PAPA DIOP, PRESIDENT DU SENAT : «Je ne dispose que de deux immeubles au Sénégal»

Dans un entretien accordé à la radio Futurs Médias (Rfm), le président du Sénat, Pape Diop, récemment convoqué par la justice, explique l’origine de sa fortune qu’il dit être le fruit de son travail. Morceaux choisis.

AUDITION. «J’ai reçu, mercredi 30 mai (2012) une convocation de la brigade de recherches de la gendarmerie. Après une consultation de mes conseils qui ne voulaient même pas que je défère à cette convocation, j’ai tenu à le faire, par respect d’abord à tous les Sénégalais et par respect aussi à la justice de notre pays. Nous sommes dans une République et un président de Sénat ne peut pas être convoqué comme ça par la gendarmerie. Mais, je n’ai pas besoin de me réfugier derrière une immunité. J’ai accepté de déférer à cette convocation où j’ai trouvé des gens courtois qui ne font que leur travail.

L’audition portait sur mon patrimoine. J’ai possédé des immeubles avant l’alternance (de l’an 2000). J’ai obtenu les premières villas dans le quartier des Almadies, avant l’alternance. Je me suis enrichi avant l’alternance. Tout ce que j’ai est licite. Je ne fais pas partie de ceux qui n’avaient pas de voitures ni de ceux qui n’avaient pas de villas et qui étaient locataires, à la veille et même durant les premières années de l’Alternance. C’est pourquoi j’ai répondu à cette convocation et j’ai donné toutes les explications qu’il fallait. Je n’ai jamais eu de comptes bancaires à l’étranger, même lorsque j’étais dans le secteur privé. Pour la première fois, il y a huit mois, je devais subir une opération au genou et les difficultés de paiement m’avaient obligé à ouvrir un compte au niveau d’une banque de la place avec 4 000 euros (2, 6 millions FCfa) pour pouvoir détenir une carte de crédit et payer les petites factures. Mais, en dehors de ça, je n’ai jamais eu de l’argent à l’extérieur. Je n’ai rien à cacher. Ce que je possède est le fruit de trente ans de travail avant l’alternance. Ceux qui me connaissent, savent que j’étais déjà riche pour avoir aidé mon parti (le Pds), mais aussi certains militants qui étaient dans des difficultés jusqu’au moment où nous avons accédé au pouvoir en 2000. Je suis prêt à donner toutes les preuves, afin de démontrer que je n’ai pas bénéficié d’avantages indus par l’entremise de mes fonctions, sauf ce que je percevais avec mon salaire de président de l’Assemblée ou du Sénat. Parce que, comme maire (de Dakar), on n’avait pas de salaire.  Je suis rassuré parce que cette affaire me permettra d’éclaircir beaucoup de choses. On m’a attribué beaucoup de choses qui ne m’appartiennent pas à Dakar. Beaucoup d’immeubles. Pape Diop par-ci, Pape Diop par-là. Même les enquêteurs, lors de mon audition, étaient un peu surpris parce que beaucoup de choses m’avaient été attribuées alors qu’elles ne m’appartenaient pas.»

PATRIMOINE. «J’ai un patrimoine tout à fait légal. Mais, comme nous sommes dans une enquête, le moment venu, je ferai savoir à tous les Sénégalais ce que je possède et ils comprendront que je l’ai gagné le plus normalement du monde. Les deux immeubles qui sont mes propriétés, sont celui des Mamelles dont j’ai acheté le terrain en 1992 et celui de Thiès que j’ai acquis en 1996. Pour le premier, c’est la Bicis qui m’a financé et pour le second, c’est la Sgbs qui l’a financé et en a acheté une partie. Pape Diop ne s’est pas enrichi par le biais des fonctions qu’il a occupées pendant un certain temps au sommet de l’Etat. En plus, il y a des rumeurs folles qui circulent pour dire que les gens ont des coffres ou caves dans leur maison pour garder de l’argent. Mais, la gendarmerie peut à tout moment perquisitionner pour voir si j’ai gardé de l’argent ou non. Tout ce que j’ai se trouve dans les banques sénégalaises et c’est vérifiable par les enquêteurs. Donc, je n’ai pas peur. Je suis prêt à déférer à tout moment à une convocation de la justice. Je veux la justice mais pas la terreur, comme disait Robespierre. Je pense que ce qui a commencé avec moi va se poursuivre avec tous les autres. Nous savons que certains qui ont fait des déclarations ont eu des patrimoines en huit ans pour lesquels on aura besoin de justifications. Il ne faut épargner personne. C’est au peuple sénégalais d’exiger cela. Tous les autres doivent aussi accepter de déférer à une convocation ou même de justifier la provenance de leurs avoirs, biens immobiliers ou mobiliers.»

LE PDS ET ME WADE. «L’actualité montre que nous sommes entre le marteau et l’enclume. Le marteau de Macky Sall et l’enclume d’Abdoulaye Wade. Cela veut dire que nous faisons peur. La coalition Bokk Giss-Giss risque d’être majoritaire (à l’Assemblée nationale). C’est pourquoi il y a tous ces agissements ces derniers moments. Mais, cela ne peut pas nous arrêter. Nous n’avons pas besoin de regarder derrière. Nous regardons devant parce que nous ne voulons pas être détournés de notre objectif qui est d’être la première force politique du Sénégal au sortir des législatives (du 1er juillet prochain). Après notre défaite, comme Abdoulaye Wade n’était plus demandeur de rien, j’ai estimé que j’étais en mesure de diriger la liste du Pds pour rassembler la famille et avoir un résultat honorable. Mais, en dehors de cela, il n’y a pas eu autre chose. Je n’avais nullement l’intention de saborder ou de quitter le Pds qui est mon parti. J’ai consacré toutes mes forces, mon énergie, mes biens à ce parti. Donc, je ne peux pas, du jour au lendemain venir et le saborder.»

EXCLUSION DU PDS. «On verra ce qui va se passer après les élections législatives. Tout sera déterminant à la sortie du scrutin du 1er juillet. Peut-être que je ne serai pas un simple député et même si je suis simple député, je suis dans le champ politique. Laurent Fabius fut Premier ministre, président de l’Assemblée nationale, mais avant d’être nommé récemment ministre, il était député simple pendant plus de dix ans. M. Raffarin fut Premier ministre de Jacques Chirac, il est sénateur simple. Un homme politique doit toujours, s’il veut continuer la politique, briguer le suffrage de ses concitoyens. Pape Diop, président de l’Assemblée, président du Sénat, devenu simple député, est un faux problème. Partout dans le monde, vous verrez des présidents d’institutions qui se retrouvent membres simples d’un parlement, car ils sont sur le terrain politique. Il faut le voir sous cet angle. Donc ayant voulu être sur le terrain politique, je ne devrais pas être absent de ces élections, sinon je serais effacé de la carte politique du Sénégal. Je veux continuer à faire de la politique.

Les gens disent aussi que Pape Diop avait dit qu’il allait arrêter la politique si Abdoulaye Wade arrête. Mais Wade n’a pas encore arrêté. Il a été battu lors de la dernière élection présidentielle et malgré tout, il reste secrétaire général national du Pds. Et il entend le demeurer jusqu’en 2017, d’après ce qu’il a dit dernièrement. Donc, pourquoi moi qui suis mille fois plus jeune que lui, devrais-je arrêter.