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Vendredi 01 Juin, 2018 +33
Politique

Plus fort que Faure !

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Plus fort que Faure !
 
Lorsque le jeune Faure Gnassingbé hérita du pouvoir togolais à la suite du décès de son père, le président Gnassingbé Eyadéma, qui était alors le doyen des chefs d’Etat africains, tous les démocrates du continent avaient condamné très fermement cette forme de dévolution monarchique du pouvoir.

Parmi les opposants les plus virulents, figurait alors notre bon président de la République, le très bien élu Me Abdoulaye Wade. Il se dit que, lorsque, après avoir fait des mains et des pieds, le jeune Faure finit par se faire recevoir en audience par Wade, ce dernier lui donna le conseil suivant : « Ecoute, il est hors de question que nous te reconnaissions tant que tu ne te seras pas soumis aux suffrages des Togolais. Tu as l’appareil d’Etat avec toi, tu as l’Armée, le parti et de l’argent. Va, organise des élections, gagne-les et le problème de ta légitimité ne se posera plus ! » Un conseil qui fut suivi avec la manière et le succès que l’on sait !

Eh bien, cette recette qu’il avait passée au plus jeune chef d’Etat africain, lui, le candidat Abdoulaye Wade, sans doute le plus vieux président du continent avec son pote El Hadj Omar Bongo Ondimba, l’a appliquée pour son propre compte et avec succès dimanche dernier. L’opposition et une bonne partie de l’opinion rêvaient de l’emmener au second tour ? Il leur démontre qu’on ne peut pas avoir le pouvoir, tout le pouvoir, avoir l’appareil d’Etat, les moyens financiers prodigieux que confère celui-ci, le Trésor public, les sociétés nationales, gérer les principaux marchés de l’Etat à travers son fils, avoir avec soi le commandement territorial, l’Armée etc., organiser et perdre des élections. Wade, ce n’est pas un enfant de chœur, ce n’est pas un grand naïf ou un idéaliste comme son prédécesseur, Abdou Diouf, qui a organisé des élections et s’est laissé battre. Surtout en laissant 200 milliards de francs dans les caisses de l’Etat ! Diouf qui avait poussé les gages de transparence jusqu’à mettre un militaire au ministère de l’Intérieur pour gérer l’organisation matérielle des élections.

Wade, lui, a placé un des faucons de son parti, un homme sans état d’âme, à l’Intérieur. Un homme pour qui il n’était tout simplement pas question que son candidat aille au second tour. Quand on dispose du ministère de l’Intérieur, c’est-à-dire non seulement des gouverneurs, des préfets, des sous-préfets et leurs multiples ramifications — leurs moyens de pression aussi ! —, mais aussi des services de renseignements, et que l’on a de l’argent à dépenser sans compter, alors là il faut être particulièrement nul et/ ou frileux pour échouer. Dieu merci, le ministre de l’Intérieur, Me Ousmane Ngom, n’est ni l’un, ni l’autre. À l’image de son maître, le président de la République et candidat Me Abdoulaye Wade, qui est un politicien redoutable, le plus doué sans doute que le Sénégal ait connu depuis une quarantaine d’années, une sorte de François Mitterrand sénégalais.

La victoire du président de la République et candidat à sa propre succession, dimanche dernier, ne souffre l’ombre d’aucun doute. Elle est belle, elle est large, elle est sans appel. Surtout, elle a été acquise avec la manière. Du grand art ! C’était à ce point parfait que même l’opposition a été estomaquée, assommée et n’a pu crier à la fraude que 48 heures plus tard ! Pas besoin de brouiller le réseau de téléphonie cellulaire comme l’a fait ce maladroit et inexpérimenté Faure Gnassingbé au Togo ! Au contraire, ici, non seulement le réseau d’Alizé n’a sans doute jamais été aussi performant que dimanche dernier, mais encore même celui de son concurrent Tigo a été sans faille. Sauf que c’est le bleu qui a battu l’Orange…

Le secret de la large victoire du président de la République, c’est d’abord et avant tout une machine de guerre redoutable qui n’a laissé aucune place à l’improvisation et au hasard. Et qui n’a entendu courir aucun risque. Wade sait que pour gagner, il faut avoir le commandement territorial, les marabouts, les opérateurs économiques plus ou moins louches, plus ou moins contrebandiers et dépendant des marchés publics. Mais surtout, surtout, les marabouts. À tous ces niveaux, il a mis le paquet. Il sait que c’est une question d’argent et il n’a pas lésiné sur les moyens. On parle de 30 milliards de francs dépensés ! Par la suite, appliquant avec succès une méthode théorisée et appliquée avec succès par un certain… Idrissa Seck au lendemain de l’Alternance, une méthode à laquelle il répugnait pourtant !, le Président est allé à la chasse du bétail électoral. Ça tombait bien, justement, puisqu’il y avait beaucoup de transhumants qui se vendaient. Et de ce point de vue, la chasse a été particulièrement giboyeuse de marabouts politiciens, de partis souteneurs et d’intellectuels opportunistes. Sans compter les fils maudits retournant toute honte bue dans la maison du Père.

En fait, Wade et son ministre de l’Intérieur beaucoup plus que le Premier ministre ont su faire un très bon usage de l’appareil d’Etat. Du commandement territorial surtout qui a été d’un apport déterminant dans la victoire libérale. Quand nous rapportions dans notre dernière édition que Me Ousmane Ngom prédisait un « plébiscite », rares sont ceux qui nous croyaient. En fait, la veille du scrutin encore, il disait à des amis ceci : « sur les quelque cinq millions d’électeurs, nous estimons que trois millions de personnes à peu près vont voter. Et sur ce nombre, nous sommes assurés que le 1.750.000 va voter pour nous. Largement de quoi permettre au président de passer au premier tour ». Surtout que les services du ministère de l’Intérieur avaient repéré des milliers de bureaux de vote où l’Opposition n’avait aucun représentant. Le reste était un jeu d’enfants.

L’autre facteur décisif dans la victoire de Wade, c’est l’efficacité des relais locaux du Parti démocratique sénégalais (Pds) et de la multitude de partis qui le soutenaient. Non seulement les ministres mais aussi les députés, les conseillers de la République, les maires, les présidents de conseils ruraux, les directeurs généraux de sociétés nationales, les grands opérateurs économiques, les magouilleurs en tout genre et autres délateurs… tout ce monde est descendu à la base, dans les villages, les communautés rurales, dans les quartiers, avec les moyens de leurs structures et ceux octroyés par le Parti, pour battre campagne. Partout, ils ont non seulement distribué beaucoup d’argent, des vivres, mais aussi, et surtout, beaucoup promis. Et là où tout cela ne marchait pas, les menaces ont fait le reste.

Prenons l’exemple d’une conurbation comme Pikine et Guédiawaye, mais aussi la grande banlieue de Thiaroye à Yeumbeul, Boune, Malika, Keur Massar etc. Toutes les communes d’arrondissement de ces départements sont contrôlées par le parti au pouvoir, l’Opposition n’y ayant rien gagné en 2002. Or, ce sont ces mairies d’arrondissement qui distribuent des allocations financières de soutien pour les indigents, les fameux « mandats », qui donnent les vivres, attribuent des parcelles, gèrent les fournitures scolaires, attribuent de petits boulots etc. Le fait que l’Opposition ait perdu des instruments aussi stratégiques a beaucoup joué dans sa déroute dans la grande banlieue. Et c’est justement là où la misère est la plus grande, là où l’influence corruptrice de l’argent se fait le plus sentir, que Wade a obtenu ses plus gros scores.

À l’inverse, dans la ville de Dakar, c’est dans les beaux quartiers que l’Opposition a le mieux résisté et où elle a réalisé ses meilleurs scores. Pour le reste, les responsables locaux du Pds (mais aussi des partis satellites) se sont surpassés. Ils ont fait preuve de zèle et de stakhanovisme dans l’embrigadement des électeurs, et ont rivalisé de surenchère dans l’ « efficacité électorale », cela supposant le bourrage des urnes là où l’Opposition n’était pas représentée.

Face à cette redoutable machine électorale, face au commandement territorial acquis au président sortant — n’en doutons pas —, face à la débauche de moyens financiers, face au débauchage de ses cadres, face à l’ostracisme de la Télévision nationale — qui, en sept ans, n’a montré que quelques rares fois l’Opposition —, face à l’absence de bons relais sur le terrain, face à la soumission des marabouts achetés à coups de prébendes etc. que vouliez-vous donc que cette Opposition fit ? En réalité, elle a bien du mérite cette Opposition d’avoir pu résister au rouleau compresseur du pouvoir, à sa stratégie du bulldozer, à son pilonnage à l’artillerie lourde. Certes, elle n’a pas réussi à emmener Wade au second tour, certes elle a été battue par un large score, elle qui espérait faire 50 % au moins, certes c’est une véritable raclée qui lui a été infligée dans certaines zones, mais, pour l’essentiel, elle a bien du mérite cette opposition. Elle s’est plus qu’honorablement défendue car, contrairement à ce que pensent beaucoup, je considère qu’elle n’a pas à « rougir » de son score.

Faire plus de 40 % (44 % paraît-il) face à une telle camarilla, pardon cette armada, là où des ultras comme la girouette M. Djibo Kâ lui prédisaient 14 %, cela dénote bien du mérite. Cela prouve que malgré le tintamarre officiel, malgré la propagande, malgré le matraquage, malgré la corruption, malgré les consignes maraboutiques, malgré cette vermine que constituent les transhumants, les êtres les plus vils et indignes qui aient jamais pu exister sur terre, il y a plus de quatre Sénégalais sur 10 qui s’opposent au pouvoir libéral. C’est plus qu’une base solide pour bâtir une bonne et vraie opposition susceptible de constituer une alternative crédible au régime libéral. Certes, il va lui falloir attendre cinq ans pour espérer repartir à l’assaut du pouvoir. Mais Wade n’a-t-il pas attendu 26 ans pour réaliser enfin son rêve de devenir président de la République du Sénégal ? Et, à 80 ans passés, rempiler comme l’un des plus vieux présidents d’Afrique.

Mais enfin, trêve d’analyses et de tentatives d’explication de la défaite de l’Opposition. Vox populi, vox dei. Le peuple souverain s’est prononcé et il convient de respecter sa volonté. Les Sénégalais ont envie de se farcir le régime de Me Abdoulaye Wade pendant encore cinq longues années. On s’en voudrait d’être plus royalistes que le roi. Trinquons donc à leur bonne santé et souhaitons-leur bien du plaisir !



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