Elle fait partie des ministres les moins connus du gouvernement. Et pourtant, elle en est le porte-parole. En un 15 mois, Ndèye Tické Ndiaye n’a fait qu’une sortie. Ce qui suscite interrogations sur la communication du gouvernement, mais aussi les actes et les intensions du Président Macky Sall.
En dehors de sa signature au bas du communiqué hebdomadaire du conseil des ministres, rien ne permet de dire qu’elle est le porte-parole du gouvernement. Pourtant Ndèye Tické Ndiaye occupe le poste depuis plus d’un an. Elle a été nommée le 10 avril 2019, à l’issue de la réélection de Macky Sall en février 2019.
Depuis lors, la dame est aussi muette qu’une carpe. En qualité de porte-parole du gouvernement, elle n’a qu’une seule sortie à son actif. C’était le jour de la korité de l’année 2019, après la publication de l’enquête de BBC relative au scandale sur le pétrole impliquant Aliou Sall, frère du Président Macky Sall.
Hormis cette prise de parole, la Thiessoise est totalement absente du débat public. D’ailleurs, elle n’est même pas connue du grand public. Et pourtant, les sujets brûlants n’ont pas fait défaut pour celle qui est censée être la voix du gouvernement. Dialogue national, libération de Khalifa Sall, emprisonnement de Guy Marius Sagna, report des locales, bradage du foncier, décret sur l’honorariat.
Mais il y a surtout la gestion de la pandémie de Covid-19 dans ses multiples facettes : aspects sanitaires, restriction des activités, distribution polémiques des vivres, mesures économiques et sociales… Autant de sujets sur lesquels le régime de Macky Sall a été secoué, sans qu’elle ne bouge le plus petit doigt.
Chacun pour soi, Tické pour personne
Au contraire, on a vu Abdoulaye Diouf Sarr, Mansou Faye, Aly Ngouille Ndiaye et Oumar Youm se relayer au micro. Viennent ensuite Serigne Mbaye Thiam et Mouhamadou Makhtar Cissé pour les factures. Puis, Mamadou Talla, Cheikh Oumar Hann et Dame Diop pour le secteur éducation et formation. Autant de sorties parfois contradictoires (surtout entre Santé, Intérieur et Transport) qui pouvaient passer par une seule voix, celle du porte-parole.
De quoi s’interroger sur le pourquoi de son silence. Si l’on en croit Sahite Gaye, docteur en communication, c’est parce qu’avec ce gouvernement, la communication publique est quasi inexistante. « Dans le cadre de la communication publique, on essaie d’être en relation permanente avec l’opinion pour faire comprendre les actions du gouvernement. On donne du sens à l’activité du gouvernement, ce qui permet de garder le lien avec le citoyen », analyse-t-il.
Or, avec cette nouvelle équipe de Macky Sall, c’est tout le contraire. On ne prend la parole que lorsqu’il y a polémique. Ce qui fait dire à Sahite Gaye, enseignant au Cesti, que c’est la communication politique qui est privilégiée au détriment de la communication publique.
Incohérences et contradictions dans la communication
Et pourtant, même dans la communication politique, Ndèye Tické Ndiaye est absente. Ancien porte-parole du Pds, Babacar Gaye rappelle que le porte-parole a deux missions : donner une information au public, ou bien démentir une fausse information ou apporter des clarifications et précisions sur une autre déformée ou pas bien comprise.
Pour le cas de ce gouvernement, Babacar Gaye pense qu’il y a une absence de communication coordonnée. Ce qui fait que le porte-parole n’a pas d’occasion pour agir. «Tel que je vois le gouvernement, les ministres organisent eux-mêmes leur communication. Si vous voyez bien, sur la Santé, c’est Diouf Sarr qui parle, sur la distribution des vivres Mansour Faye a assuré sa communication. Sur les aspects liés à la sécurité, on entend Aly Ngouille Ndiaye », souligne Babacar Gaye.
Autrement dit, les ministres font le travail du porte-parole. Ce qui veut dire qu’elle n’a pas de matière, puisqu’on n’a pas besoin d’elle. Une option qui n’est pas sans conséquence. En effet, avec la gestion de la Covid-19, il a été noté beaucoup de contradictions entre les ministères. Quand le ministère des transports sort le matin pour annoncer des assouplissements dans les mesures de restriction, le ministre de l’Intérieur Aly Ngouille Ndiaye publie un arrêté l’après-midi pour dire le contraire.
L’absence d’un Premier ministre en question
La célébration de Tabaski en est une parfaite illustration. Pendant que le ministre de la Santé Abdoulaye Diouf Sarr invitait les Sénégalais à passer la fête là où ils étaient, son collègue de l’Intérieur leur rappelait qu’ils étaient libres d’aller là où ils voulaient. « On aurait pu, dans le cadre d’une communication gouvernementale, organiser une conférence de presse pour parler d’une seule voix. Mais avec cette situation, il y a forcément incohérence et cacophonie », regrette Babacar Gaye.
Partant de ce constat, il y a lieu de se demander si l’absence d’un Premier ministre est un facteur explicatif majeur. En effet, il se pose la question de savoir qui, dans le gouvernement, va donner au porte-parole l’autorisation de parler ou de garder le silence. En l’absence d’un capitaine, la voix du gouvernement semble donc opter pour la prudence.
« L’inexistence du poste de Premier ministre fait qu’il n’y a personne pour chapoter la communication du gouvernement », constate Sahite Gaye. « S’il y avait un Pm, il y aurait naturellement une centralisation de l’information gouvernementale », conforte Babacar Gaye.
Mais si l’on en croit un responsable politique d’un parti allié du pouvoir, la question dépasse le poste de Premier ministre. Pour cet interlocuteur anonyme, quand un chef d’Etat met en avant des considérations politiques personnelles, il est presque impossible d’être sa voix.
« Macky Sall a choisi de faire face au peuple. Il n’a pas besoin qu’on parle à son nom. Tous les actes qu’il pose indiquent qu’il se prépare pour un troisième mandat. Il pense que c’est à lui de s’adresser directement aux citoyens », croit savoir cet allié.
« C’est Macky qui valide le communiqué du conseil des ministres »
Dès lors, ajoute-t-il, à chaque fois que quelqu’un se met devant pour porter le combat politique, il pense qu’il lui fait de l’ombre. Ce qui explique, à son avis, le départ de Mahammed Boun Abdallah Dionne de la primature.
Du coup, renchérit cet interlocuteur, Macky Sall procède à une communication multivectorielle « en fonction de ses intérêts politiques et électorales ». « Même ses ministres ne sont que des chargés de missions », tacle cet allié.
D’ailleurs, révèle ce responsable politique, cette volonté de tout contrôler de la part du Président Macky Sall fait qu’il veut même avoir un œil sur le compte rendu du Conseil des ministres.
« Il regarde le communiqué du conseil des ministres et il valide avant publication, s’il ne dicte pas tout lui-même. Alors que, normalement, un Président n’a pas besoin de regarder ça. C’est au secrétariat général du gouvernement de s’en charger ».
Ainsi donc, ce silence de Ndeye Tické Ndiaye interroge certes le profil de la dame à ce poste, il pose également la question de la communication publique dans ce gouvernement.
Mais aussi, en dernier ressort, les intensions de Macky Sall qui choisit de se départir de tout fusible pour faire face directement aux citoyens-électeurs qu’il a d’ailleurs invités récemment à lui poser directement des questions via les réseaux sociaux.
Seneweb a contacté Ndèye Tické Ndiaye qui avait promis de réagir. Mais notre relance est restée sans suite.
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