Le pays d’Afrique de l’Ouest a mis en place une politique volontariste de lutte contre le tabac. Des efforts qui, en termes de taxation, de publicité ou encore de traçabilité, sont alignés sur les recommandations de l’OMS, lui valant les félicitations de l’institution.
Un prix pour récompenser l’engagement exceptionnel d’un pays contre le tabagisme. À l’occasion de la Journée mondiale sans tabac, le 4 juin dernier, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a décerné à la Côte d’Ivoire le «?Prix OMS Antitabac?». Une distinction prestigieuse, qui honore plus précisément le Programme national contre le tabagisme, l’alcoolisme et les autres addictions (PNLTA) mis en place par les autorités ivoiriennes depuis 2001, ainsi que le Dr Brou Dieudonné Koffi, expert ivoirien de la lutte contre le tabac.
Des efforts payants
Présent lors de la cérémonie, le ministre ivoirien de la Santé, Pierre N’gou Dimba, a estimé que la remise du prix de l’OMS est une «?reconnaissance majeure de nos efforts soutenus et de notre engagement exemplaire dans la lutte contre le tabagisme, ce fléau mondial qui cause des millions de décès prématurés chaque année?». Depuis plusieurs années en effet, la Côte d’Ivoire a instauré un certain nombre de mesures volontaristes dissuadant l’usage du tabac : interdiction de fumer dans les espaces publics, introduction de l’emballage neutre, interdiction de la publicité pour les produits du tabac, etc. Un effort qui s’inscrit aussi dans la volonté d’Alassane Ouattara de protéger durablement la santé publique.
Mettant en œuvre la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac (CCLAT), le PNLTA coordonne pour sa part les activités de lutte contre le tabagisme sur l’ensemble du territoire ivoirien. Conjuguant les aspects préventif, curatif et de recherche, le programme offre aussi une prise en charge multidisciplinaire, en associant personnels de santé, psychologues, services sociaux, ONG, services du ministère de la Santé, etc. Le PNLTA a également la charge de la formation du personnel médical sur ces enjeux de santé publique. Enfin existe au CHU de Cocody, en périphérie d’Abidjan, une unité d’aide au sevrage tabagique, qui d’après le Dr Ernest Zotoua, le directeur du PNLTA, est «?un centre de référence pour ceux qui ont échoué ailleurs?».
Autant d’efforts qui sont couronnés de succès. Grâce aux mesures mises en place par le gouvernement ivoirien, la prévalence tabagique est passée de 14,6 % à 8,6 % dans la population générale, et de 13,7 % à 4,5 % chez les jeunes âgés de 13 à 15 ans. Ce faisant, la Côte d’Ivoire s’impose comme un «?bon élève?» de la lutte antitabac en Afrique, un continent où 77 millions de personnes fument encore et où la prévalence tabagique des jeunes (de 11 à 17 ans) est, par exemple, de plus de 17 % au Zimbabwe et de 10 % en Mauritanie. Le prix de l’OMS est donc, selon un représentant de l’institution, «?le résultat de tous les ambitieux efforts déployés pour la mise en œuvre du dispositif réglementaire et législatif de la lutte antitabac?».
Des efforts ambitieux dans le domaine de la traçabilité du tabac
Parmi ces efforts, la mise en œuvre, dans le cadre du PNLTA, du Protocole de l’OMS pour éliminer le commerce illicite du tabac tient une place prépondérante en Côte d’Ivoire. Ce protocole est une priorité pour l’OMS, alors qu’environ 10 % du marché mondial des cigarettes est illicite et que les majors du tabac eux-mêmes sont soupçonnés d’entretenir ce trafic. C’est dans ce cadre qu’en octobre 2024 le gouvernement ivoirien a adopté un décret approuvant un contrat de partenariat public-privé portant sur un système d’identification, de traçabilité et d’authentification des produits du tabac.
Imaginé et déployé par l’entreprise suisse SICPA, l’un des leaders du secteur, ce système s’inscrit pleinement dans le premier protocole de la CCLAT, en vertu duquel les pays signataires s’engagent à prendre des mesures strictes pour réduire la consommation de tabacs. Le système imposé par les gouvernements oblige d’apposer sur les paquets de cigarettes des timbres d’authentification hautement sécurisés dotés de codes d’identification uniques par unité de produits pour la traçabilité digitale, permettant ainsi de contrôler la chaîne d’approvisionnement et de mieux lutter contre la fraude et la contrefaçon. Une manière d’entraver la contrebande de produits, qui contribue à attirer ou maintenir dans l’addiction tabagique des millions de fumeurs, en Afrique comme ailleurs « Ce leader mondial de la traçabilité a reçu un satisfecit des plus grandes institutions internationales, comme le Fonds Monétaire International (FMI) ou la Banque mondiale, pour ses technologies en faveur de la baisse du commerce parallèle et de la hausse des recettes fiscales », explique l’AfricanTobacco Control Alliance (ATCA), l’une des principales organisations africaines antitabac.
L’exemple brésilien hier, ivoirien aujourd’hui??
Pour l’OMS, la Côte d’Ivoire s’est érigée en modèle de transparence et d’efficacité pour les États africains. Inspirant pour ses pairs du continent, le pays d’Afrique de l’Ouest suit lui-même la voie tracée par d’autres pays en développement, comme le Brésil. Le géant d’Amérique du Sud a lui aussi adopté une stricte législation (augmentation des taxes, interdiction de la publicité, etc.), qui a fait chuter la prévalence du tabagisme de 35,4 % en 1989 à 16,8 % en 2010 et sauvé la vie de quelque 420?000 personnes. Il avait servi de modèle aux équipes de l’OMS pour concevoir un système de traçabilité totalement indépendant des intérêts des majors du tabac - le point le plus crucial pour la réussite de ces programmes de lutte contre les trafics. Un exemple que semble suivre l’ensemble du continent africain.
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