SURNOMS DANS L’ESPACE POLITIQUE SENEGALAIS : Entre moquerie et admiration

À force de se frotter avec la politique, la quasi-totalité des hommes politiques sénégalais se sont fait coller un surnom. Les journaux satiriques et d’autres publications de la presse people sont passés par là. Une manière de mettre en relief leurs particularités physiques ou morales soit par admiration soit par moquerie.
 
En politique, on voit et entend tout. Tous les coups sont permis. Et quand on décide de se frotter avec ce milieu, on doit être capable d’avaler tout, non sans chercher les voies et moyens de mieux séduire, de mieux convaincre, malgré les défauts. Ce ne sont pas nos hommes politiques qui diront le contraire. Ils ont pris l’habitude  de se familiariser avec les surnoms qu’on leur donne par dérision et qui sont fondés sur quelque particularité du corps ou de l'esprit. Il a existé une coutume, dans les journaux satiriques sénégalais, consistant à donner des surnoms ou sobriquets aux personnalités politiques sénégalaises, spécialement celles qui sont au-devant de la scène politique. Il y a eu également des politiciens avec des surnoms qui ont dépassé le cadre satirique. Certains de ces surnoms sont des signes d'admiration ou d'affection, quant à d'autres, ils passent davantage pour de la raillerie. Ce sont en général des surnoms offensants, injurieux ou ridicules.  Les surnoms donnent toujours une idée sur la personne ciblée.
«Léo poète», ce très gentil surnom donné à l’époque par «le Politicien»  à Léopold Sédar Senghor, premier président du Sénégal, n’était pas trop méchant. Senghor était aussi appelé «le chantre de la négritude» pour son engagement littéraire dans la défense de la culture africaine. 
Selon le journaliste Pape Samba Kane, le président Diouf, dans les colonnes du journal «Le Politicien» avait été surnommé «Ndjamala» du nom de la girafe en wolof. Il était également «Bourba Diouf». Et dans «Le Cafard Libéré» Abdou Diouf était surnommé «Ndiol», en référence à sa grande taille. «Ce surnom a même débordé du cadre de la presse car certains chefs d’Etat amis s’amusaient à le lui coller».  Me Abdoulaye Wade, surnommé «Ndiombor» par feu le président Léopold Sédar Senghor, est décrit par celui-ci comme un homme rusé en politique. Un homme capable de manœuvrer pour arriver à ses fins. Et Senghor ne s’était pas trompé. La preuve, Me Wade est incontestablement «une bête» de la politique. «C’est un monument de la politique», explique le politologue, Babacar Justin Ndiaye. «Laye-la-science» a été aussi l’un des surnoms de l’actuel président de la République. À Me Wade, on a également donné un autre surnom : «Gorgui». Cela, par rapport à son l’âge, à sa sagesse. Et surtout parce qu’il est aujourd’hui le dernier des dinosaures politiques sénégalais en activité.
Me Wade est l’homme politique sénégalais qui a «récolté» le plus grand nombre de surnoms dans la scène politique nationale. «Télé-Toukki-Touba» ou «TTT» (par opposition au président malien «ATT» Amadou Toumani Touré). Un surnom qu’il a eu au début de l’alternance et qui fait allusion à ses multiples voyages que la télévision nationale ne manque pas de montrer tous les soirs à l’écran. Wade porte également le surnom de «Mor Ndajé» (quelqu’un qui est présent partout et qui est dans toutes les sauces). Une personne qui se fait passer pour un fin connaisseur. Celui qui détient tout le savoir.
L’ancien Premier ministre Habib Thiam a eu le surnom de «Ben Jonshon» parce que son retour aux affaires avait coïncidé avec l’avènement de ce sprinter hors du commun.
Jean Colin, à cause de ses initiales, avait été surnommé «Jésus-Christ ou JC».

Surnoms  chahuteurs ou sympathiques
Les présidents de l’Assemblée nationale ont eu des surnoms assez chahuteurs ou sympathiques. Ainsi feu Daouda Sow avait été surnommé «David La bonhomie» à cause de sa nonchalance.
Cheikh Abdoul Khadre Cissoko quant à lui a été surnommé «Cheikh Criquet» à cause de la farouche bataille qu’il avait menée à l’époque en tant que  ministre de l’Agriculture contre cet insecte qui avait envahi les cultures, créant d’énormes soucis aux paysans. Certains de ses amis au plan international aimaient bien le taquiner et certains lui avaient même fait don de «criquet en cristal et en or», confie M. Kane.
Il y a eu le célébré surnom «Djibo Von Barkédji» collé à Djibo Leïty Kâ que les journalistes satiriques trouvaient très «martial». Il portait aussi le surnom de «Djibo bla-bla» parce qu’il «blablatait» beaucoup, dit-on. En plus du surnom «Leconte de Thiargny», son village natal, Djibo Leïty Kâ avait été surnommé «Peulh Bu Raffet» pour évoquer «sa beauté».
«Ndamal Kadior» est le surnom que le  «Cafard Libéré»  avait donné à Idrissa Seck quand il était dans l’opposition. Contrairement à Me Abdoulaye Wade dont le surnom «Ndiombor»  découle de son parcours politique, le surnom «Mara» collé à Idrissa Seck, son ex-Premier ministre, est antérieur à son entrée en politique. Ce surnom, révèle-t-on, a été donné à Idrissa Seck pour faire allusion à sa parfaite maîtrise du Coran depuis sa tendre enfance. Quant au sobriquet «Ngorsi», il démontre comment l’homme, à l’image de son maître Abdoulaye Wade, est capable de faire mal en politique. Un fin tacticien en politique, un «manipulateur».
Moustapha Niasse a été surnommé «Battling Niasse», en référence à Battling Siki, le  boxeur français originaire de Saint-Louis. Ce surnom lui avait été donné par le journal «le Politicien» après qu’il eut boxé, à l’époque,  Djibo Leïty Kâ, lors d’un Conseil des ministres, sous Diouf.
 
Des piques
Ousmane Tanor Dieng avait été surnommé Jaruzelski, général polonais qui avait fait à l’époque un coup d’Etat ; il avait un air très sévère et portait des lunettes fumées. «Et comme Ousmane Tanor Dieng portait toujours à l’époque des lunettes fumées et ne desserrait pas les dents, on lui avait donné le nom de ce général polonais», révèle Pape Samba Kane. D’autres personnes de son entourage appelaient également l’actuel secrétaire général du Parti socialiste (Ps) «Harpagon», du nom du personnage avare dans la pièce de Molière. Cela pour qualifier Tanor de «pingre».
Iba Der Thiam n’a pas été raté par les journaux satiriques qui lui ont trouvé les surnoms de «Démagogue», «Der-la-science». Il en a eu pour son grade.
Pape Samba Mboup est surnommé «Alfred», en référence au réalisateur, scénariste, producteur et acteur de cinéma anglais, naturalisé Américain, Sir Alfred Hitchcock (né 13 août 1899 à Leystone, au Royaume-Uni et décédé le 29 avril 1980 à Los Angeles, aux Etats-Unis). Mais l’autre surnom de Pape Samba Mboup que la presse a inventé et vulgarisé, c’est «Rex», le chien qui l’aurait mordu le jour où Talla Sylla a été agressé.
Thierno Lô, l’homme de Darou Mouhty et non moins rival politique de Modou Diagne Fada, a fini par se faire un nom en politique. «Zidane» comme l’appellent certains de ses compatriotes sénégalais en référence au célèbre footballeur français Zinédine Zidane à la calvitie légendaire, a beaucoup fait parler de lui dans son terroir. 
Aïda Mbodj, actuelle maire de Bambey, à cause de ses sorties sarcastiques, a fini par subir l’effet boomerang. Elle se retrouve aujourd’hui avec le surnom «Fantômas» qu’elle collait à Abdoulaye Wade alors dans l’opposition. Elle a réussi la prouesse de susciter à l’époque chez beaucoup de Sénégalais la curiosité de découvrir cette série et le personnage diabolique de Fantômas, un personnage de fiction créé en 1911 par Pierre Souvestre et Marcel Allain. Appelé également le «génie du crime», Fantômas se dit le «maître de tout et de tous». C'est le plus grand criminel de tous les temps qui n'hésite pas à torturer et à tuer pour arriver à ses fins. Son seul point faible est sa fille Hélène, la fiancée de Fandor. Il a également une très grande intelligence. «Big Dansk» est l’autre nom d’Amath Dansokho, secrétaire général du Parti de l’indépendance et du travail (Pit), renvoyé à son idéologie  communiste, mais aussi à sa masse musculaire, sa taille.
Le président du Sénat, Pape Diop, quant à lui, se voit coller le surnom de «Daguit» pour sa petite taille.
Karim Wade appelé «Le Prince», «teint clair» ou  «l’héritier du Pape du Sopi» est omniprésent aujourd’hui dans l’entourage présidentiel. «Rimka», comme on l’appelle également dans un langage argot ou familier, se fraie petit à petit un chemin en politique pour tenter de succéder à son père à la tête de l’Etat, même s’il est combattu de part et d’autre par rapport à ses ambitions politiques.
Mata Sy Diallo a eu «Mata Kiri» comme la « vache qui rit ». La dame de fer de l’Alliance des Forces de progrès (Afp), Mata Sy Diallo, porte aussi le surnom de «La lionne du Ndoucoumane», à cause de sa bravoure, ses qualités de battante.
Feu Mantoulaye Diène, ex-ministre de l’Action sociale sous Diouf, qui portait le surnom de «Mantou Kadior», était un personnage très présent dans les colonnes des journaux satiriques.
Mamadou Lamine Loum et Pape Ousmane Sakho, quand ils étaient aux affaires, avaient hérité des surnoms «Laurel et Hardy», deux comiques formant un couple célèbre qui avait fait rire beaucoup de monde