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Politique

Pierre GOUDIABY ATEPA : ‘J'ai dit au président que vingt ministres, c'est plus que suffisant’

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Pierre GOUDIABY ATEPA : ‘J'ai dit au président que vingt ministres, c'est plus que suffisant’

La décision du gouvernement de déguerpir les marchands ambulants, occasionnant des manifestations qui ont mis Dakar sens dessus, n’a pas été du goût de l’Architecte, Pierre Goudiaby Atépa. Instigateur de l’alerte sur l’occupation anarchique de la voie publique à Dakar, l’architecte précise, dans l’entretien qu’il nous a accordé, que le déguerpissement tel qu’il a été fait n’était ‘pas la bonne méthode’. ‘Mon intention était de voir comment, ensemble, nous pouvions les organiser, les sortir de la rue pour les faire rentrer dans des boutiques’, précise-t-il.

Wal Fadjri : Depuis votre sortie, le 7 novembre dernier à travers une exposition qui interpelle sur l’occupation anarchique de la voie publique à Dakar, des mesures de déguerpissement des occupants ont été prises par le gouvernement. Ce dernier a finalement reculé face à la manifestation de ces occupants. Vous attendiez-vous à une telle réaction aussi bien des autorités que des marchands ambulants ?

Pierre Goudiaby Atépa : D’abord, je voudrais rappeler que, quand j’ai fait l’exposition, j’avais malheureusement prédit ce qui allait se passer. J’avais dit que le président de la République allait être sensibilisé et qu’au vu des images que je lui ai transmises, il allait entrer dans une colère, comme cela a été le cas, et qu’il allait donner des instructions pour qu’on règle le problème. Mais, quand le chef de l’Etat donne des instructions qui sont louables - et je sais que 99 % des Sénégalais attendaient cette réaction - il appartient aux exécutants de les appliquer comme il se doit. Lors de la conférence de presse du 7 novembre denier, j’avais dit que c’est une situation qui ne peut pas continuer. Mais qu’il faut le dialogue et la concertation avec les acteurs avant de prendre quelque décision que ce soit ! Cela n’a pas été fait. Et, en fait, ce que le président a dit, c’est qu’il fallait sortir les jeunes de la rue pour les faire entrer dans des boutiques. Il ne faut pas qu’il faille formaliser un peu plus l’informel, mais qu’il fallait organiser cette ‘informélisation’ ! Alors, faisons-le calmement et avec les acteurs. Je n’ai pas été étonné, et malheureusement je n’étais pas là, quand la décision a été prise de ramasser les gens sur instruction du gouverneur un certain jour, à minuit. J’étais aux Etats-Unis, j’ai appelé et même fait une note que j’ai envoyée à qui de droit pour dire que ce n’est pas la bonne méthode ! On a assisté à cette situation depuis trois, quatre ou cinq ans, sans rien dire. Et voilà qu’on veut régler cela en quatre jours. Ce n’est pas possible !

Wal Fadjri : Mais que faire de ces marchands ambulants ?

Pierre Goudiaby Atépa : Encore une fois, je veux que cela soit clair, et je parle maintenant aux marchands ambulants : mon intention première n’était pas de les priver de leur métier. Mon intention était de voir comment, ensemble, nous pouvions les organiser et - pour reprendre les termes du chef de l’Etat - ‘les sortir de la rue pour les faire rentrer dans des boutiques’. C’est cela que j’ai voulu faire et que j’ai commencé à faire. Je prends l’exemple des vendeurs de sous-verre : leur association était venue me voir parce qu’ils m’avaient vu prendre des photos. Je leur ai dit qu’avec eux, j’allais faire ce qu’on appellerait un cas d’école. Nous allons dialoguer, discuter pour voir ensemble ce que nous pouvons faire. Et la première démarche était d’aller voir la Société générale de banques du Sénégal. Quand j’y suis allé, j’ai dit à mon ami Sandi Julio : ‘Voilà des sous-verres. C’est trop tard pour décembre, mais l’année prochaine, je souhaiterais qu’une partie des cadeaux de fin d’année que vous faites à vos clients soit des sous-verres. Je veux que vous en commandiez mille.’ Il m’a répondu : ‘Pierre, il n’y a aucun problème’. J’ai dit : ‘D’accord, pour mille sous-verres à 10 mille francs Cfa, c’est 20 millions. Il faut peut-être une avance de 5 millions aux jeunes pour qu’ils commencent à travailler.’ Et j’irai faire la même démarche auprès de mes amis d’Eco Banque, etc. Voilà une méthode que j’ai adoptée. Et je suis en train de sponsoriser ces jeunes qui ont créé une association de 150 membres. J’en ai parlé hier (Ndlr : samedi dernier) au président de la République qui m’a dit : ‘Ecoute, Pierre, même s’ils veulent, moi je leur trouve une boutique dans laquelle ils vont exposer leurs produits’. On peut même imaginer qu’il y ait une vitrine que l’on fasse quelque part avec eux. Par exemple, nous sommes, en ce moment, en train de faire des Cybercases avec le président de la République. La première sera à Poponguine. Nous allons essayer de les multiplier pour que des jeunes, même s’ils n’ont qu’une éducation de base, puissent suivre des cours sur les Nouvelles technologies. Parce qu’à partir d’une Cybercase, par exemple celle de Poponguine que nous allons terminer cette semaine, avec huit ordinateurs, on pourra former plus de 500 jeunes. S’il y en a 500 ou mille jeunes, vous voyez combien de jeunes, on pourrait former uniquement en utilisant les Nouvelles technologies. Il y a aussi l’exemple des artisans que nous avons reçus. Nous sommes en train de leur créer un site Internet pour qu’ils puissent vendre leurs produits en Europe. Il appartient maintenant à tous les conseillers économiques qu’on a dans les ambassades - mais qui ne font pas grand-chose - qu’ils voient comment prendre des contacts pour faire écouler ces produits dans les grandes surfaces en Europe. Encore une fois, c’est cette concertation-là qui n’existe pas. Mais les autorités ont compris et la concertation va être instaurée.

‘Je me désole qu’il y ait quarante ministres et qu’on se retrouve dans des situations comme celle-là. C’est d’ailleurs pourquoi j’ai dit au président qu’avec vingt ministres, c’est plus que suffisant et qu’au moins, les vingt pourront travailler’.

Wal Fadjri : Comment appréciez-vous le recul du gouvernement ?

Pierre Goudiaby Atépa : C’est une bonne et mauvaise décision. Pourquoi ? C’est d’abord une mauvaise décision parce que cela fait un peu yoyo ! Un gouvernement ne recule pas. Mais c’est une bonne décision, parce que, comme j’ai eu à l’expliquer au président de la République, le moment était mal choisi. Et c’est l’Unacois que j’ai reçue, il y a une semaine, qui a attiré mon attention là-dessus et qui m’a dit : ‘Goudiaby, c’est bien, mais ces gens-là, 30 à 40 % de leur chiffre d’affaires annuel, c’est entre le mois de décembre et de janvier qu’ils le gagnent’. Je leur ai dit : vous avez raison. Et s’il y avait eu cette concertation, on aurait compris et dit aux gens : ‘Nous vous donnons un délai de deux ou trois mois’. Malheureusement ou heureusement, cela tombe avec l’Oci. Je vois déjà des gens faire des interprétations. Vous savez que je ne suis pas dans l’organisation de l’Oci, mais je trouve, simplement, que cela tombe en cette période. Eh bien, tant mieux ! Alors, encore une fois, je pense que c’est une bonne décision de s’accorder un délai de deux ou trois mois. Et pendant ces deux ou trois mois, qu’on ne vienne pas imposer des solutions aux gens ! Qu’on discute avec eux, pour leur dire : ‘Voilà une idée que nous avons. Qu’est-ce que vous en pensez ?’ Nous avons discuté avec les gens qui font des sous-verres et ils ont enrichi le débat. J’étais même étonné. Et c’était plus eux - comme dirait l’autre - la matière grise, qui ont trouvé des solutions. Et maintenant, c’est à nous qui avons des relations et peut-être un peu plus de moyens qu’eux, de voir, en prenant leurs idées, comment les booster. C’est cela qu’on attend d’un gouvernement. Et j’espère que le président de la République a compris cela. Je me désole qu’il y ait quarante ministres et qu’on se retrouve dans des situations comme celle-là. C’est d’ailleurs pourquoi j’ai dit au président qu’avec vingt ministres, c’est plus que suffisant et qu’au moins, les vingt pourront travailler. Et maintenant que la décision est prise, je pense qu’il faut arrêter le débat sur son opportunité. Comme elle est déjà prise, il faut plutôt engager le débat sur qu’allons-nous faire de nos frères, de nos enfants qui sont dans la rue ? Et quelles sont les solutions à trouver ? Nous avons des esquisses de réponse, mais encore une fois, il ne m’appartient pas, dans une interview, de dire ce qu’il faut faire. Personnellement, j’ai des idées. Il y en a d’autres qui en ont et de très bonnes. Fédérons ces idées en travaillant ensemble avec les acteurs pour trouver des solutions. Il y a bien sûr le plan Reva, mais si tout le monde s’accorde à dire que c’est une bonne idée, mais qu’on n’en voit pas encore le bon fonctionnement, il faut, peut-être, en faire une relecture pour que cela aille mieux. Il y a beaucoup de très bonnes idées, surtout du président de la République, mais il faut discuter autour de ces idées pour voir comment nous pouvons les porter et y mettre de la levure, pour ne pas dire du sel, et que cela aille mieux. J’invite donc à une concertation pendant ces deux ou trois mois pour que nous trouvions une solution concertée. Et je lance un appel à mes frères, les marchands ambulants et à mes enfants pour leur dire que le but de ma démarche n’était pas de les priver de leur pain. Ce que je veux, c’est que le marchand ambulant qui gagnait 10 000 à 15 000 francs par mois, puisse gagner 100 à 200 000 francs par mois. Et que cela est possible dans la concertation.

Wal Fadjri : Vous étiez absent lors des différentes assises qui se sont tenues pour résoudre la situation. Maintenant que vous êtes là, envisagez-vous de vous asseoir avec les principaux acteurs concernés pour trouver des solutions durables ?

Pierre Goudiaby Atépa : Non seulement j’envisage de le faire, mais ce n’est pas un secret que, quand bien même j’ai démissionné de mes fonctions de conseiller spécial, je me concerte régulièrement avec le président de la République. Qui, comme je l’ai dit, demeure un ami avec lequel nous avons des discussions intellectuelles sur tout ce qui a trait à la vie de la nation. Nous en avons discuté hier (Ndlr : samedi dernier) jusqu’à très tard. Et nous sommes en train de voir comment fédérer les énergies. Sous peu, il va y avoir un regroupement de bonnes volontés qui va essayer de travailler avec les autorités et avec les acteurs. Eux aussi, il faut qu’ils s’organisent. En plus de ceux qui vendent les sous-verres qui sont bien organisés, je souhaiterais que ceux qui vendent les objets sculptés soient bien organisés, etc.

Wal Fadjri : Et ceux qui achètent chez les Chinois pour revendre dans les rues ?

Pierre Goudiaby Atépa : Ceux-là aussi, il faut bien les organiser. Il y a également qu’il faut, en même tant que nous faisons cela pour nos enfants et nos frères, qu’on soit vigilant avec les Chinois qui nous envaillissent. Je n’ai rien contre eux. Mais il ne faut pas désorganiser et déstabiliser le marché. Mais ça, c’est un autre débat. Prenons par exemple le cas de certain de mes amis éditeurs - ce n’est pas une boutade - qui m’ont dit : ‘Nous t’avons soutenu, mais nous avons vu que, puisqu’on a raflé tout le monde, on ne vend plus nos journaux. Qu’est-ce qu’il faut faire ?’ Je leur ai dit : nous allons confectionner des jaquettes pour les vendeurs de journaux en mettant ‘Journaux’ derrière. Et, on y ajoutera une publicité. J’ai mis Tigo et Orange. J’espère que le troisième opérateur y mettra des sous. Nous allons les immatriculer et les organiser. Et la publicité qui va être faite sur leur dos, sera rémunérée. Si vous avez trois mille marchands ambulants, j’ai fait les calculs pour confectionner les jaquettes qui reviennent à 5 000 francs l’unité, cela revient en tout à 15 millions. Une jaquette peut tenir au moins trois mois. Vous allez voir Tigo pour lui dire que vous allez mettre sa publicité pendant un mois dans toutes les rues de Dakar sur les vendeurs de journaux et cela lui coûtera 50 millions, il débloquera tout de suite l’argent, parce que cela en vaut la peine. Avec cette somme, vous avez un pactole qui fait que les vendeurs de journaux seront mieux rémunérés et mieux organisés parce qu’ils auront des matricules. En outre, l’Unacois était très en avance dans sa recherche de solutions, en envisageant la possibilité de construire un parking souterrain à Pertersen où les gens qui viendront dans les environs, pourraient garer leurs voitures. Et elle envisageait de mettre au-dessus des boutiques et autres locaux pour caser les marchands ambulants. Et cela est possible ! (…)

Wal Fadjri : Mais êtes-vous sûr que la situation va se décanter ?

Pierre Goudiaby Atépa : Je suis sûr qu’elle va se décanter, mais il faut dire la vérité aux gens. Il n’y a pas de remède-miracle. C’est bien sûr dans la concertation et dans la patience qu’il faudra faire tout cela. On ne peut pas d’un coup de baguette magique dire que les 500 mille - je n’ai pas le nombre exact - de marchands ambulants, nous allons régler leurs problèmes. Cela va prendre du temps. Il faut savoir aller vite, mais en réfléchissant. Le président de la République a tapé sur la table, mais les gens, au lieu de freiner doucement, ont donné un coup de frein brusque et la voiture a fait des tonneaux. Il ne faut rien faire dans la précipitation !



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