REPRESAILLES OU PRESSIONS SUR L’ANCIEN PM : La Dic recherche la notaire de Idy

Le notaire, Me Nafissatou Diop Cissé, qui avait, avec l’avocat Me Ousmane Sèye, conduit les tractations entre le Président Wade et son ancien Premier ministre Idrissa Seck, est dans le collimateur de la Division des investigations criminelles (Dic). D’aucuns voudraient croire que c’est à cause du fait que Idrissa Seck rechignerait à respecter ses engagements que certaines autorités de l’Etat voudraient mettre la pression sur la dame notaire en brandissant des menaces de poursuites contre elle. Cependant, à la Présidence de la République où l’information sur une convocation de Me Cissé par le commissaire Assane Ndoye a surpris plus d’un collaborateur du chef de l’Etat, un branle-bas a été opéré pour bloquer la procédure en raison de l’inopportunité de toute action contre Nafissatou Diop Cissé, dans le contexte actuel.

A quel jeu joue le commissaire Assane Ndoye, patron de la Division des investigations criminelles (Dic) ? Hier matin, il a appelé à l’étude du notaire Me Nafissatou Diop Cissé pour demander à parler à l’auxiliaire de justice. La dame notaire, proche amie de l’ancien Premier ministre, Idrissa Seck, n’étant pas sur place, le commissaire Ndoye laissera ses coordonnées téléphoniques, notamment son numéro de téléphone mobile et celui de la ligne fixe de son bureau, exigeant que le notaire le rappelle d’urgence. Me Cissé, qui se trouve présentement à l’étranger, sera rapidement saisie par ses collaborateurs de l’appel de la police. Elle se fait aussitôt le devoir de rappeler le commissaire Ndoye aux numéros de téléphone indiqués. Me Nafissatou Diop Cissé nous raconte que, quand elle a pu joindre le commissaire Ndoye, ce dernier lui a affirmé qu’il le cherchait et qu’il aurait appris qu’elle se trouverait au Nigeria, auprès de son époux l’Imam, Assane Cissé. Le notaire lui confirme être absente du Sénégal et cherche à savoir les raisons pour lesquelles la police la rechercherait. Le commissaire Ndoye de répondre qu’il ne pouvait encore le lui dire. De toute façon, Nafissatou Diop Cissé lui dira qu’elle comptait bien être à Dakar à compter de mardi prochain, 7 mars 2006. Le commissaire de lui demander de venir lui répondre pour affaire la concernant, dès le lendemain de son retour à Dakar. Le notaire a cherché à savoir si une convocation, en bonne et due forme, lui a été déposée à son domicile ou à son Cabinet d’études. Aucune trace d’une convocation de police n’est encore enregistrée à ses deux adresses. Nafissatou Diop Cissé se dit décidée à ne répondre que suite à une convocation en bonne et due forme. Il reste que Me Cissé ne manque pas de fulminer contre ce qu’elle qualifie d’intimidation, car elle ne voit pas les raisons pour lesquelles elle devrait avoir maille à partir avec les services de police.

IDY, NAFY ET LES PRESSIONS

De toute façon, elle a saisi aussitôt l’ancien Premier ministre, Idrissa Seck, pour le tenir informé de la situation. Ce dernier de lui indiquer qu’il s’attendait à ce que la dame notaire subisse des pressions de la part de certaines autorités de l’Etat qui ont encore en travers de la gorge les conditions de sa libération, le 7 février 2006. En effet, aussi bien le ministre de la Justice, Cheikh Tidiane Sy, que le ministre de l’Intérieur, Ousmane Ngom, n’avaient été mis au parfum des négociations secrètes entre le Président Wade et son ancien bras droit. Ces négociations, faudrait-il le rappeler, avaient été conduites nuitamment à la prison de Rebeuss, durant plusieurs semaines, par Me Ousmane Sèye, avocat et Me Nafissatou Diop Cissé, notaire, jusqu’à la libération du maire de Thiès (Voir Les éditions du journal Le Quotidien des 4, 10 et 11 février 2006). Voudrait-on faire payer à la dame son outrecuidance ? Ou bien cette pression exercée contre elle ne traduit-elle pas un certain raidissement, de la part du camp du Président Abdoulaye Wade car, à en croire des sources proches de Idrissa Seck, l’ancien Premier ministre rechignerait à respecter les engagements souscrits en prison, quant aux enjeux financiers liés à l’accord conclu avec le chef de l’Etat. D’ailleurs, la semaine dernière, on avait appris que Me Nafissatou Diop Cissé et Me Ousmane Sèye avaient eu une violente dispute sur la question. L’avocat n’aurait même pas manqué de menacer la dame, plénipotentiaire désignée par Idrissa Seck, lors des tractations secrètes. «Si ton gars ne respecte pas ses engagements, tu pourras t’estimer heureuse s’il ne t’arrive que l’emprisonnement», lui aurait balancé Me Sèye. Interrogé, ce dernier nie avoir menacé Me Nafissatou Diop Cissé. «Non ! Bien au contraire, c’est mon amie et je fais tout pour la protéger. Je crois que cette affaire de la Dic doit être liée à de vieux dossiers. Cela ne doit rien à voir avec l’affaire Idrissa Seck. Faudrait-il d’abord que Me Cissé sache pourquoi la Dic la rechercherait avant de s’alarmer. Et puis elle est notaire. A-t-elle même demandé une autorisation de sortie du pays ?», précise notre interlocuteur. Seulement, même s’agissant d’une vieille affaire, le fait de la déterrer dans le contexte précis est fort sujet à caution, pourrait-on bien remarquer. Un proche de Idrissa Seck qui nous a contactés, dans la soirée d’hier, au sujet de cette affaire, veut croire que tout cela procède d’un simple baroud d’honneur d’adversaires qui ne digèrent pas la libération de l’ancien Premier ministre.

De toute façon, du côté de la Dic, le commissaire Assane Ndoye que nous avons interrogé semble s’empêtrer dans ses explications. Nous l’avons joint par le numéro de téléphone sur lequel Me Nafissatou Diop Cissé affirme l’avoir rappelé ; un numéro du reste que nous possédions. Cependant, Assane Ndoye voudrait d’abord jouer au surpris avant de dire. «Je ne connais pas cette dame. Je ne lui ai pas parlé.» Curieuse réponse ! Puis, le policier se ravise : «Je n’ai pas personnellement connaissance d’un dossier la concernant, mais vous savez, il y a plusieurs affaires au niveau de la Dic. Il se pourrait que ce soit pour une affaire quelconque qu’on aurait besoin d’elle.» Assane Ndoye se veut formel : ce n’est pas lui qui importunerait Me Nafissatou Diop Cissé. Point barre. Il faut dire que quand cette affaire a été agitée, un certain branle-bas a été observé au niveau des plus hautes autorités de l’Etat. C’est ainsi qu’un proche collaborateur du Président Wade nous a saisis, pour nous faire remarquer que la convocation de Me Nafissatou Diop par la police est liée à un dossier d’instruction judiciaire pendante devant le Tribunal de Dakar, notamment au cabinet du Juge Abdoulaye Bâ.

En tout état de cause, à la Présidence de la République, d’aucuns jugent «inopportun que des dossiers concernant Me Cissé soient agités dans le contexte actuel où son nom est cité dans la presse pour des tractations entre le Président Wade et Idrissa Seck». Aussi, n’exclut-on pas, au Palais de l’avenue Léopold Sédar Senghor, que certains milieux du pouvoir tirent les ficelles pour activer des dossiers judiciaires impliquant le notaire pour lui faire payer le rôle qu’elle a joué dans la libération de Idrissa Seck. Ainsi, croit-on savoir, des instructions seront données pour que la pédale douce soit mise sur ces affaires de convocation. Jusqu’à quand ?