Sortie du Président à La Voix de l'Amérique sur sa succession: La Société civile invite Wade aux civilités démocratiques

Le Président Wade veut se faire succéder. Dans une interview accordée à La Voix de l’Amérique, il détaille les critères de son futur successeur. Mais, selon des Organisations de défenses des droits de l’Homme, ce n’est pas au chef de l’Etat de désigner son successeur, car cette décision revient au peuple souverain.

La sortie du chef de l’Etat, Me Abdoulaye Wade, sur les ondes de La Voix de l’Amérique, dressant le portrait-robot de son successeur, soulève un certain nombre de bruit du côté des organisations de défense des droits de l’Homme. Selon le président de l’Organisation nationale des droits de l’Homme (Ondh), Assane Dioma Ndiaye, cette déclaration de Me Wade est très dangereuse pour la vie démocratique sénégalaise et constitue de ce fait une surprise pour tous les démocrates de ce pays. En effet, ajoute-t-il, ce n’est pas au président de la République de désigner son successeur. «C’est grave pour l’avenir du Sénégal. Il faut revenir aux fondamentaux de la démocratie et à l’Etat de droit. Dans notre pays, on revendique l’Etat de droit, mais on agit en monarque», lance Assane Dioma Ndiaye. Seulement, de l’avis de M. Ndiaye, cette sortie conforte surtout la position de ceux qui pensent que Wade veut se faire succéder par son fils Karim Wade. Ainsi, il appelle le Président de la République Abdoulaye Wade à clarifier sa position et de laisser le peuple choisir celui qui sera aux commandes, après son départ. Selon Assane Dioma Ndiaye, la déclaration de Me Wade jette le flou et conforte ceux qui disaient qu’il est en train de négocier sa succession avant la lettre. «Il est important que le Président sache qu’il appartient au peuple de désigner celui qui va diriger ce pays», précise-t-il encore. Pour Jacques Habib Sy de l’Ong Aide Transparence, ce n’est pas à Wade de juger et de déterminer les critères de son successeur. «Nous lui demandons tout simplement de créer des conditions pour qu’il y ait des élections à date échue, pour que cela se passe dans les règles de l’art», soutient M. Sy. Il y va donc de la stabilité du pays, relève-t-il. En effet, pour Jacques Habib Sy, de telles mesures pourraient mettre le pays sens dessus-dessous. Donc, pour le directeur de Aide Transparence, «Me Wade a intérêt à ce que sa succession se passe dans les règles de l’art pour éviter à son peuple des tensions dont pourrait découler la guerre civile, comme dans d’autres pays d’Afrique». M. Sy reste convaincu que cette déclaration fait partie des jalons posés par Wade pour faire de Karim un homme d’Etat. Pour lui, la thèse selon laquelle Wade veut se faire succéder par son fils Karim Wade n’est plus du domaine de la conjecture, mais de la réalité. «Il pose tous les jalons pour que Karim accède au pouvoir. Il a ainsi écrasé tous ceux qui pourraient constituer une entrave à cela. Il fait une campagne active à l’international pour que Karim apparaisse comme un homme d’Etat», estime Jacques Habib Sy. Sur les critères établis par Me Abdoulaye Wade pour son successeur et dont l’un est d’être un bon économiste, M. Sy rectifie : «Avoir des notions en économie et être issu de la nouvelle génération ne fait pas un bon chef d’Etat.» Cette position est soutenue par Alioune Tine de la Rencontre africaine pour la défense des droits de l’Homme (Raddho). M. Tine qualifie la déclaration du Président Wade de «spéculation politique». «C’est la volonté populaire qui va choisir son Président et Me Wade ne doit pas s’en mêler. Ce n’est pas quelque chose qu’on impose aux populations. C’est au peuple souverain de choisir dans la façon la plus libre celui qui est apte à diriger le Sénégal», lance Aliou Tine.
Au total, la sortie du Président Wade sur les ondes de La Voie de l’Amérique, concernant notamment les termes et critères de sa succession, rencontre un écho défavorable au niveau des défenseurs des droits de l’Homme.