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Politique

PARTIS POLITIQUES : Ambitions Suspectes

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PARTIS POLITIQUES : Ambitions Suspectes

Ils sont une centaine d’hommes politiques ou de personnalités de la société civile à avoir opté pour la création d’un parti politique. Mais, moins d’une dizaine de ces formations ont une existence réelle alors que l’écrasante majorité ne s’est présentée à des élections qu’en tant que souteneurs d’une liste ou d’un candidat. Faut-il dès lors limiter le nombre des partis politiques au Sénégal ?

Au Sénégal, il est devenu presque inapproprié de devoir penser que l’objectif de toute formation politique est de conquérir le pouvoir ou de le conserver. Les leaders politiques sénégalais paraissent aujourd’hui guidés par d’autres motivations que celles de concourir à l’expression des suffrages. Parmi la centaine de Sénégalais qui ont décidé de diriger une formation politique, moins d’une dizaine sont aujourd’hui disposés à participer à une élection présidentielle et beaucoup moins sont certains de pouvoir assumer les fonctions de chef d’Etat. Même briguer un poste à l’Assemblée nationale devient presque impossible pour l’écrasante majorité des partis politiques.

En 2001, quelque 25 formations politiques, dont une coalition, ont osé demander les suffrages des Sénégalais. Et parmi elles, seules trois ont obtenu des députés sur la liste départementale ou majoritaire. Il s’agit de l’AFP à Nioro, de l’URD à Linguère et de la Coalition sopi qui s’est accaparée du reste des localités. Les nombreuses dénonciations formulées depuis toujours par les partis de l’opposition à propos du mode de scrutin du plus fort reste ou « ràw gaddù » pratiqué au Sénégal, n’occultent pas pour autant leur impuissance à s’investir dans l’intérieur du pays afin de faire rallier le maximum d’électeurs.

La liste nationale reste ainsi une aubaine pour la plupart des formations en compétition qui comptent sur l’addition des voix obtenues dans l’ensemble du pays pour espérer une ou deux représentations parlementaires. Pourtant, seule une dizaine de formations politiques ont pu tirer leur épingle du jeu sur les 25 qui se sont lancées dans la compétition. Ce sont le JEF-JEL, l’AFP, le PPC, le RND, l’URD, AND-JEF/PADS, le PLS, la Coalition sopi, le PS et le PIT. Encore que la plupart d’entre eux n’ont pu obtenir qu’un siège de député. Mais l’essentiel n’est-il pas de participer, dans un pays où l’on crée une formation politique pour ne jamais concourir à l’expression des suffrages ?

Nombreux sont les partis qui n’ont d’existence que de nom. Certains sont entrés dans une profonde léthargie juste après avoir reçu leur récépissé de reconnaissance. Ceux-là ne jugent même pas nécessaire, à l’occasion de joutes électorales, d’intégrer une coalition sachant le faible poids de leur représentativité. Etre un leader de formation politique n’est plus un sacre, la consécration d’un parcours syndical et politique bien rempli. C’est en tout cas l’image que les leaders politiques ont toujours renvoyé à leurs concitoyens.

Il en a été ainsi depuis 1976 avec la décision prise par le président Senghor de limiter à trois les partis légalement constitués : le PS (socialiste), le PAI (marxiste) et le PDS (libéral). Lorsque le président Abdou Diouf, par la loi n° 81-17 du 6 mai 1981 a instauré le multipartisme, les premières formations politiques à s’engager sur la scène politique nourrissaient, toutes, l’espoir de pouvoir, un jour, accéder au trône. Une vingtaine d’années plus tard, bien de choses ont changé. C’est qu’aucune restriction ne pèse sur ceux qui ont l’intention de briguer le suffrage des Sénégalais.

Il est plus facile de créer un Groupement d’intérêt économique (GIE) qu’un parti politique. Il suffit, pour ce dernier, de fournir une demande d’enregistrement adressée au ministre de l’Intérieur, deux exemplaires des statuts avec un timbre de 1 000 F Cfa apposé sur chaque page de l’original, quatre exemplaires du procès verbal de la réunion constitutive, quatre exemplaires de la liste des membres fondateurs et enfin une copie de la carte nationale d’identité et des extraits de casiers judiciaires de trois dirigeants du parti.

Et l’on ne peut dire que la loi n° 89-36 du 12 octobre 1989 modifiant celle de 81 ait apporté des contraintes majeures dans le fonctionnement des formations politiques au Sénégal. La seule exigence qui leur est désormais imposée est de prendre l’engagement de respecter la Constitution ainsi que les principes de la Souveraineté nationale et de la démocratie. N’est-ce pas le devoir de tout Sénégalais et même de tout étranger vivant sur le territoire national ?

Tout compte fait, cette situation est interprétée comme un laissez-aller par la plupart des hommes politiques ou autres figures de proue de la société civile qui ont décidé de créer un parti politique. Désormais, la naissance d’une formation répond à des critères jusque-là insoupçonnés dans la vie politique sénégalaise. Les raisons évoquées sont maintenant religieuses, géographiques… N’a-t-on pas vu deux partis politiques voir le jour dans une même famille, diriger par deux frères de même père et de même mère ?

Aujourd’hui, les revendications de mouvements associatifs sont prises en charge par les partis politiques. C’est dans ce méli-mélo que certains religieux veulent se faire entendre. Défiant les interdictions de la loi, des chefs de parti ne cachent plus leurs prétentions à faire régner l’ordre religieux.

La classe politique a perdu de sa superbe. Et cela a son impact sur les populations. En 2001, deux millions 804 352 Sénégalais étaient inscrits sur les listes électorales. 1 889 928 avaient voté. La passion suscitée par la nouvelle campagne d’inscription n’est pas nécessairement un regain d’intérêt de la chose politique. En février prochain, on pourra savoir si le scrutin excite autant les Sénégalais que l’acquisition d’une nouvelle pièce d’identité numérisée.

Une chose est, par contre, évidente, nombreux seront les partis politiques à vouloir, une fois de plus, intégrer une coalition pour éviter de se compter.

Quel intérêt donc à créer un parti politique si on ne veut briguer aucun mandat ? D’autres motivations doivent certainement guider nos « leaders » politiques. La gloire? La sinécure ? Diriger une formation politique procure, en effet, une reconnaissance à son leader. Celle de devoir exister en tant qu’acteur de la vie politique. Au même titre que tous les responsables de parti.

Par ailleurs, plusieurs avantages s’offrent aux leaders de formations politiques qui peuvent tirer profit des relations nouées avec les partis de même obédience à travers le monde. Pendant plusieurs années, les formations de la gauche sénégalaise étaient parrainées par les anciens pays de l’Est. En plus des subventions qui leur étaient octroyées, bon nombre de leurs jeunes ont pu bénéficier de bourses d’étude en ex-Union soviétique.

Avec l’alternance, plusieurs formations doivent leur survie à leur appartenance au camp de la majorité. Ainsi, depuis que les libéraux ont annoncé leur volonté de se présenter seuls aux prochaines élections, certaines d’entre elles n’ont-elles pas hésité à fusionner avec le PDS. Elles sont nombreuses, au sein de la Cap 21, à attendre une sinécure liée à leur statut de souteneurs. On se rappelle encore les sacs de riz et autres avantages offerts par le coordonnateur de la Cap 21 aux partis membres de sa coalition. Et ce n’est pas la seule pratique controversée de formations politiques. Avant l’alternance, plusieurs d’entre elles avaient participé à des élections rien que pour bénéficier de la cagnotte prévue pour l’impression des bulletins de vote des candidats.

Faut-il limiter le nombre de partis ?

Aujourd’hui, des formations qui n’oseraient pas tenir leur congrès à Sorano enfantent d’autres partis politiques. Ce qui n’est pas pour faciliter le financement des partis politiques si jamais ce projet, agité durant les premières années de l’alternance, était réalisé. Il pourrait être la voie obligée pour parvenir à une limitation du nombre des partis politiques. Etant entendu que seules les formations qui disposent d’élus peuvent prétendre à une subvention.

Récemment, le président de l’Assemblée nationale, Pape Diop, a émis l’idée d’une réduction des partis en deux pôles. Est-ce la voie que comptent emprunter les autorités pour une limitation de leur nombre ? Surtout que les députés sont les seuls habilités à apporter les corrections nécessaires, notamment pour la modification du statut des partis politiques, puisque ceux-ci restent des associations privées régies par le code des obligations civiles et commerciales. Débouchera-t-on pour autant vers une loi réduisant le nombre des partis politiques ?

Les porteurs d’opinion contraire à ce projet estiment que ce serait une restriction démocratique que de réduire le nombre des formations politiques. Alors que pour une meilleure visibilité, d’autres prônent une plus grande organisation du champ politique. Il est, en effet, évident que les autorités peinent à faire respecter tous les textes de loi relatifs au fonctionnement des partis politiques. Par exemple, plusieurs formations ont tenu leur congrès de fusion sans informer le ministère de l’Intérieur. Ainsi, disposent-elles encore de leur récépissé de reconnaissance qu’elles peuvent, à tout moment, dépoussiérer pour reprendre leurs activités.

C’est le cas du BCG et bien d’autres formations qui décident d’une fusion tout en s’aménageant une porte de sortie au cas où leurs attentes seraient déçues. De la même manière que les discours et le fonctionnement de certains partis jurent d’avec les dispositions de la loi. Les références religieuses sont devenues récurrentes dans le discours de certains leaders sans qu’un rappel à l’ordre ne leur soit signifié. Aussi, les pouvoirs publics investissent-ils beaucoup trop de moyens à devoir imprimer des bulletins de vote pour tous les candidats et listes. D’où la nouvelle formule du ministère de l’Intérieur consistant à mettre la photo de tous les candidats sur un bulletin et de faire cocher à l’électeur la cage de son choix. Les autorités doivent bien souffrir de cette situation pour tenter une nouvelle expérience de réduction du coût de l’impression des bulletins de vote.

Il reste aujourd’hui à convaincre les personnes encore réticentes qu’une limitation du nombre des partis politiques n’est pas forcément une restriction démocratique. Le terrain politique étant loin d’être le seul champ d’expression des idées.



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