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Politique

Sidiki KABA, président de la Fidh : ‘Les violences contre l’opposition déshonorent la démocratie’

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Sidiki KABA, président de la Fidh : ‘Les violences contre l’opposition déshonorent la démocratie’
 Si au Sénégal, une bonne partie de l’opinion s’est indignée de la répression de la marche du Front Aar Sénégal, les organisations de défense des Droits de l’homme n’ont pas été en reste. C’est le cas de la Fédération internationale des droits de l’homme. A travers la voix de son président, M. Sidiki Kaba, elle s'élève contre les actes de violence perpétrés contre les leaders de l’opposition et défend son droit à la marche, comme elle le projette encore ce vendredi.

Wal fadjri : Vous avez assisté, le week-end dernier à la marche du front Aar Sénégal et la charge de la police contre les leaders de l'opposition. Des commentaires ?

Sidiki Kaba : C’est à la fois triste et inacceptable ! Dans un pays comme le Sénégal, présenté comme un exemple de modèle démocratique, les actes perpétrés contre les leaders de l’opposition sénégalaise montrent, par leur violence, que tout est possible. Lorsque les évènements ont éclaté j’étais au Sénégal. Je me suis rendu dans les différents commissariats pour m’enquérir des conditions d’arrestation des leaders d’opposition. Ce que je sais c’est que la violence de la répression, avec tout ce qui a précédé, constitue un déshonneur pour la démocratie sénégalaise. Il est important de rectifier rapidement cette image en essayant de respecter les principes. Je dois dire simplement que la démocratie n’est pas l’évocation du mot à travers un discours. Mais ce sont des actes concrets. Ces actes de violence, lors de la marche de l’opposition, ont déchiré l’image démocratique du Sénégal. Ils ont été précédés par l’arrestation d’opposants, de journalistes, de syndicalistes, d’artistes, attestant que le régime viole les droits démocratiques des citoyens. Cela est de nature à biaiser le climat politique à la veille d’échéances électorales importantes comme les élections présidentielle et législatives.

Wal fadjri : Avez-vous pu vérifier les conditions de détention des leaders de l’opposition ?

Sidiki Kaba : J’ai été empêché par les forces de l’ordre qui étaient là. Ils m’ont demandé de quitter les lieux. Pour éviter tout contact physique, j'ai dû partir. Mais je me suis adressé immédiatement à la presse qui assistait à la scène pour expliquer mon sentiment d’indignation. Si j’ai voulu rendre visite aux leaders, c’est parce que je voulais m’enquérir de leur situation avant de me prononcer sur ce que j’ai vu.

Wal fadjri : Ousmane Tanor Dieng disait que les lacrymogènes ont été un plus dans son expérience d’homme d’Etat. Cela vous paraît-il une nécessité d'en passer par là ?

Sidiki Kaba : Lorsqu’on est au pouvoir, tous les actes qui violent le droit des citoyens doivent être évités. Car un jour vous pourriez en être victimes. Il n’y a que la démocratie qui protège. Ceux qui pensaient qu’il n’auraient jamais humé la fumée des lacrymogènes, qu’ils ne seraient jamais victimes des bastonnades des forces de l’ordre, qu’ils ne connaîtraient jamais la prison, comprennent que cela peut arriver à tout le monde. Il faut toujours créer les conditions de protection des citoyens dans le cadre d’un Etat de droit. En disant cela, Ousmane Tanor Dieng va peut-être intégrer cette expérience dans la manière de diriger l’Etat s’il est élu. Cela doit être une leçon partagée par tous, qu’il ne faudrait pas utiliser la violence parce qu’elle peut se retourner, un jour, contre vous.

Wal fadjri : Pensez-vous que les leaders de l’opposition devaient braver l’interdiction préfectorale ?

Sidiki Kaba : Il faut retenir que chaque fois qu’on évoque des formules lapidaires de risques de troubles de l’ordre public pour interdire une manifestation, c’est une façon illégale de violer le droit à la manifestation. C’est un droit inscrit dans la Constitution sénégalaise. Il ne faudrait pas seulement l’invoquer juste pour empêcher des citoyens d’exprimer librement leur désaccord avec un gouvernement.

Wal fadjri : Le front Aar Sénégal compte manifester ce vendredi. Partagez-vous son attitude de défiance devant l'interdit ?

Sidiki Kaba : Je crois que si l’opposition fait sa demande - c’est une simple déclaration qu’il faut faire - le gouvernement doit autoriser la marche et l’encadrer. Ce serait conforme au respect de la loi qui doit pouvoir se faire sans difficulté au Sénégal. Il ne sert à rien d’engager une confrontation qui peut déboucher sur une situation beaucoup plus grave. La dernière fois, ce sont des leaders de l’opposition qui ont été réprimés, cette fois cela peut être un nombre important de manifestants. Cela peut opposer des manifestants à des policiers. Il faut l’éviter parce qu’on serait entré dans la campagne qui démarre le 4 février 2007.

Wal fadjri : A la base de ces troubles, il y a le processus électoral dont l’opposition dénonce certains éléments. Pensez-vous qu'il se déroule normalement ?

Sidiki Kaba : Il y a des accrocs. D’abord la suppression du quart bloquant a été une alerte. Ensuite il y a eu l’augmentation du nombre des députés. Aujourd’hui on parle de l’instauration du Sénat. Ce sont des réformes qui vont tous dans le sens de réaliser les meilleures conditions pour que les élections tournent en faveur du parti dominant. Il y a eu des actes comme le décret qui a été attaqué au Conseil d’Etat, qui portent en eux l’illégalité parce qu’ils créent une discrimination citoyenne. Je pense qu’organiser des élections, c’est tenir compte de tous les éléments pour qu’il y ait à la fois un climat de paix et de faire en sorte que toutes les étapes soient marquées par la régularité afin que ces élections soient jugées comme transparentes, honnêtes et conformes aux principes de la démocratie.

Wal fadjri : Vous semblez dire que le président de la République a réparti sciemment le nombre des députés afin que les élections soient reportées.

Sidiki Kaba : Ce qui est certain, c’est que le Conseil d’Etat a dit qu’il y a eu une violation du droit. Les citoyens sénégalais doivent avoir la même représentation à l’Assemblée nationale, proportionnellement à leur population. Par exemple, si l’on dit qu’un député doit valoir trois cents habitants, ce principe doit être vérifié sur l’ensemble du territoire national. C’est cela l’enjeu du recours. Il est important d’instaurer ce principe d’égalité citoyenne dans l’acte, donc le décret que doit prendre le président de la République. Le Conseil d’Etat dit qu’il n’en fut pas ainsi. Je me fonde sur cet élément pour dire que lorsque des élections s’organisent, il faut justement prendre toutes les dispositions de manière à ce que tous les principes d’égalité,et tout ce qui permet d’avoir des élections sans contestation, soient respectés. D’autant plus que le chef de l’Etat, dans ses vœux à la nation, a dit qu’il ne fera pas moins de ce qui s’est passé le 19 mars 2000 qui est une belle victoire de la démocratie sénégalaise.

Wal fadjri : L’opposition a-t-elle fait le jeu du président de la République en attaquant le décret au Conseil d’Etat ?

Sidiki Kaba : Il y avait deux choix : laisser passer l’arbitraire qui vient d’être sanctionné ou fermer les yeux. Si on se soumet au premier choix, il faudra alors constater que des départements seront plus représentés que d’autres à l’Assemblée nationale. Je pense que l’exigence démocratique veut que le principe d’égalité soit vérifié sur l’ensemble du territoire national. Maintenant quelles sont les motivations de l’opposition ? Ce n’est pas cela qui nous intéresse en tant qu’organisation des Droits de l’homme. Ce qui nous intéresse, c’est que les citoyens, quels qu’ils soient, sentent, dans la cadre d’une République, cette égalité juridique. Ils doivent aussi sentir que le droit est pareil pour tout le monde, qu’il n’y a pas une distinction fondée sur l’origine, l’appartenance sociale, le sexe ou sur toute autre considération.

Wal fadjri : Les rapports de vos organisations membres basées au Sénégal laissent-ils penser que toutes les conditions sont réunies pour des élections libres, transparentes et démocratiques ?

Sidiki Kaba : Nous avons deux organisations membres au Sénégal qui sont l’Ondh et la Raddho. L’incertitude qui a plané sur l’organisation des élections législatives a alerté l’opposition, mais aussi tous les démocrates, parce qu’en 2006 des élections législatives devaient être organisées. Des inondations ont été invoquées pour les reporter et les coupler avec la présidentielle. Dans une démocratie, c’est illégitime et inacceptable. Le calendrier républicain doit toujours être respecté. Nul n’a une légitimité personnelle. La légitimité est celle qui est conférée par la confiance du peuple. C’est le peuple sénégalais qui a le pouvoir de valider le mandat de ses dirigeants. A date échue, il faut retourner vers ce peuple qui doit faire son choix librement et démocratiquement. A mon avis, cette épreuve démocratique doit être respectée par tous. Rien ne doit être fait pour reporter ou rendre ce rendez-vous hypothétique. Il faudrait créer toutes les conditions. Et la condition qui me paraît indispensable, c’est la paix. Un climat de peur et d’incertitude peut peser sur l’environnement social. Il faut éviter qu’il y ait des violences post électorales en raison des contestations qui peuvent intervenir. Donc l’Etat doit prendre toutes les mesures nécessaires pour que ces élections se passent dans les meilleures conditions de paix et de multipartisme.

Wal fadjri : Ces conditions sont-elles réunies ?

Sidiki Kaba : Le gouvernement du Sénégal l’affirme à travers des déclarations publiques. Mais le 25 février 2007 n’est plus loin. Nous serons édifiés. Nous espérons que cette élection présidentielle aura lieu. Il y a quinze candidats qui doivent sillonner le Sénégal dans la sérénité et la paix nécessaires à une expression libre des citoyens sénégalais.

Wal fadjri : Qu'avez-vous pensé de cette tentative de corruption du journal Le Quotidien ? On parle de deux cent millions avec lesquelles la présidence, par l’intermédiaire du ministre Thierno Lô, aurait voulu soudoyer Madiambal Diagne.

Sidiki Kaba : Il y a deux formes de menace qui pèsent sur la liberté de la presse : c’est la répression ou la corruption. La journaliste usse Anna Politkovskaïa a été assassinée le 7 octobre 2006 pour avoir dénoncé les dérives du régime de Poutine, particulièrement dans une région comme la Tchétchénie. Elle a permis de savoir les crimes à huis clos qui s’y passent. Il y a aussi la corruption qui permet de faire taire les journalistes sur les dérives qui existent dans un régime. Je crois que Madiambal Diagne a saisi l’organe chargé de lutter contre la corruption au Sénégal pour que la lumière soit faite sur l’allocation de cette somme d’argent qui lui était destinée. La lumière doit être faite parce que c’est une pratique qui n’est pas bonne et elle expose et le journaliste et son journal et bien évidemment le droit à l’information du peuple sénégalais.

Wal fadjri : Il y a également les 15 millions de dollars de Taïwan...

Sidiki Kaba : On en a beaucoup parlé. Je n’en ai pas la maîtrise pour n’avoir pas eu les dossiers entre les mains. Mais il faut tout simplement dire que la gouvernance politique va de paire avec la gouvernance économique. C’est fondamental. Le sentiment d’une bonne gestion des deniers de l’Etat est très important pour les citoyens pour qu’ils se disent que l’argent collecté en leur nom sert nécessairement leurs besoins.

Wal fadjri : Vous étiez l’avocat d’Idrissa Seck qui a bénéficié d’une liberté partielle. Où en est le dossier ?

Sidiki Kaba : Il faut rappeler que notre action dans ce domaine, c’est pour défendre les principes pour tout citoyen de pouvoir bénéficier d’une assistance juridique et judiciaire lorsqu’il y a des menaces qui pèsent sur lui. A l’époque le crime d’atteinte à la sûreté de l’Etat a justifié une grande mobilisation. L’article 80 a été à l’origine d'arrestations, dont le président a été lui-même victime et il avait promis de le supprimer du code pénal sénégalais. Pour moi, il y a une continuité dans le cadre d’une telle défense. J’ai défendu le président Laurent Gbagbo lorsqu’il était dans l’opposition. Lorsqu’il a lui-même violé les principes et les règles qui lui ont permis d’arriver au pouvoir, j’ai défendu les victimes de cette violation contre lui. Il en a été aussi pour Alassane Ouattara et d’autres dirigeants à travers le monde. Mais ce qu’il faut surtout retenir, c’est que la justice doit pouvoir faire son travail et que tout justiciable doit pouvoir bénéficier de la présomption d’innocence jusqu’à son jugement qui établit ou non sa culpabilité. Idrissa Seck a bénéficié d’un non-lieu partiel. Je pense que les commissions rogatoires ont terminé leur travail. Elles doivent prendre la décision finale. Mais comme il y a la présomption d’innocence, il en bénéficie. C’est ce qui explique que sa candidature à l’élection présidentielle n’a pas été rejetée par le Conseil constitutionnel.

Wal fadjri : On avait parlé de négociations, de protocole de Rebeuss. Etiez-vous au courant de tout cela ?

Sidiki Kaba : J’ai lu dans la presse que le président de la République a discuté avec Idrissa Seck. Ce sont des actions politiques. Ce qui m’importe, c’est quand il y a des violations de droits. En ce moment, nous faisons en sorte que la justice puisse prendre la décision qui sied sans que le droit soit violé. Les hommes politiques sont libres de leurs choix politiques qu’ils assument publiquement. A mon avis ces négociations concernent ces deux personnes qui sont en train de les mener.



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