Sur RFI, Me Aïssata Tall Sall qualifie la GOANA « d’éléphant bleu qui ira rejoindre tous les cimetières des projets de l’alternance… »

Sur RFI, Me Aïssata Tall Sall qualifie la GOANA « d’éléphant bleu qui ira rejoindre tous les cimetières des projets de l’alternance… »Me Aïssata Tall, membre du bureau politique du Parti Socialiste réagit aux propos du Président Wade tenu à Paris, à propos de la situation politique sénégalaise. Elle pense que la GOANA « est un éléphant bleu… ».

RFI : Le Président Wade vient de lancer une Grande Offensive Agricole pour la Nourriture et l’Abondance (GOANA), est-ce que ce n’est pas une bonne nouvelle pour le Sénégal ?

Me Aïssta Tall : « Je suis désolée, je ne voudrais pas jouer à la Cassandre, mais ma conviction propre est que cette Grande offensive est encore un leurre de plus que le Président Wade offre au peuple Sénégalais. Je suis convaincue que c’est un éléphant bleu qui ira rejoindre tous les cimetières des projets de l’alternance depuis l’arrivée du Président Wade au pouvoir (en 2000, NDLR).

Abdoulaye Wade lance un appel au retour à la terre et il dit que beaucoup de Sénégalais ont déjà répondu à cet appel ?

Mais il y a déjà beaucoup de Sénégalais qui sont sur les terres et dans le domaine agricole, qu’Abdoulaye Wade n’a pas soutenu depuis 8 ans qu’il est là. Il a désarticulé l’arachide qui était le socle de notre agriculture, il a proposé X programmes, des plans bissaps, des plans maniocs, des plans maïs, qui ont tous successivement échoué...

…mais là il est concret, il dit : « je lance un appel à un fournisseur pour avoir toutes les semences nécessaires avant l’hivernage et je rembourse dans 6 mois ».

Il a lancé cette Goana sans s’assurer qu’il avait les semences, et c’est seulement maintenant qu’il réalise que ça ce sont les fondamentaux de l’agriculture et ce qu’on propose, c’est d’abord une vision, c’est-à-dire une politique agricole cohérente, qu’on ne dise pas que chaque année, il faut une nouvelle culture aux Sénégalais. Ça ne marchera pas. Donc, il faudrait que ce monde rural soit encadré, c’est maintenant que le Président Wade en parle. Il faut que ce monde rural soit soutenu en semence et en engrais. Lorsque nous étions aux affaires, il y avait au Sénégal un Institut Sénégalais de Recherche Agricole (ISRA), aujourd’hui, l’Isra est en faillite alors qu’il servait à fabriquer de la semence de qualité pour les paysans. L’agriculture, ce n’est pas de l’incantation, ce n’est pas de la théorie, c’est de la sueur et de la persévérance.

En marge de cette crise agricole, le Président Wade dénonce le fonctionnement budgétivore de la FAO et il demande même la suppression de cette organisation internationale ?

Je crois que c’est une mauvaise querelle qui est faire à la FAO, surtout quand on subodore que pour des raisons de politique intérieure au Sénégal que le Président mène ces attaques contre Jacques Diouf, Directeur Général de la FAO et qui est notre compatriote. LA FAO est une institution qui a peut être ces problèmes comme toutes les institutions spécialisées des Nations Unies d’ailleurs, mais qui remplit sa mission de façon honorable.

Vous dîtes que Abdoulaye Wade a sans doute des arrière-pensées politiques, est-ce parce que Jacques Diouf est proche de votre parti et qu’il pourrait peut-être apporter son expérience au Parti Socialiste dans les années à venir ?

Vous savez dans la situation actuelle où il est, Jacques Diouf est à la disposition de la communauté internationale, mais une fois son mandat terminé, que fera-t-il ? Mais c’est de sa liberté absolue, s’il a des convictions socialistes et qu’il vienne au PS, nous on ne dira pas non. Mais il est libre et je ne pense pas qu’on puisse sérieusement épiloguer sur ce qu’il fera après.

Parmi les sujets qui font polémique en ce moment, il y a le projet du Président Wade d’augmenter la durée du mandat présidentiel de 5 à 7 ans, alors vous protestez mais, est-ce que vous n’avez pas modifié vous-mêmes la Constitution à plusieurs reprises notamment sur cette question quand vous étiez aux affaires ?

D’abord ça nous a valu de perdre les élections, il ne faut pas l’oublier, et si le Président Wade modifie pour perdre les élections, nous sommes d’accord avec lui. Plus sérieusement, je pense qu’il faut quand même s’inquiéter de cette énième réforme de la Constitution. Parce que Wade, une fois arrivé au pouvoir, a promulgué une Constitution par la voie référendaire, c’est-à-dire en faisant appel directement au peuple. Que s’est-il passé entre le moment où le Président Wade a sollicité les suffrages du peuple sénégalais et aujourd’hui pour qu’on pense que nous devons quitter les 5 ans pour aller dans les 7 ans ?Rien, de mon point de vue, donc ce projet de modification constitutionnelle cache, à mon avis, une intention de politique politicienne, et comme cette intention ne nous est pas révélée, si le Président Wade recourt au référendum, et c’est la seule voie qui lui est autorisée, je demande que le peuple sénégalais le sanctionne.

Alors, vous dîtes qu’il y a calcul politique, mais pour autant, selon les proches du Président Wade, cette révision ne s’appliquera au mandat en cours ?

Justement, c’est là les raisons et le siège de mon inquiétude. Si cette modification ne s’applique pas au mandat en cours, qu’est-ce qu’il y a à se précipiter pour modifier cet article ? C’est justement une des raisons pour lesquelles, je pense qu’il y a anguille sous roche.

Quand vous dîtes anguille sous roche, voulez-vous dire que finalement ça pourrait s’appliquer au mandat en cours et reporter la prochaine présidentielle de 2012 à 2014 ?

C’est une des thèses qui est défendue, une autre thèse pense que ça aurait trait à sa succession.

Au Ps, vous savez vous opposer, on a vu la manifestation que vous avez organisée à Dakar, il y a deux semaines, mais certains disent que vous ne faîtes pas assez de propositions et que par exemple, les assises nationales que vous aviez promises pour la fin de l’année dernière, on les attend toujours.

Mais dire que le PS ne fait pas de propositions me fait un peu sourire. Justement, on nous faisait toujours passer pour une officine de consultation gratuite pour le Président Wade, mais pour en revenir aux assises nationales, parce que c’est une chose sérieuse qui requiert toutes les compétences sénégalaises, nous avons pensé qu’il ne fallait qu’on se précipite. Déjà, nous avons un Président pour ces assises nationales, M. Amadou Mokhtar Mbow qui est d’une renommée internationale…

…l’ancien D G de l’Unesco.

…l’ancien Directeur Général exactement et à la tête de chaque commission, nous avons un Sénégalais dont la rigueur et surtout l’expérience professionnelle sont reconnues à travers le monde. Je suis sûre que ces assises vont consacrer un tournant politique dans notre pays. Et nous sommes à la phase finale de mise en place de ces assises nationales.

D’ici la fin de l’année ?

C’est un bon timing, d’ici la fin, je pense que les assises auront lieu.

Transcrit par Sam Makka, correspondant permanent de Ferloo en France