Réactions au livre de Latif Coulibaly : Les fuites en avant de la majorité

Des réactions épidermiques et en ordre dispersé. C’est jusqu’ici la réponse apportée par les libéraux au livre d’Abdou Latif Coulibaly. Cette maladresse laisse ainsi entrevoir un parti disloqué, une absence d’arguments solides pour répliquer, et, pire, un manque de solidarité des ténors du parti vis-à-vis de Karim.

Tout le pays attendait une réponse sérieuse de la part du pouvoir au dernier livre d’Abdou Latif Coulibaly, ‘Contes et mécomptes de l’Anoci’. Mais, à la place d’une réplique ordonnée, ce sont des réactions épidermiques et en ordre dispersé que l’on note de la part des partisans du régime. Ce qui semble relever d’une impuissance à apporter des éléments de réponses pertinentes aux révélations du directeur de publication de l’hebdomadaire La Gazette. Ainsi, d’Aliou Sow à Moustapha Guirassy, le ministre de la Communication, porte-parole du gouvernement, en passant pas Aïda Diongue, Pape Saër Guèye ou encore Amadou Galo Ndiaye, ils ont été nombreux à parler sans rien apporter de concis comme réponse à Latif. Pis, la presse annonce que Wade compte acheter de l’espace dans l’hebdomadaire parisien Jeune Afrique pour démentir le directeur de l’Institut des sciences de l’information et de la communication (Issic). Et que Karim s’apprêterait à porter plainte contre l’auteur du livre.

Une fuite en avant dans la confusion en lieu et place d’un argumentaire solide parce que réfléchi. A quoi sont dues cette timidité et cette indécision des libéraux devant la charge mortelle de Latif Coulibaly ? On peut envisager plusieurs hypothèses. D’abord, il y a ce qui ressemble à une dislocation manifeste du Parti démocratique sénégalais (Pds) qui n’affiche plus d’existence réelle en tant que mouvement structuré et appareillé, porteur d’une vision et d’une orientation politique claire. Ce phénomène est aggravé par l’absence d’un numéro 2. Un vide qui ne confère à aucun des ténors de ce parti l’autorité nécessaire pour mobiliser les troupes et les engager au combat, en cette période où le maître absolu est absent du pays. En outre, l’attitude des libéraux pourrait être perçue également comme un hommage au travail d’Abdou Latif Coulibaly dont l’ouvrage ne laisse pas beaucoup de place à une contradiction sérieuse. En effet, Latif étant allé puiser dans les documents internes de l’Agence nationale de l’organisation de la conférence islamique (Anoci) des preuves ‘irréfutables’, comme il a dit lors de sa conférence de presse de lancement du livre, tenter de démentir ses affirmations c’est prendre le risque de tomber dans le burlesque. Et un homme politique digne de ce nom ne peut pas se permettre de s’embourber ainsi dans un exercice qui le discréditerait davantage qu’il ne servirait la cause censée être défendue. Sur un autre registre, dans les tentatives de réponses à titre personnel initiées par quelques individualités du pouvoir, on ne voit nullement l’ombre d’un ténor du parti. Ce qui semble traduire le malaise profond qui mine la famille politique de Wade, relativement à la volonté de celui-ci de parachuter son fils sur la tête de ses compagnons de tout temps.

Ces derniers, pour la plupart, même s’ils ne l’ont jamais manifesté ouvertement, digèrent mal l’arrivée de ce ‘nouveau militant’ parrainé, qui leur dicte sa loi et son diktat avec la bénédiction de son père. Et certains indices ont toujours permis de se rendre compte qu’au Pds, le fils du chef qu’on veut promouvoir, on le tolère et on le craint surtout, mais on ne l’accepte pas. Et dans le contexte actuel, il ne doit pas manquer de hauts responsables libéraux à rire sous cape et se réjouir de ce qui arrive à cet héritier sans aucune légitimité politique, dont ils sont obligés de subir l’autorité. Et surtout, ces caciques libéraux, certainement, sont en train de se dire qu’ils ne se sentent nullement concernés par les révélations de Latif Coulibaly qui ne ciblent pas principalement le Pds, mais plutôt des individus au militantisme douteux, imposés aux militants authentiques et historiques.