Soutien à la GUINÉE : Me Wade envoie son émissaire au chef de la junte qui promet de “châtier” les prédateurs

Le président de la République, Abdoulaye Wade, a dépêché son ministre conseiller, Ahmed Khalifa Niasse, comme envoyé spécial auprès de la junte militaire au pouvoir en Guinée. M. Niasse a réitéré le soutien du président Wade et mis en garde contre toute ingérence dans les affaires de la Guinée. Le chef de la junte, le capitaine Moussa Dadis Camara, a, au cours d’une allocution, fait le procès sévère de l’entourage du défunt Lansana Conté et annoncé d’importantes mesures dont l’arrêt de l’exploitation des ressources minières. Il a également pourfendu la corruption et promis d’y mettre un terme.

AHMED KHALIFA NIASSE, EMISSAIRE DU PRESIDENT WADE EN GUINEE « Il n’est pas question qu’un pays quelconque s’immisce dans les affaires de la Guinée »

L’émissaire du président Abdoulaye Wade, le ministre conseiller Ahmed Khalifa Niasse, s’est rendu à Conakry, samedi dernier, pour transmettre le message du chef de l’Etat au président Moussa Dadis Camara, chef du Conseil national pour la démocratie et le développement (Cndd).

Me Wade avait apporté vendredi passé, depuis Paris, son soutien à la junte. « J’appelle tous les pays, notamment la France à ne pas jeter la pierre à ce groupe mais à les prendre au mot », avait dit Me Wade. « Le capitaine Camara m’appelle ’papa’ (...) C’est un jeune homme qui semble sincère », avait ajouté le président sénégalais.

Arrivé dans la matinée à l’aéroport de Conakry, l’envoyé spécial du président, Ahmed Khalifa Niasse, a été accueilli par des personnalités militaires et civiles à sa descente d’avion avant de s’entretenir brièvement avec le vice-président de la junte, Mamadou Camara, dans un salon de l’aéroport. Dans une salle portant encore l’effigie bien éclairée du défunt président Lansana Conté, le vice-président du Cndd a écouté son hôte renouveler le soutien de Me Wade à la junte. D’abord, Ahmed Khalifa Niasse a présenté ses condoléances avant de rappeler les liens unissant Me Wade à la Guinée. « Beaucoup ignorent que de son côté maternel, il a ses racines en Guinée », a révélé Ahmed Khalifa Niasse. Selon M. Niasse, « il n’est pas question qu’un pays quelconque puisse s’immiscer dans les affaires de la Guinée, ni militairement ni par mercenaires. Le Sénégal ne l’acceptera pas ».

Ahmed Khalifa Niasse a aussi révélé que le président Wade s’est entretenu avec le capitaine Moussa Dadis Camara vendredi dernier. Il a interpellé la rencontre entre le président Camara et les partis politiques, syndicats, Société civile, etc., comme une preuve que « l’objectif de l’Armée est de sauvegarder la paix » en Guinée. L’émissaire du président Wade s’est réjoui que les menaces terroristes qui planaient sur la Guinée soient aujourd’hui « levées ».

« Des peuples frères »

A sa suite, le vice-président du Cndd a fait comprendre à M. Niasse et à la délégation sénégalaise qu’ils son chez eux en Guinée. « Nous partageons votre sentiment pour la Guinée et votre émotion pour la perte du président Lansana Conté », a déclaré Mamadou Camara.

Revenant sur l’arrivée des militaires au pouvoir, il a déclaré : « nous voulons mettre en confiance l’opinion internationale ». Cependant, a-t-il ajouté, « il faut que le peuple ait son droit. Le pouvoir, nous le quitterons en 2010 ». Le vice-président du Cndd a fait savoir que la Constitution sera reprise avant de remercier le président Wade. « Les peuples sénégalais et guinéens sont des frères. Ce n’est pas un secret si vous êtes intéressés par les problèmes de la Guinée », a-t-il poursuivi.

Après cet entretien, Ahmed Khalifa Niasse et la délégation sénégalaise ont quitté l’aéroport pour se rendre au Camp militaire Alpha Yaya Diallo de Conakry.

Le camp grouille de monde, des centaines de militaires dont la plupart munis de leurs armes sont dans la cour. Après quelques minutes d’attente, la délégation sénégalaise accède au bureau sobre du chef du Cndd, le capitaine Moussa Dadis Camara. Juste une table, un lit de militaire, une armoire à dossiers, un plancher couvert d’un tapis. Le nouvel homme fort demande : « la presse sénégalaise est là ? » On lui répond par l’affirmative. Alors, il passe à la symbolique poignée de mains avec Ahmed Khalifa Niasse, l’autre main sur l’épaule de l’émissaire du président Wade. Un instant fixé par les caméras et photographes. MM. Camara et Niasse ont pris tout le temps nécessaire pour permettre aux objectifs d’immortaliser l’instant. Après ce moment, la presse laisse les deux hommes en tête-à-tête discuter des sujets importants. Dehors, tout le monde attend l’allocution du président Camara.

L’amphithéâtre devant abriter la sortie du président est plein à craquer, malgré la chaleur à l’intérieur. Finalement, pour des raisons de sécurité nous dit-on, le capitaine Camara fera son allocution à l’Ecole militaire inter-armes (Emia) qui se trouve dans le camp. C’est la ruée vers cet endroit situé à quelques mètres. La foule est canalisée dans la cour de l’établissement par des militaires parfois sur les nerfs. Le chef de la junte arrive sous les acclamations pour faire son allocution à partir d’un couloir transformé en la circonstance en tribune officielle pour les membres de la junte.

Dans nos prochaines éditions, nous vous ferons revivre notre journée du samedi à Conakry qui a vu ses habitants écouter religieusement le nouveau président déclamer ses ambitions et annoncer des mesures. Vous aurez aussi les réactions de l’opposition, de syndicalistes et de membres de la Société civile.

Moussa Dadis Camara « bloque » le secteur minier pour une révision des contrats

Très riche en ressources minières, la Guinée n’en est pas moins un pays très pauvre. Le chef de la junte au pouvoir a décidé, samedi dernier, de « bloquer » le secteur minier, de réviser le contrat du port de Conakry. Il a aussi parlé d’audits.

Le nouveau président guinéen, le capitaine Moussa Dadis Camara, a annoncé, samedi dernier, d’importantes mesures frappant le secteur minier désormais « bloqué », le Port autonome de Conakry, etc. « A partir d’aujourd’hui, on a bloqué le secteur minier. Il y aura une renégociation, une révision » des contrats, a annoncé le numéro un du Comité national de la démocratie et du développement (Cndd) au pouvoir depuis le décès du président Lansana Conté. Moussa Dadis Camara a donné en exemple l’exploitation de l’or en Guinée qui est aussi concernée par ces mesures. Evoquant les zones aurifères, il a annoncé que « les décisions sont déjà prises : plus d’extraction jusqu’à nouvel ordre » Ces importantes décisions ont été annoncées par le nouveau président après qu’il a rappelé que la Guinée est l’un des pays les plus riches en ressources naturelles au monde, mais qui tarde à se développer.

Le Port autonome de Conakry fait partie aussi des dossiers que la junte au pouvoir compte revoir, le capitaine Camara estimant que « l’affaire du port doit être révisée ». « Le contrat doit être révisé. Plus particulièrement, le parc container », a-t-il précisé. Le chef de la junte est convaincu que les membres de l’ancien régime avaient mal négocié ces contrats tout en y trouvant leur compte, au détriment du peuple de Guinée. « Tous ces contrats ont été mal ficelés. C’est pourquoi ils sont ajournés et annulés tout simplement », annonce-t-il, sous les applaudissements et cris approbateurs de la foule.

L’ambiance s’est électrisée lorsque le président guinéen a prononcé le mot « audit ». A peine Moussa Dadis Camara a-t-il sorti ce mot de sa bouche que les Guinéens ne l’ont pas laissé aller jusqu’au bout de sa pensée. Ce qui traduit une soif de justice et une volonté populaire de tirer au clair la gestion publique des équipes gouvernementales précédentes. Presque tout le monde s’est mis à répéter « audit ! audit ! audit ! » tout en applaudissant et en criant.

Par ailleurs, le capitaine Camara a promis que les sorties d’argent seront davantage contrôlées. D’ailleurs, ajoute-t-il, il compte responsabiliser le ministre des Finances et une commission de la Banque centrale de Guinée. « J’ai fait savoir au ministre des Finances qu’à compter de ce jour, aucun argent ne pourra être dépensé sans l’accord du CNDD », annonce-t-il

La gestion et la destination des projets ne laissent pas le chef de la junte indifférent, il a d’ailleurs promis de « retourner tous les projets en forêt ». « C’est terminé », a-t-il dit, sans appel. Les mesures de vigilance et de transparence promises par la junte n’épargnent pas les dons. Si l’on en croit le numéro 1 guinéen, « les dons de l’extérieur, il faudra une commission des intellectuels, de la Société civile. Aucun don ne pourra être mal utilisé ou utilisé à des fins personnelles sans informer le peuple », a promis le capitaine Camara.

LES RAISONS D’UN COUP D’ETAT SELON LE CHEF DE LA JUNTE : Sévère réquisitoire contre la corruption et l’entourage de Lansana Conté

L’homme fort du Conseil national pour la démocratie et le développement, le capitaine Moussa Dadis Camara, qui a pris le pouvoir en Guinée après le décès du président Lansana Conté, a expliqué, samedi dernier, à ses compatriotes, les raisons ayant poussé l’Armée à interrompre le processus de dévolution du pouvoir. Avant d’entamer son discours de près d’une heure, le capitaine Camara et la foule ont observé une minute en la mémoire du président Conté.

Moussa Dadis Camara s’est érigé en pourfendeur de la corruption et en défenseur des intérêts de son pays. Au cours de son adresse à l’assistance composée de chefs de partis politiques, de membres de la Société civile, de chefs religieux, etc., il a dénoncé vigoureusement la corruption. « Tous ces gouvernements qui ont entouré le chef de l’Etat, des ministres, ils ont pillé ce pays, ils ont fait des buildings, des comptes un peu partout », dit-il. a rassuré les Guinéens en rappelant les « ambitions » de la junte militaire. « On n’est pas venu au pouvoir parce qu’on a de l’ambition, on est venu au pouvoir pour sauvegarder l’intérêt de la Nation », a déclaré Moussa Dadis Camara, en présence des autres membres du Cndd.

Très régulièrement acclamé par la foule jusqu’à ce qu’il interrompe son allocation, le capitaine Camara a énuméré les raisons ayant poussé la junte à prendre le pouvoir. Il s’agit principalement de « l’incapacité, l’irresponsabilité notoires » de l’Assemblée nationale et du gouvernement, « la corruption ».

Moussa Dadis Camara a également évoqué le cas des parlementaires dont le mandat avait été prorogé. A son avis, l’Assemblée nationale a « refusé » d’organiser les élections législatives. Il a reproché aux gouvernants leur « faiblesse », d’avoir « provoqué la discontinuité de la survie de la Nation » et d’être responsables d’une « atmosphère de suspicion » et de « jouer la politique de Machiavel ». « Voilà les raisons qui nous ont poussé à intervenir le plus rapidement possible », a-t-il ajouté. « On n’est plus à l’époque du machiavélisme », ajoute le numéro un de la junte. Le nouveau président de la Guinée s’est adressé à ses compatriotes sans lire un discours, dans un français très accessible. « On n’est pas à l’heure de la démagogie, le discours ne vient pas profondément du cœur », lance-t-il à l’assistance. « On est des hommes pragmatiques, on n’aime pas la théorie. Je n’ai pas besoin de parler dans la langue de Molière, l’essentiel est de me comprendre. La langue de Molière, c’est pour les grands discours. On endormit la conscience des hommes. On n’a pas besoin des diplômes de Harvard, Cambridge et d’Oxford. On a besoin d’hommes patriotes », déclare le capitaine Camara.

(La suite dans notre édition de demain)