Sénégal : héritier et rival du président Wade, le libéral Idrissa Seck croit en ses chances

A l'approche de l'élection présidentielle du 25 février, le Sénégal est comme pris de vertige et Dakar d'une frénésie d'affichage. Jamais sans doute depuis l'indépendance le résultat d'un scrutin n'y a été aussi imprévisible. Le président sortant, Abdoulaye Wade, 80 ans, fait face à quatorze candidats.

Sept ans après avoir fait gagner le sopi ("changement" en wolof) et incarné une alternance pacifique après quatre décennies de règne du Parti socialiste (PS) de Léopold Sédar Senghor et d'Abdou Diouf, le chef de l'Etat appelle les électeurs à "continuer à bâtir le Sénégal" avec lui. Il fait allusion aux travaux routiers qui, entrepris tardivement et objets de scandales financiers, transforment Dakar en un vaste chantier.

M. Wade affronte non seulement le leader du PS sénégalais, Ousmane Tanor Dieng, mais aussi d'anciens alliés de 2000, comme Moustapha Niasse (Alliance des forces de progrès) et surtout son fils spirituel et ex-premier ministre Idrissa Seck, 47 ans. Ce dernier, accusé de détournements de fonds publics, a passé sept mois en prison en 2004-2005.

La mise en scène à la fin janvier de ses retrouvailles avec le président Wade, qui l'a publiquement mis hors de cause, a provoqué un malaise dans l'opinion, encore accru lorsque M. Seck, après avoir semblé rentrer au bercail de son père spirituel, a annoncé le maintien de sa candidature.

"COURBE TORTUEUSE"

"Je veux lui éviter le naufrage que serait pour lui un mandat de trop", déclare celui qui, citant dans la foulée Shakespeare, le Coran et de Gaulle, se présente comme "le plus probable remplaçant du chef de l'Etat". "Je souhaite qu'il n'y ait plus de problème Wade dès le premier tour", se prend-il à lancer.

Recevant Le Monde dans sa villa d'un quartier chic de Dakar envahie par la foule désordonnée de son équipe de campagne et de proches venus proposer leurs services, il réfute avec véhémence avoir trahi le président. "Je suis resté chez Wade jusqu'à ce qu'il m'exclue."

Celui que les Sénégalais ont surnommé "Idy" dément que sa valse-hésitation avec le président ait soulevé dans l'opinion le soupçon de sa duplicité. Car "en démocratie, dit-il, le pouvoir et l'opposition se parlent". Désireux de capter une partie des voix du parti de M. Wade, il déclare "accepter son legs politico-historique" mais refuse l'image de l'héritier : "Je suis acquis à l'idée de compétition et ne veux pas d'un pouvoir qu'on me transfère. Je travaille à en être digne. Le temps est venu d'une alternance générationnelle."

M. Seck pose un diagnostic très alarmant sur l'état du pays dont il a été le premier ministre de 2002 à 2004, "avant que la courbe vertueuse ne soit remplacée par la courbe tortueuse". Il voit dans les naufrages d'émigrants "l'abominable traduction du degré de dégradation de notre tissu économique". Il dénonce le piètre état des finances publiques. Il assure qu'au Sénégal "150 000 enfants n'ont pas de place dans les écoles et 136 000 meurent chaque année de malnutrition ou faute de vaccination".

S'affirmant "libéral", Idrissa Seck voit "chaque Sénégalais comme un réservoir de talent dont il convient de favoriser l'éclosion".

Avec la France, le candidat revendique "des relations de respect, de dignité, d'amitié et de partenariat", tout en rappelant que "le Sénégal a la liberté de choisir tous les partenaires qui peuvent l'aider dans son développement".

Voyant dans le passage successif à Dakar des candidats à la présidentielle française, Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal, "une preuve de reconnaissance" pour son pays, M. Seck déclare que l'expression d'"immigration choisie" utilisée par le ministre français de l'intérieur "ne (le) choque pas".