Officiellement accrédité hier : Lewis Lukens, ‘clone’ de Marcia Bernicat ?

Annoncé à Dakar depuis le Mardi 9 Août, le nouvel ambassadeur de Etats-Unis au Sénégal, Lewis Lukens a officiellement pris fonction hier, jeudi après avoir présenté ses lettres de créance le même jour au président de la République Abdoulaye Wade.

Seulement cette prise de fonction de Son Excellence Lukens se fait dans un contexte pré-électoral déjà marqué par une vive polémique autour de la candidature d'Abdoulaye Wade à la présidentielle de 2012. Ainsi Lewis Lukens aura hérité de Marcia Bernicat un des dossiers les plus chauds, pour qui connaît l'intérêt que le gouvernement Obama porte sur les questions de bonne gouvernance et de démocratie. Il reste à savoir comment Lewis Lukens va s'y prendre ? Yaura-t-il dans ses approches, une rupture d'avec la démarche de Marcia Bernicat son prédécesseur ? On peut, peut-être, s'attendre à une différence dans l'approche mais le fond restera le même. L'Amérique veillera comme toujours au respect de la bonne gouvernance et de la démocratie au Sénégal, axe central de sa politique en Afrique. Cela n'explique-t-il pas d'ailleurs, la mise à l’écart de Wade et son régime par Barack Obama ?

L'éloge du président américain à l'endroit des présidents Ouattara, Issoufou, Yayi et Condé qu'il a accueilli le 29 juillet à la Maison-Blanche en est une parfaite illustration. Désormais pour l'homme le plus puissant au monde, les présidents ivoirien, nigérien, béninois et guinéen ‘peuvent servir de modèle’ au progrès démocratique du continent, composante essentielle d'une Afrique ‘stable, prospère et juste’. Et Obama de promettre que ces quatre pays qui ‘poursuivent un processus de démocratisation et de développement resteront un partenaire inconditionnel’ des Etats-Unis. Abdoulaye Wade, jadis chouchou de l’Europe et des Etats-Unis a ainsi été relégué au second plan. Son pays n’est plus cité comme exemple de démocratie en Afrique.

Les mêmes questions de bonne gouvernance et de démocratie ont plusieurs fois opposé Mme Marcia Bernicat la ci-devant ambassadeur des Usa à Dakar aux autorités sénégalaises. L'on se souvient de la colère noire de Wade lorsque, en mai 2010, Marcia Bernicat, dans un communiqué publié dans la presse rappelait les principes de bonne gouvernance et de lutte contre la corruption.‘Le peuple américain insiste sur le fait que les dollars qu’il met au profit du développement doivent améliorer les conditions de vie du peuple sénégalais’, indiquait le document largement diffusé dans la presse nationale.

L’ambassadrice des Usa, Mme Bernicat faisait ainsi allusion au don d’environ 270 milliards de francs du Millenium challenge corporation offert au Sénégal par l’administration américaine. Wade, se sentant touché, convoque Bernicat au Palais pour lui dire : ‘Je suis responsable de la défense de l’image du Sénégal qui st un pays honorable.’Non sans indiquer à l'ambassadeur : ‘Reprenez-le (l’argent du Mcc, Ndlr) et amenez-le dans les pays qui acceptent d’être injuriés mais pas au Sénégal’.

La dernière sortie de Mme Bernicat a trait au projet de ticket présidentiel. ‘Je dis ce que dit le peuple, je dis ce que vous, vous dites’, a-t-elle confié aux journalistes qui l'ont interpellée sur la question. Cette déclaration sera suivie d'un communiqué dans lequel l'ambassade affiche clairement la position des Usa sur le projet de ticket de Wade.‘(...) Les Etats-Unis sont préoccupés par le fait qu’une loi constitutionnelle, qui modifierait de façon aussi fondamentale le système utilisé pour élire le président du Sénégal depuis cinquante ans, ait été proposée sans faire l’objet d’un débat approfondi, significatif et ouvert au sein d’un large spectre de groupes et de citoyens concernés, et que l’instauration d’un tel changement si près des prochaines élections pourrait entraîner un affaiblissement des institutions démocratiques du Sénégal’.

C’est pourquoi, poursuit le document, les Etats-Unis ‘invitent le gouvernement du Sénégal à mettre en place un processus inclusif qui tienne compte pleinement des préoccupations actuellement soulevées par ses citoyens, avant de procéder à des révisions des processus électoraux bien ancrés ou à d’autres modifications de la Constitution’. Lewis Lukens va-t-il faire autrement ou restera-t-il dans le même tempo que son célèbre prédécesseur au poste ?