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Politique

RAPPORTS WADE- OBAMA, KARIM, IDY, PELERINAGE...: Les confessions de Me Madické Niang

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RAPPORTS WADE- OBAMA, KARIM, IDY, PELERINAGE...: Les confessions de Me Madické Niang
Octobre 2009-octobre 2010. Déjà un an que Me Madické Niang est à la tête du ministère des Affaires étrangères. Durant cette année, nombre de choses se sont passées dans la famille diplomatique. La fronde des conseillers aux affaires étrangères, les nominations très contestées des ambassadeurs, les relations controversées entre le Sénégal et de grandes puissances comme la France et les Etats-Unis, entre autres dossiers. Dans cet entretien, Me Madické Niang lève les équivoques, fournit des explications et dessine la nouvelle politique étrangère du Sénégal. De même il révèle les esquisses du nouveau projet relatif à l’organisation du pèlerinage à La Mecque. Et dans sa «robe bleue» de militant libéral, il analyse la situation qui sévit dans son parti avec particulièrement le cas Idrissa Seck, non sans livrer ses convictions sur les supposées ambitions présidentielles de Karim Wade.

Monsieur le ministre d’Etat, un an après votre nomination à la tête des Affaires étrangères, est-ce qu’on peut dire que Me Madické Niang a atterri sur ses deux jambes ?

Un an s’est écoulé, et on peut dire que je me suis bien adapté. Au début, quand je venais d’être nommé, il y avait beaucoup de gens qui me disaient que je n’ai pas d’inquiétude à me faire, car j’ai toujours fait de la diplomatie, de la diplomatie de l’ombre qui m’avait permis de régler beaucoup de questions. Mais la diplomatie a d’autres facettes et j’ai pris le temps d’apprendre et d’étudier tous les autres aspects de la diplomatie. Ceux qui ont participé aux rencontres internationales peuvent vous dire que le ministre s’est très bien adapté. Je viens d’ailleurs de prendre part à une rencontre très importante, l’Assemblée générale des Nations unies. C’était ma première participation et vous avez vu le bilan qui en a été fait par la presse pour informer l’opinion publique. En somme, notre contribution a été très intense aussi bien au niveau des rencontres bilatérales que multilatérales.

À votre arrivée, vous aviez pris l’engagement de consolider les acquis de votre prédécesseur.

Je voudrais vous rappeler avoir dit qu’il y aurait une continuité dans la mesure où celui qui est le maître d’œuvre, l’inspirateur, et qui détermine la politique étrangère, est toujours là. C’est le président de la République, qui est aussi le premier diplomate. Nous, ministres, sommes les exécutants de la politique qu’il définit, d’où le principe de continuité qui est respecté. Ainsi, il fallait nécessairement engager de nouveaux chantiers qui permettent d’aller de l’avant. Et c’est ce que nous avons fait dès notre arrivée. D’abord, nous avons donné une autre tonalité à nos relations avec les voisins. Ensuite, nous avons travaillé à nous orienter de manière plus forte vers la diplomatie économique, en parfaite symbiose avec tous les acteurs qui interviennent dans ce thème. Et comme vous dites, nous avons aussi cherché à ce que les acquis qui émanent des orientations du Président Wade soient renforcés. C’est le cas avec ces concepts de diplomatie de paix, de souveraineté prônés par le Président Wade et qui recoupent les idéaux de  l’Union africaine.

Pourtant, il a été noté quelque part un recul de notre diplomatie avec le Président Wade qui a semblé perdre le grand rôle qu’il jouait en Afrique au profit de Blaise Compaoré, par exemple. Sans compter les difficultés notées dans les relations avec les Etats-Unis, ce qui compromet les chances de Wade de rencontrer Obama…

Non, il n’y a pas de recul. Pour le Président Compaoré, son choix a été dicté par le Président Wade.

Et comment ?

J’ai toujours expliqué qu’il est difficile de faire une médiation quand on est très proche d’un pays comme la Guinée qui compte plus d’1,5 million de ses fils chez nous au moment où plus de 400 mille Sénégalais sont là-bas. C’est un peu difficile, car dans une médiation, il y a toujours des soubresauts parfois difficiles à gérer. Il est arrivé même que des acteurs doutent de l’impartialité de Blaise Compaoré, alors que tout le monde sait qu’il s’acquitte avec beaucoup d’engagement et de détermination de cette tâche. Mais nous n’avons jamais été absents, nous avons toujours accompagné le Président Compaoré dans sa mission d’arriver à une solution définitive. Tous les acteurs politiques les plus importants de la scène politique guinéenne sont venus rencontrer le Président Wade à Dakar et il a toujours facilité le contact avec le médiateur. Seulement, il fallait laisser quelqu’un qui a une meilleure posture engager la médiation. Le Président Compaoré est un ancien militaire qui devait parler à d’anciens militaires. Nous avons pensé que c’était la meilleure formule.

Concernant les Etats-Unis, le Président Obama a une nouvelle vision de ses relations avec l’Afrique. Rares sont les présidents qui l’ont rencontré, il a pris l’option de s’adresser globalement à l’Afrique. On se rappelle son voyage en Egypte pour s’adresser à l’Islam, au Ghana pour s’adresser à l’Afrique noire.   Cette nouvelle vision n’empêche pas le Président Wade d’avoir de très bonnes relations avec l’administration américaine. Combien de visites a-t-il effectuées aux Etats-Unis, parfois à l’initiative de Congressmen ? Il a été même désigné par le Congrès pour porter à l’Union africaine la résolution que le Congrès avait prise sur la nouvelle coopération avec l’Afrique. Combien d’envoyés du Président Obama sont venus à Dakar ? Je peux citer l’ambassadeur Richard Burns, le sous-secrétaire d’Etat chargé des Affaires politiques et son ministre du Commerce… La semaine dernière, nous avons eu au Sénégal une activité très importante, le démarrage du Millenium challenge account (Mca). Si les Etats-Unis avaient des griefs contre le Sénégal sur l’essentiel des critères d’éligibilité du Mca, le Sénégal n’en bénéficierait pas. Même si les deux Présidents ne se sont pas rencontrés, il n’en demeure pas moins vrai que le Président Wade a rencontré plusieurs autorités américaines et a été invité dans beaucoup d’Etats. Moi-même, je m’y suis régulièrement rendu, comme en témoigne mon audience  à la Maison blanche avec le conseiller personnel du Président Obama. Par ailleurs, j’ai été reçu au département d’Etat par les deux adjoints d’Hilary Clinton, parce qu’elle n’y était pas. C’est pour vous dire que les Etats-Unis ne boycottent pas le Sénégal. Et comme en témoignent beaucoup de sommets, les Etats-Unis et le Sénégal harmonisent souvent leurs points de vue. Dans d’autres circonstances, ce sont les Etats-Unis qui proposent et soutiennent le Sénégal  pour jouer un rôle leader, ce fut le cas lors du dernier Sommet de Genève sur le Soudan. Voilà  quelques exemples parmi tant autres  pour vous montrer que les relations entre les deux pays sont huilées.

Vous dites que les relations sont huilées, mais travaillez-vous toujours pour que l’audience entre Wade et Obama ait lieu ?

Le Président Obama a son calendrier, le Président Wade a aussi le sien. S’ils doivent se rencontrer, ils le feront. Je le souhaite. Encore une fois, le Président Obama a une autre forme de gestion. Quand il s’est agi de célébrer le cinquantenaire de l’indépendance de 16 pays d’Afrique, le Président Obama a préféré non pas s’adresser aux dirigeants africains, mais à une certaine catégorie de personnes appartenant à ces 16 pays. Ces personnes ont été directement contactées et il les a rencontrées. Chaque Président a sa façon de gérer ses relations avec tel ou tel continent. Ce que je peux vous dire, c’est qu’il n’y a aucun nuage entre les Présidents  Wade et Obama.

Mais, il est reproché au Président Wade de se faire inviter par de petites personnalités sans envergure. En tant que chef d’Etat, est-ce que cela ne participe pas à dévaloriser notre diplomatie ?

Je ne le pense pas. Quand il a été invité au Vermont, les gens se sont empressés de dire que c’est un Adjudant qui l’a invité. Dans cet Etat, l’Adjudant est le grade le plus élevé, c’est l’autorité militaire. Cela a été une très grande rencontre dans le Vermont. Tout dépend du thème. Et je crois que le Président Wade ne peut aller dans un Etat américain que si le thème de la visite peut être profitable pour le Sénégal. Je l’ai accompagné récemment aux Etats-Unis où il a reçu du Congrès le Prix de l’environnement, pour la Grande muraille verte. Pour des thèmes aussi importants, le Président est prêt à y aller pour partager ses idées et faire de sorte que la cause africaine soit prise en compte. Il n’y a jamais eu de rencontres qu’on peut qualifier de dévalorisant pour le Sénégal.

Ce sont les gens qui ont leur propre appréciation. Lors de notre voyage à Washington, on nous avait promis une grande manifestation de Sénégalais devant le Capitole. Ils n’étaient que cinq qu’on a autorisés à manifester devant le Capitole. Je suis même sorti, en présence des journalistes, pour les saluer en ma qualité de ministre des Affaires étrangères. Mais à ma grande surprise ils étaient déjà partis. Tout cela se comprend car nous sommes à une période particulière du Sénégal, nous allons vers des élections et les gens essaient de politiser tout ce qui se fait.

Pour ce qui est de la France, il y avait une certaine crispation dans les relations avec le Sénégal quand Jean-Christophe Ruffin était ambassadeur à Dakar. Avec son départ et son remplacement par Nicolas Normand, quel est l’état de ces relations ?

Elles sont excellentes. Je ne vois pas un seul point de divergences dans nos relations avec la France.

Ah bon ?

Oui. On a connu des périodes d’incompréhension, non pas entre le Président Wade et le Président Sarkozy, par exemple lorsqu’il a fallu demander la restitution des bases militaires ou dans la gestion de certains dossiers. En revanche, il y a eu ces incompréhensions au niveau de certains exécutants comme l’ambassadeur Ruffin qui m’avait fait part de certaines appréciations au niveau de certaines personnes du Quai d’Orsay, mais aujourd’hui, il n’y a plus cela. Mes relations avec mon homologue Bernard Kouchner sont excellentes. Lors de l’atelier sur les financements innovants que la France avait organisé, j’occupais le siège de l’Afrique, j’étais au présidium avec le président de la Commission africaine. À cette occasion, j’ai présenté les projets du Président Wade, mais j’ai aussi mis l’accent sur la place de l’Afrique dans ces financements innovants. Mon homologue français et moi, nous nous consultons régulièrement sur beaucoup de questions. À chaque fois qu’on se rencontre, la première chose que je reçois de lui, c’est une tape amicale. Signe que nos relations sont au beau fixe. Une illustration : je ne me suis pas rendu en France depuis le 14 juillet, alors qu’à chaque fois qu’il y avait des problèmes dans la sous-région voire en Afrique, le ministre des Affaires étrangères faisait ses valises pour rencontrer son homologue. Maintenant, il suffit que nous restions en contact au téléphone pour harmoniser nos positions, dans un climat de confiance et de réciprocité mutuellement avantageuse. Entre les deux pays les relations sont excellentes et entre les Présidents Wade et Sarkozy, il y a une forte complicité sur certaines questions.

À un moment donné, on a senti une trop grande ouverture du Sénégal vers les Etats-Unis et la Chine. Cela ne donne-t-il pas l’impression à la France d’être lâchée par son ancienne colonie ?

Bien au contraire. Avant mon arrivée, les gens disaient que mon prédécesseur était plus proche des Etats-Unis de sorte que la France avait l’impression qu’on lui tournait le dos. Je vous rappelle que ma première visite hors de l’Afrique, je l’avais consacrée à la France. S’agissant de cette ouverture, ce sont nos intérêts qui la commandent, et la France fait de même vis-à-vis de la Chine. Combien de fois le Président Sarkozy est-il parti en Chine ? La Chine est aujourd’hui un partenaire économique incontournable dans ce monde. Il en est de même pour les autres pays émergents comme le Brésil et tant d’autres. Nous ne faisons qu’élargir notre partenariat avec le reste du monde, tout en tenant compte de la place prépondérante que la France y occupe.

Par exemple, en matière de coopération agricole, si nous n’avions pas des relations fortes avec l’Inde et la Chine, la Goana n’aurait pas les excellents résultats que nous avons enregistrés ; l’Inde a été la pourvoyeuse des tracteurs et la Chine celle du matériel agricole.

Pour fermer cette parenthèse de la coopération, vous avez évoqué la complicité entre le Président Wade et Nicolas Sarkozy. Est-ce à dire que le pouvoir a fait des concessions dans le projet de dévolution monarchique du pouvoir ?

Je disais que, compte tenu de l’harmonie qu’il y a entre les chefs d’Etats, on peut même parler de complicité. C’est une manière de vous dire qu’il n’y a pas eu d’incompréhensions entre les deux Présidents, même du temps de Ruffin. Je n’en ai pas vécu depuis que je suis là. Concernant le projet de dévolution successorale, je vous dis que ce sont les considérations purement sénégalaises. Le Président Wade, en homme sérieux, démocrate et juriste avisé, ne peut pas entretenir un tel projet. Le Sénégal n’est pas le patrimoine du Président Wade, il en est conscient. Ce pays, quelle que soit la personne qui aspire à le diriger, qu’il soit Karim ou un autre, ira vers la sanction populaire pour y accéder. Il n’y a pas dans la Constitution un tour de passe-passe qui devrait permettre cela. Quand des interlocuteurs étrangers m’ont dit que beaucoup de nos adversaires en parlent, je leur ai rétorqué : «Comment le Président qui a instauré la démocratie dans son propre parti qu’il a créé peut-il penser imposer son fils par une forme de dévolution successorale à la tête de ce pays ?» Mais qu’on n’oublie pas que Karim est un Sénégalais et ne doit pas vivre son ascendance comme un handicap ! Karim ne m’a jamais dit qu’il veut être le Président du Sénégal, nous sommes très proches, il me considère comme son oncle car il dit que je suis l’ami de son père. Qu’on ne se hasarde pas en commentaires et en suppositions ! Ce dont je suis sûr, c’est que c’est par des élections qu’un Président sera élu.

Comment analysez-vous cette montée en puissance de Karim Wade. Après son super-ministère, voilà que le département de l’Energie lui est confié, cela ne fait-il pas désordre ?

Cela ne me gêne pas. Cela ne me surprend pas. Je vous fais une confession : quand j’étais à l’Energie, dans mes négociations et recherches de financements, Karim m’a beaucoup aidé. Il m’a aidé à trouver d’autres partenaires quand nos partenaires traditionnels voulaient se retirer. Il a démontré aux Sénégalais qu’il a les moyens de remplir les obligations qui lui sont assignées. Je vous dis que parmi ceux qui assument des fonctions, on ne trouvera pas quelqu’un qui s’acquitte avec compétence de ses charges mieux que Karim. Je vous donne le cas des Industries chimiques du Sénégal, que j’ai réussi à sauver de la fermeture, mais Karim y a joué un rôle déterminant. J’ai dit devant les journalistes la part que Karim a jouée dans cette affaire.

Il semble plutôt qu’il fait partie des personnes qui ont mis à genoux les Ics ?

Je ne suis pas au courant de cela. En tout cas, ce n’est pas lorsque j’étais ministre des Mines où j’ai vu un homme compétent travailler…

Vous êtes réellement convaincu des compétences de Karim Wade…

Oui.

Peut-on s’attendre alors à ce que Me Madické Niang soutienne Karim Wade quand il aura émis le souhait de diriger ce pays ?

Pour le moment, je n’ai qu’un seul homme vers qui je me tourne, c’est Abdoulaye Wade. Que Dieu lui donne longue vie ! Je préfère attendre ce jour-là et sur la base des résultats qu’il aura faits, je me déterminerais.

Vous n’avez  pas d’ambitions politiques ?

Je n’en ai pas, parce que je suis venu aux côtés d’un ami. Actuellement, ma seule ambition est de servir mon pays et de mériter la confiance que le Président Wade a placée en moi. Il dit à tous ceux qui veulent l’entendre que je suis son ami, son avocat avant d’être son ministre.

Pourtant, on vous présente comme un potentiel Premier ministre. Etes-vous intéressé par cette fonction ?

Je n’ai jamais dit au Président Wade que je suis intéressé par tel ou tel poste. C’est toujours au moment de la consultation que je suis informé de la responsabilité qui me sera confiée. Je me souviens de ce lundi 20 mars 2000, quand on était dans la voiture pour aller à Touba, il me dit : «Madické, j’espère que tu vas venir avec moi au gouvernement ?» Je lui répondis : «M. le Président, je suis pour vous un soldat. Je ne choisis jamais mon terrain de bataille. Le moment venu, quand vous l’aurez choisi, donnez-moi les armes pour mériter cette confiance».

Dans la gestion du ministère, il vous a été reproché de faire du favoritisme dans la nomination des conseillers et des ambassadeurs…

C’est une question très importante. Je peux vous dire sans être démenti que je suis le ministre qui, en peu de temps, a pris des mesures si importantes en faveur  des conseillers des Affaires étrangères. Pour moi, on ne peut pas faire de la diplomatie sans l’implication forte et déterminante des professionnels de la diplomatie que sont ces conseillers. Toutes les mesures que j’ai prises vont dans ce sens. Je n’ai pas fait de favoritisme.

Qu’est-ce qui explique la fronde alors ?

Quand je suis arrivé, une déclaration avait été signée par eux, mais quand je les ai rencontrés, tout est rentré dans l’ordre. Ils avaient besoin de revendiquer la part importante qu’ils estimaient être la leur. Je suis actuellement en train de vivre les revers de mon engagement fort au profit des professionnels de la diplomatie. Quand je suis arrivé, j’ai constaté que certains des directeurs en fonction n’avaient pas le rang d’ambassadeur. Pourtant, ils convoquaient des ambassadeurs qui pouvaient leur dire : «Vous n’êtes pas ambassadeur, demandez à un ambassadeur de me faire venir.» Ainsi, j’ai élevé tous les directeurs au rang d’ambassadeur.

Quand j’ai rencontré les conseillers, je leur ai dit qu’ils sont comme dans l’armée. Dans l’armée, l’évolution normale peut vous pousser à revendiquer le grade le plus élevé, celui de colonel. En revanche, le grade de général est à la discrétion du président de la République. C’est la même chose pour la nomination d’ambassadeurs qui est à la discrétion du chef de l’Etat. Néamoins, j’ai beaucoup influé dans la nomination de jeunes ambassadeurs, à l’image de Bassirou Sène, Abdoul Aziz Ndiaye, entre autres. On peut même dire qu’en dehors de deux ou trois cas, on manque de ministres-conseillers. La presque totalité des ministres-conseillers sont promus ambassadeurs. Avant mon arrivée, les conseillers des Affaires étrangères qui étaient nommés se retrouvaient aussitôt après à la retraite. À ma prise de fonction, il m’a été reproché d’avoir maintenu des ambassadeurs à la retraite à leur poste. Oui, parce que quand je suis arrivé, certains venaient d’être nommés à leur poste et j’avais besoin de leur expérience.

J’ai aussi nommé des jeunes qui ont toute une carrière devant eux. Mais il y a un élément important qu’il ne faut pas oublier. Dans tous les pays de grande diplomatie, il faut des ambassadeurs au niveau de la chancellerie, ce sont eux qui peuvent aider dans la prise en compte des grandes orientations du Président. Ici, en dehors des conseillers techniques, on n’en retrouvait pas. Ce sont des jeunes qui ont été promus à des postes et qui, malheureusement, n’avaient pas l’expérience. De plus en plus, je vais faire revenir au ministère de grands ambassadeurs. Ils seront maintenus ici, le temps qu’ils apportent leur expérience aux jeunes.

Ceux qui ont saisi la presse n’ont pas compris mes actions. S’ils cherchent par voie de presse à bénéficier d’un poste d’affectation, je leur dis : «Cela ne m’émeut pas.» Ce qui est important, c’est qu’au moment de donner des explications aux Sénégalais et au président de la République, je sois en mesure de le faire. Une fois de plus, je revendique la place de celui qui a eu à prendre les mesures les plus positives à l’endroit du corps des conseillers et je ne vais pas m’en arrêter là. Je me suis attaqué à la réorganisation du ministère qui continue de fonctionner comme il y a trente ans. On retrouve les mêmes services. Il est temps de nous adapter aux exigences de la modernité et de revoir les conditions de travail. Quand on dépasse ce beau bâtiment de l’extérieur, on croit que les gens qui y travaillent sont dans un environnement doré, alors qu’ils sont dans des locaux vétustes. Je suis en train de trouver, avec l’appui du chef de l’Etat, de nouveaux bâtiments, et je vais me battre pour la construction d’un immeuble des Affaires étrangères.

Mais les affectations font grincer des dents…

Les affectations suscitent beaucoup de convoitises, chacun tire la couverture sur soi. Une distribution est toujours sujette à des interprétations, il y aura toujours des mécontents. Qu’on me fasse des reproches objectifs ! On dit que j’ai maintenu des ambassadeurs à la retraite à leur poste, mais cela existe dans tous les pays du monde. Si je voulais nommer tous les ambassadeurs et qu’on réserve les postes aux seuls conseillers, on n’aurait pas cette possibilité, parce que nous n’avons pas toutes ces ressources humaines. Nous avons ce problème. À titre d’exemple, toutes les grandes ambassades doivent avoir un ministre-conseiller, mais toutes n’en ont pas. Washington en demande, l’Inde, New York et la France de même. C’est pour vous dire que même pour atteindre le grade le plus élevé de ministre-conseiller, on a des problèmes pour respecter les textes. Les conditions ne sont pas réunies par ceux qui sont là. Dans ce cas, pourquoi on ne ferait pas appel à d’autres corps d’élite d’autant que la loi permet au Président de nommer qui il veut ? Tous les jeunes qui remplissent les conditions ont été promus ambassadeurs après ma prise de fonction. Le chef de l’Etat a nommé des ambassadeurs qu’il n’a jamais vus parce qu’il me fait confiance et moi, je fais confiance aux professionnels.

Mais, vous êtes un ministre qui sort la cravache car récemment vous avez servi des demandes d’explication, suivies de blâmes. C’est quand même un indice de crise…

Je ne sors pas trop la cravache, mais un responsable ne doit pas être un doux qui peut tout accepter. C’est pourquoi je n’accepte pas qu’on porte atteinte à l’autorité et surtout à l’institution. Quand un commissaire général se permet, alors qu’il était en mission dans le cadre du pèlerinage à La Mecque, d’emprunter la voie des radios pour critiquer son ministre, je demande son départ. Ce sont des choses que je ne peux pas accepter. Tout le monde sait que je suis un homme de dialogue.

Pour parler de pèlerinage, qu’allez-vous faire concrètement pour que l’organisation soit, cette année, irréprochable ?

Je me bats en mettant d’abord tous devant leurs responsabilités. À la suite de cet entretien (il s’est déroulé vendredi soir), je vais installer les membres de l’encadrement, ce qui n’a jamais été fait. Une charte de l’encadrement va être édictée et ils seront mis devant leurs responsabilités. Tout membre qui viole une des règles contenues dans la charte sera immédiatement exclu, ne recevra pas ses indemnités et ne sera plus membre de l’encadrement.

Je vous révèle ici que l’année prochaine, des mesures importantes seront prises. On peut même être en désaccord avec l’opinion sur les mesures qu’on me demande de prendre et sur lesquelles je suis en train de réfléchir, mais l’organisation du pèlerinage se fera sur une base beaucoup plus solide.

Ne va-t-on pas vers une privatisation de l’organisation du pèlerinage ?

À peu près. On sera très proche de la privatisation pour beaucoup d’aspects et pour le reste, l’Etat va prendre cela en compte.

Comment analysez-vous la situation politique au sein du Pds avec cette anarchie notée dans les rangs ?

C’est normal que le Président laisse souvent les choses se faire. Je le connais bien. Je le fréquente depuis que je l’ai défendu pour la première fois en 1985. Parfois, pour faire régner l’ordre et donner les orientations qu’il faut, il a besoin de laisser les gens s’exprimer. Il suffit qu’il sonne la fin de la récréation et donne des orientations pour que le parti soit soudé. Le Pds est un grand parti. J’ai l’habitude de dire qu’un monstre, même s’il dort, reste toujours fort. Dès qu’il se réveille, il pourra reprendre son territoire. En tout cas, je ne serai pas de ces responsables qui n’observeront pas la discipline de parti. Il suffit que Me Wade donne le ton pour que les responsables aillent dans la direction voulue.

Ce n’est pas le cas d’Idrissa Seck…

(Il coupe). Vous savez, la situation d’Idrissa Seck reste à préciser. Il est revenu, peut-être qu’il n’a pas eu le temps de parachever… Je n’en sais rien, parce que je n’ai pas été impliqué dans les discussions. C’est pourquoi Idrissa a peut-être, lui, des raisons de faire ce qu’il fait. A-t-il révoqué sa décision de revenir ? Dans quelle situation est-il en train de parler ? Ce sont des questions qu’il faut lui poser. Mais je sais que s’il est toujours membre du Pds, il suffit que Me Wade parle pour que lui et tant d’autres observent ce qui est prescrit.

Est-ce que vous pensez à l’après-Wade. Et qui après lui ?

L’après-Wade, c’est normal car Dieu a fait que nous ne sommes pas éternels. Je disais à quelqu’un : «On nous remplace partout. Dieu a même fait qu’on nous remplace dans nos lits. On décède et d’autres épousent nos femmes». Mais, ‘Yalla na yéex’. (Il éclate de rire) Donc laissons les choses entre les mains de Dieu.



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