RUPTURE DES RELATIONS AVEC L'IRAN, L'EQUATION GAMBIENNE, LA CASAMANCE, LES DOUBLES NATIONALITÉS : Les positions courageuses du général Mansour Seck

L'ancien chef d’Etat-major général des armées sénégalaises et ancien ambassadeur, le général Mamadou Mansour Seck n'hésite pas à cracher ses quatre vérités quand la situation l'impose. Après avoir bien étudié et analysé la rupture des relations diplomatiques avec l'Iran et la part de responsabilité de la Gambie dans cette affaire, le général s'est voulu on ne peut plus ferme: «Ce n'est pas normal qu’on tolère une chose pareille, il faut appliquer la politique du bâton et de la carotte». Non sans manquer de livrer les clés pour sortir la Casamance de cette crise qui dure depuis plusieurs années. 

L'Iran n'est pas seul responsable sur ce qu’il est convenu d'appeler l'affaire de la cargaison d'armes en provenance de ce pays et destinée à la Gambie, si l’on se fie au raisonnement du général Mamadou Mansour Seck. L’ancien chef d’Etat major général des armées sénégalaises et ancien ambassadeur qui a bien voulu nous accorder une interview sur les questions brûlantes de l’heure estime, pour conforter son raisonnement, que «si la Gambie n'avait pas accepté, on n'aurait peut-être pas parlé de ces armes». Selon lui, «c'est clair, ces armes étaient destinées au président gambien à sa résidence en Gambie. A partir de ce moment, elle (la Gambie) devait s'expliquer». En termes plus clairs, la Gambie a bel et bien une part de responsabilité même si le Sénégal garde intactes avec elle ses relations diplomatiques. C'est pourquoi le Général Seck pense qu’on devait prendre des mesures, que ce n'est pas normal qu'on tolère une chose pareille, et qu’il faut appliquer la politique du bâton et de la carotte. La conviction du général est qu'«on a fait trop de diplomatie jusqu'ici, et quand la diplomatie s'arrête, il n’y a que le bâton qui reste. Il faut que la Gambie s'explique sur la nature d'armes qui rentrent dans ce pays venant de la Libye et de l'Iran». «Il est très probable que ce n'est pas la première fois que des armes destinées à la Casamance aient transité par la Gambie». C’est pourquoi, il pense qu’il faut «être ferme et en même temps faire d'une pierre deux coups : régler le problème de la Gambie et de la Casamance». 

«On a fait trop de diplomatie jusqu'ici, il faut régler le problème de la Gambie et de la Casamance» 

Pour la région méridionale du pays en proie à une rébellion armée depuis trente ans, le général soutient que la Casamance doit passer avant le Darfour, au niveau politique. «Il faut la présence militaire dans tous les coins de la Casamance. Cela pourrait servir de dissuasion. Et lorsque quelqu'un est armé, on doit le neutraliser», estime le général qui donne des solutions pour pacifier la région. Il précise toutefois que ce n'est pas une politique de va-t-en-guerre, mais un souci de remettre l'ordre dans une partie du territoire sénégalais. L'autre proposition faite par l'ancien Cemga pour amener la paix en Casamance, c'est le désenclavement de la région en multipliant la rotation des bateaux. Sans oublier l'intégration régionale entre le Sénégal, la Gambie et la Guinée-Bissau. Il faut aussi, poursuit-il, montrer aux Gambiens «qu'on peut se passer d'eux, par exemple en contournant leur pays par la route Tamba-Kolda. On peut les contenir au nord, on a trop localisé le problème au Sud». Le général est aussi très critique sur les sherpas qui avaient été nommés pour négocier la paix. Il est convaincu qu’«on a eu des messieurs Casamance qui n'ont pas forcément la crédibilité». 

«C'est ridicule que 50 ans après les indépendances, ceux qui nous gouvernent ne puissent pas être exclusivement de nationalité sénégalaise» 

Sur un plan purement politique, le général Mansour Seck engagé dans les Assises nationales a dit sa préoccupation au sujet de la question des doubles nationalités de certains candidats à la présidentielle, soulevée par les experts du mouvement Tekki. Il s'est d'abord indigné d'une telle attitude et pense qu'au-delà de ces leaders, tous ceux qui ont des postes électifs, mais aussi les ministres, les ambassadeurs et les militaires doivent être exclusivement de nationalité sénégalaise. «C'est à ma dernière année de Saint Cyr que mon camarade Dioum et moi, en tant que premiers cyrauds (concours direct), nous avons choisi d'être sénégalais seulement, ne serait-ce que pour l'exemple», renseigne-t-il. Le général déclare même qu’«on devrait mettre dans la Constitution une disposition qui obligerait les candidats à ces postes à n'avoir que la nationalité sénégalaise». Parce que dans son entendement, «c'est ridicule que 50 ans après les indépendances que ceux qui nous gouvernent ne puissent pas être exclusivement de nationalité sénégalaise. S'il y a conflit d'intérêts comment vont-ils choisir ?», s'interroge le général. C'est pourquoi il suggère de poser la question de savoir si tous ceux qui occupent les fonctions citées plus haut sont exclusivement de nationalité sénégalaise». Car pour lui, celui qui veut représenter le Sénégal ou qui est élu par le peuple ne peut être que sénégalais. 

En ce qui concerne son engagement dans les Assises nationales, le général déclare qu'il ne le regrette pas «car, pour simplifier, c'est la meilleure manière de rendre nos concitoyens conscients de leurs droits et devoirs. C'est aussi un préalable au contrôle citoyen sur le pouvoir».