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Politique

Pr. ARONA NDOFFENE DIOUF, ENSEIGNANT, CHERCHEUR ET CONSULTANT INTERNATIONAL « Le relâchement de l’autorité peut aboutir à un soulèvement populaire »

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Pr. ARONA NDOFFENE DIOUF, ENSEIGNANT, CHERCHEUR ET CONSULTANT INTERNATIONAL « Le relâchement de l’autorité peut aboutir à un soulèvement populaire »
Le professeur Arona Ndoffène Diouf a plus de 15 années d’expérience professionnelle dans le domaine des sciences de l’environnement et des sciences de la terre. Il est enseignant-chercheur et consultant international résidant au Etats-Unis depuis plus une quinzaine d’années. Il se prononce sur la question de l’énergie au Sénégal, affirmant que Me Wade manque de volonté politique sur ce sujet. Selon lui, la qualification du Sénégal au programme du Millenium challenge account (Mca) est une bonne chose pour le pays. Mais il critique sans concession le régime libéral dans ses options stratégiques.

Quel commentaire vous inspire la suggestion du Président de vouloir mettre en place une entité regroupant toutes les forces vives de la nation pour neutraliser les problèmes de l'électricité ?

Vous savez, depuis la venue de Me Abdoulaye Wade au pouvoir en 2000, le Sénégal est entré dans une période de dérive. C'est-à-dire dans une période pendant laquelle les bases mêmes des équilibres des valeurs sociétales et de l’administration de l’Etat sont ébranlées et sont tombées peu à peu en ruines. Un régime, par le comportement de son leadership, peut soit construire, rompre ou reconstruire tout en élargissant les cadres de son progrès. Ou alors, il plonge le pays dans une régression, créant ainsi un déséquilibre des sociétés. Dans le cas d’un déséquilibre socio-économique, les crises et les recrudescences d'activités engendrent des ruptures ou des rétablissements. Dans tous les cas, la rupture d'équilibre relationnelle entre les managers du régime et les administrés se manifeste par une désobéissance civile se traduisant par le laxisme, l’absentéisme et la corruption dans la fonction publique, la colère des populations, les violences et la montée du vagabondage lié au chômage. N’est-ce pas ce que nous voyons aujourd’hui au Sénégal ?

Vous êtes bien sévère contre le régime…

Mais non, c’est objectif. Depuis son accession au pouvoir donc, le Président Abdoulaye Wade a créé un déséquilibre au Sénégal qui a engendré une crise de confiance entre le peuple et leurs administrateurs qu’il ne peut plus réparer. Ceci est incontestablement la conséquence directe de son comportement et qui a exacerbé le climat désastreux légué par ses prédécesseurs Senghor et Abdou Diouf. Aujourd’hui, le Président a perdu son audience et donc celle de toutes les forces vives qui devraient l’aider et qui demandent son départ. Ceci est la seule et unique alternative pour reprendre notre navire Sunugal en main. Comme le PS, le peuple sénégalais lui a donné sa chance et neuf années après, il nous a montré ses capacités dont les résultats sont entre autres les problèmes politiques à travers le pays, la confusion et le désordre dans l’administration avec une crise systématique de cadres professionnels, les crises dans les systèmes judiciaire et éducatif, le népotisme dans les affaires de l’Etat, la fragilité des droits d’expression, etc. La liste est longue. Aujourd’hui, cette perturbation nationale, observable à tous les coins de rue, fait courir un risque d’un relâchement d’autorité qui peut, si rien n’est fait, aboutir à un soulèvement populaire.

En tant que chercheur qui s’intéresse aux problèmes dans le secteur de l’énergie, avez-vous été saisi par les autorités pour trouver une solution définitive à ce problème ?

En effet, en décembre 2004, le Président Wade m’a invité à apporter mes contributions pour son programme de développement pour le Sénégal, se rapportant à mes domaines d’expertise. Entre autres, la maîtrise de l’énergie renouvelable et non-renouvelable, l’autosuffisance alimentaire par l’exploitation de nos eaux superficielles, le problème des ICS (avant sa vente aux indiens), la valorisation de certaines de nos ressources minières : par exemple la tourbe pour produire de l’électricité et celle des millions de tonnes de stocks de phosphogypse - résidus de la production d’acide sulfurique à partir de la roche phosphate - et la désalinisation. Après mes recherches, en collaboration avec d’autres scientifiques américains et japonais, en mars 2005, je lui ai présenté, en présence de son ex-Premier ministre Macky Sall, un dossier détaillé de 214 pages portant sur la faisabilité d’une usine de tourbe avec la création de deux centrales électriques à tourbe de 80 MW chacune : une à Lompoul et une autre à Taïba Ndiaye. Je le répéterai toujours, les réserves de tourbe au Sénégal sont estimées à plus de 82 millions de tonnes localisées dans les Niayes (de Cayar à Rao), au Sine Saloum et dans les mangroves fossiles du fleuve Casamance, comme le confirment tous les résultats des prospections menées depuis les années 1970 dans le cadre de plusieurs études scientifiques d’exploration et d’estimation. Cette quantité et la qualité de la tourbe pure et riche en valeur calorifique pourraient garantir au Sénégal une production d’énergie sur plus de 30 années, et même une éventuelle exportation d’électricité vers les pays voisins. Par l’exploitation de ce minerai, qui s'est avéré une alternative économique au pétrole ou aux installations pour la production d'énergie électrique fonctionnant au charbon dans beaucoup de circonstances, l’Etat du Sénégal pourrait faire baisser sa facture pétrolière qui est de plus en plus pesante pour la Senelec.

Pourquoi cela n’a pas abouti ?

Mais, c’est par manque de volonté politique.

Le roi du mbalax, Youssou Ndour vient de dénoncer la situation chaotique provoqué par les problèmes d'énergie et les inondations dans un tube. Comment appréciez-vous l'action de l'artiste ?

L’Etat sénégalais a toujours été très politique. Aucun de nos leaders n’a jamais su éduquer le peuple à mettre concrètement en œuvre le modèle citoyen sénégalais. Ils se sont toujours, à tort, renforcés sur les moyens de leurs pouvoirs pour neutraliser, intimider ou corrompre toutes les forces patriotiques issues des populations. Au point qu’on ne trouve plus les fondements d’une civilité dans la mentalité de la plupart des sénégalais. Et ceci est scandaleux et dangereux. Nous espérons que Monsieur Ndour, en tant qu’icône mondialement reconnue, continuera à encourager davantage, dans ses chansons et discours, la nécessité du comportement citoyen, qui est la seule fondation de l’émergence.

Que pensez-vous de la qualification du Sénégal pour le Millenium challenge account (MCA) ?

Le MCA représente des fonds que le gouvernement américain a mis à la disposition des pays pauvres dans le cadre de son programme d’aide au développement international. Cependant, ces fonds sont soumis à des critères d’octroi définis par le gouvernement de Georges Bush (qui l’a initié en 2004). Pour bénéficier de cet argent, les gouvernements des pays éligibles devraient montrer des progrès dans les secteurs de la justice, de la bonne gouvernance des biens et de ses citoyens, de la santé, de la lutte contre la corruption, de l’éducation et des libertés civiles. Donc, depuis 2004, le Sénégal n’avait pas rempli ces conditions. Aujourd’hui, après bien d’autres pays africains qui nous ont dépassé dans les domaines de la transparence, de la bonne gouvernance et de la démocratie, comme le Burkina Faso, qui a déjà reçu plus de 480 millions de dollars, le Bénin plus de 300 millions de dollars, le Mali, 461 millions et le Ghana, plus de 547 millions, le Sénégal, donc, vient de se qualifier pour recevoir une enveloppe financiers de 540 millions de dollars du MCA. Ce qui est consolant, c’est le fait que ces fonds, contrairement à ceux des chantiers de l’ANOCI et ceux de Thiès, seront strictement surveillés par les américains et serviront exclusivement à la réalisation des programmes proposés. Il faut au moins noter que, cette fois-ci, tout le programme est entièrement dédié aux zones rurales démunies.

Comment vous trouvez les propos du président sur le Millenium challenge account (MCA) à son retour de vacances ?

Coïncidence ou manœuvre politique ? Le presse-release (communiqué de presse, ndlr) du Département d’Etat américain annonçant la qualification du Sénégal aux fonds du MCA est arrivé en même temps que le Président posait ses pieds sur le sol Dakarois à son retour des vacances d’été en Europe. Mais l’essentiel aujourd’hui est de veiller à la bonne utilisation de cet argent qui pourra faire la différence dans le monde rural.



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