politique des Fall, on apprend que le père était un dirigeant de la Section française de l’Internationale ouvrière (Sfio) de Lamine Guèye. “ Ils étaient opposés à Senghor. À l’époque, après chaque élection, je voyais des éléments du Bloc démocratique sénégalais (Bds) jeter des pierres sur notre maison. Cela m’a beaucoup marqué ”. Se développe alors une haine et puis une révolte.

“ Spartacus ” ou la révolte du « Che »

“ Pour être un Che sur le plan des idées, de la conviction et de la lutte révolutionnaire, je me suis efforcé de faire le meilleur de moi-même ”, avoue-t-il. Mai 68 a été le premier cas d’école de cet ex-syndicaliste. On a vainement cherché à le prendre. Ce sera finalement le “ jeune frère mineur ” traduit par la suite au tribunal. “ Çà m’a beaucoup marqué ”, lâche-t-il. En 1969, il crée alors “ Spartacus ”, un mouvement tout ce qu`il y a de plus révolutionnaire. “ J`ai pris et distribué le bien d`autrui à des personnes dans le besoin ”, admet-il, à présent. Il se souvient : “ c’est comme ça que les éléments du Pai clandestin m’ont repéré et recruté ”.

Président de trois cents jeunes environ du Foyer de Kasnack, il était “ pisté ” par les politiques. C’est finalement le Parti africain pour l’indépendance (Pai), en clandestinité, qu’il va intégrer en 1970. Allah Kane, son sergent recruteur -qu’il a longtemps confondu avec un agent de la Police- affirme : “ C’est un jeune engagé, prêt à faire des sacrifices pour son pays. On ne s’était pas trompé en le recrutant ”.

Le jeune « Che » s’est vite fait un nom, au Pai. En Guinée, Sékou Touré aimait souvent le citer “ pour mon engagement ”. C’est la mort d’Amilcar Cabral qui a empêché la tenue de la conférence que le frère Louis devait animer au foyer Kasnack, sous son initiative. Parmi ses “ relations ”, il y avait aussi un certain Abou Amar, alias Yasser Arafat. Mais, de cette clandestinité, il a surtout retenu “ une nuit passée en brousse jusqu’à l’aube ”. Le nouveau recru glissait nuitamment les “ trop précieux tracts du parti ” par les fenêtres donnant dans les rues. Les jeunes de Bongré l’ont, un jour, pris pour un voleur et s’en est suivi une course-poursuite jusqu’à la sortie de la ville. Il n’a dû son salut qu’aux ténèbres. Pour autant, cet épisode n’a pas refroidi ses ardeurs militantes de ce parti ancêtre de beaucoup formations se réclamant de la Gauche.

En 1981, il fera partie des membres fondateurs du Parti de l’indépendance et du travail (Pit) de Dansokho, avec qui il entretient des relations exceptionnelles. “ Amath, c’est un grand-frère. Je ne cesserais jamais de le remercier ”, soutient-il. Puis, il explique : “ lorsque je baptisais ma fille, en 1992, il a abandonné son ministère de l’Urbanisme et est venu rester avec moi à Kaolack pendant trois jours ”.

L’intéressé réplique : “ Che, c’est mon ami. C’est un homme très chaleureux, plein de vivacité, parfois d’exubérance ”. Le patron du Parti de l’indépendance et du travail (Pit) estime qu’il fait la “ politique de façon trop enflammée, pour ne pas dire exaltée ”. Amath Dansokho de préciser : “ Il croit à l’action populaire ”.

Briser toutes les barrières parce que tous les hommes sont frères

En vérité, c’est grâce au Pit qu’il a pratiqué le socialisme et les pays de l’Est. “ C’était Prague d’abord ”, puis Moscou et Berlin vont suivre. Dans la capitale tchécoslovaque, le « Che » de Kaolack a étudié, en 1986, à l’Ecole des hautes études politiques (Vysoka Skola Politicka).

Ses promotionnaires étaient aux responsabilités étatiques dans leurs pays respectifs. Lui qui avait démissionné du secteur privé pour aller à l’Est a vu chuter le Mur de Berlin en 1989. Il était de la dernière promotion de l’Ecole supérieure Karl Marx (Parteihochschule Karl Marx). De cette ville historique où Barack Obama a prononcé un discours prédisant la chute de tous les murs, il a gardé plein de souvenirs.

“ Ce sont des images qui ne me quitteront jamais. On était scandalisé parce que les pays de l’Est c’est le paradis. C’était extraordinaire, surtout quand on venait du Tiers-Monde ”, dit-il. Puis, il ajoute : “ Il y avait, là-bas, des perspectives après les études. Si on se rend compte que tout est fini maintenant, on ne peut qu’avoir un sentiment de déception et de découragement ”.

Pour le « Che », le Mur avait, sur le plan économique, sa raison d’être. Même si, estime-t-il, du côté social beaucoup de murs doivent tomber. Il pense en particulier à celui “ racial ”. Dans les rues de Prague, les jeunes filles leur balançaient à la figure avant de courir le mot “ Chierno ” - qui “ veut dire noir ”. “ C’est comme si on était la peste ”, regrette encore cet homme dont la devise du parti est “ Tous les hommes sont frères ”. “ Il faut briser toutes les barrières ”, avise-t-il. La fin du bipolarisme, il l’a regrettée. Nonobstant, il demeure optimiste quant à son retour. “ Les idéologies ne meurent jamais ”, soutient celui qui croit que ce bipolarisme “ est bien pour l’équilibre du monde ”. Ce qui l’irrite le plus, c’est “ l’impérialisme occidental à roue libre (...) qui a donné naissance à l’actuelle crise mondiale ”. Et, ses actes font souvent penser aux Brigades internationales.

Lors de la première guerre en Irak, il a mobilisé une centaine de volontaires pour aller “ combattre l’injustice ” dans ce pays pétrolier. En vain ! Pour lui, le socialisme séparé de son caractère bolchevik est, sans doute, le meilleur des systèmes politiques.

Le 21 mai 2000, il créa Action patriotique de libération (Apl/Dog Buumu Gacce). “ Un parti qui se réclame du socialisme humaniste et qui accepte la différence ”, avance-t-il, non sans faire remarquer “ ça devrait être le résultat de la Perestroïka (restauration) et de la Glasnost (transparence) ”.

Pour le fondateur du Mouvement guevariste sénégalais (Mgs), ce système “ s’apparente au communalisme des Africains ”. Il propose alors la création d’une Coalition de Gauche patriotique et démocratique.

“ Au Sénégal, ce sont des partis de Droite qui ont jusqu’ici dirigé le pays. Ils ont tous échoué ”, argumente-t-il. La Gauche, pense-t-il, doit maintenant venir proposer un projet de société et prouver qu’il y a mieux que ce qui s’est passé jusqu’ici.

“ J’ai aidé à l’implantation du Pds dans le Sine-Saloum ”

La scène politique nationale, il la regarde aussi autrement. Wade, il l’aime “ pour son itinéraire et non pour ce qu’il est ”, même s’il a “ aidé à l’implantation de son parti ” dans le Sine-Saloum. Les assises nationales, il dit ne pas y adhérer. C’est que le « Che » n’a “ pas vu un seul pays au monde où l’opposition se constitue en bureau d’étude pour le pouvoir ”.

Dans cette opposition, tout comme dans la Société civile, il compte “ beaucoup d’amis ”. À l’exception d’Idrissa Seck qui est “ un concurrent d’intérêts de Wade ”, “ tout le monde m’aime parce je ne suis ni menteur, ni ingrat, encore moins opportuniste ”. Mais le nom de son parti, Action patriotique de libération/Dog Buumu Gacce, ne manque pas de susciter des interrogations chez les plus taquins.

Il fait remarquer : “ Souvent les gens me disent mais qu’est-ce que vous libérez ? Le pays est déjà libre”. La réponse tombe comme un couperet : “ On libère les Sénégalais des maladies, des souffrances, de l’analphabétisme et de l’injustice. On les libère des fléaux”.

Il dit aussi : “ Il faut être de véritables patriotes pour entreprendre de telles œuvres”. C’est donc avec ce parti qu’il compte aller aux prochaines locales. Car, l’un de ses rêves, c’est d’être un des successeurs de son “ oncle maternel ”, Waldiodio Ndiaye, à la mairie de Kaolack.

En ce vendredi, il est quatorze heures et quart. La grande aiguille de la pendule a déjà fait un tour. Le cellulaire sonne. Il décroche : “ Allo, Che à l’appareil... ” Inégalable !

1969 Création de “ Spartacus ”, un mouvement révolutionnaire

1970 Il intègre le Parti africain pour l’indépendance (Pai) dans la clandestinité

21 mai2000 Création de l’Action patriotique de libération (Apl/Dog Buumu Gacce).



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