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Politique

THIERNO LO « Perdre les villes les plus importantes du Sénégal, c’est un signal très fort »

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THIERNO LO « Perdre les villes les plus importantes du Sénégal, c’est un signal très fort »

Le régime doit accepter en toute responsabilité qu’en perdant Dakar et les principales villes du pays, elle a perdu quelque chose de très important. C’est l’avis de Thierno Lô qui rame à contre courant de ses « frères » qui semblent minimiser la portée de la victoire de l’opposition dans plusieurs localités. Analysant la déroute de Sopi 2009, l’ancien ministre de l’Environnement indexe les mauvaises investitures, résultats du lobbying, de la suffisance et de l’arrogance de certains membres de la commission. Aussi, il note comme autres facteurs de la défaite, les dérives et agissements de certains maires, Pcr et personnalités du régime. Réclamant aussi bien des sanctions positives que négatives, Thierno Lô est d’avis que ceux qui ont fauté doivent céder la place à d’autres. S’agissant du retour de Idrissa Seck, Thierno Lô dit craindre le retour de la dualité au sommet de l’Etat, du moment que l’ex-numéro 2 du Pds a clairement dit qu’il veut être le quatrième Président du Sénégal. Quant à un éventuel gouvernement d’union nationale, le responsable libéral de Darou Mousty n’y croit pas, du fait de la crise de confiance entre l’opposition et le chef de l’Etat et des positions fixes de Niasse et Cie, revigorés par les résultats des locales et voulant pousser les libéraux à la sortie. D’ailleurs soutient-il qu’un gouvernement d’union nationale plomberait davantage la marche du pays, en ce sens qu’il sera un gouvernement de tiraillements et de recherche de moyens en direction de 2012.

L’As : La coalition Sopi 2009 a perdu beaucoup de localité, êtes-vous surpris par cette contre-performance de votre camp ?

Thierno Lô : Franchement, je n’ai pas été surpris par ce qui est arrivé, parce que j’étais dans le système. Nous avons au moment des investitures, confié à certaines personnes qui n’ont pas démérité la charge, mais, qui ont laissé certains dans le dispositif se comporter comme de manière à vouloir créer un parti dans le parti. Cela, pour essayer de trouver des possibilités de repositionnement personnel. Etant dans le dispositif, j’entendais les discussions de couloirs. Je voyais comment le lobbying triomphait par rapport à la compétence. J’ai écouté particulièrement des gens qui étaient dans le dispositif et qui avaient fait preuve de suffisance, d’arrogance en soutenant que les choses allaient se dérouler comme ils le désiraient au niveau de leurs localités. A certains, j’avais répondu à un moment donné qu’ils allaient vers la catastrophe, car ayant mis aux devants des gens battus lors des dernières élections ou rejetés par les populations. Cela en laissant en rade, et de manière délibérée, des personnes qui ont un grand coefficient. Pour un problème de leadership local, un problème de représentativité, un problème d’honneur tout court, quels que soient l’amour et le respect que ces gens frustrés portent au président de la République, ils allaient montrer aux frères responsables qui leur faisaient savoir qu’ils ne représentaient rien, quel était leur véritable pouvoir. Cela nous a coûté les votes-sanctions. Il faut le dire, ce sont les gens du Sopi qui ont sanctionné les listes du Sopi.

Vous indexez trop les investitures. Ne pensez-vous pas que les populations ont aussi sanctionné la mauvaise gestion et les comportements de certains maires et Pcr libéraux ?

Nous devons nous, en tant qu’acteurs, avoir le courage de dire ce que nous avons constaté et pourquoi nous en sommes arrivés là. Plusieurs fois, nous avons essayé, avec humilité, d’attirer l’attention du Président et de ceux avec qui nous partageons le gouvernement de l’alternance, sur les dérives, comportements et agissements qui étaient de nature à perturber l’action du chef de l’Etat et à décevoir les masses. Nous avons parlé de l’arrogance ; nous avons parlé du manque de solidarité ; nous avons souligné les dérives. Malheureusement, nous n’avons pas été entendu. On a pris des gens qui avaient failli, qui avaient laissé les populations dans le désarroi, qui ont été mêlés à des problèmes fonciers et à des problèmes de malversation pour en faire les conducteurs des listes de la coalition sopi 2009. Or plusieurs fois, les populations ont montré, par la presse, par des marches, par des brassards rouges, que ces gens-là n’étaient plus porteurs d’espoir.

Certains attribuent à la génération du concret une part de responsabilité dans le camouflet. A votre avis, quelle doit être aujourd’hui l’attitude du Pds face à ce mouvement ?

Ce que je savais de ce mouvement, c’est que c’était un groupe de jeunes qui voulaient innover dans le domaine des infrastructures. Mais du moment où ils avaient fait de grandes choses, l’appétit venant en mangeant, ils ont eu l’ambition de se positionner politiquement et d’aller à la conquête du pouvoir. C’est leur droit le plus absolu. Cela ne me dérange pas, à condition que ça se fasse par les voies démocratiques et dans le cadre du parti. C’est moi qui ai rédigé le texte qui disait à l’époque que toutes les forces émergentes autour du Pds doivent intégrer le parti pour que nous soyons cohérents par rapport à l’envie du Président de créer une majorité très forte. Parce qu’il y a incohérence à vouloir faire revenir des gens comme Jean Paul Dias, Me Doudou Ndoye, Me Massokhna Kane, Idrissa Seck et en même temps permettre qu’une autre force puisse exister parallèlement, pilotée par des membres du Pds ? Cela prolonge le discours sur la monarchie, crée des incohérences dans la marche du Pds et entraîne une confusion de rôles. Finalement, c’est une association qui s’occupe d’autres choses que d’une association. Nous avions eu le courage de tenir une conférence de presse et dire que la Gc doit émerger en même temps que toutes les autres forces du Pds pour plus de cohésion. Si cela était fait nous aurions réglé beaucoup de problèmes. Et le Pds serait aujourd’hui un appareil très fort, qui n’aurait pas connu les déboires que nous venons de vivre.

Malgré ces déboires, du côté de la mouvance, on a tendance à banaliser en affirmant que le pouvoir reste majoritaire dans le pays. Partagez-vous cette lecture ?

Il est vrai que nous restons majoritaires, car nous contrôlons la majorité des collectivités locales. Mais je pense que nous devons accepter en toute responsabilité, que nous avons perdu quelque chose d’important. Quand vous perdez les villes les plus importantes du Sénégal, c’est un signal très fort. Parce que quand le Pds avait gagné Dakar, ça a été la rampe de lancement qui a permis à Me Wade d’avoir les leviers et les mécanismes qu’il fallait pour prendre le pouvoir. Nous ne devons pas négliger ce qui est arrivé. Me Wade doit se dire maintenant qu’il est le Président de tous les Sénégalais et que s’il a été élu, c’est pour répondre à leurs préoccupations.

Le Pds va certainement vers une réorganisation. Comment pensez-vous qu’elle doit se faire ?

Je pars du postulat que quand des gens occupent des fonctions politiques : les investitures, l’administration du parti, la communication, les conseillers qui devaient permettre au Président de faire les meilleurs choix possibles, et que l’on constate qu’il y a échec, on ne peut que le leur imputer. Qu’on fasse un diagnostic sans complaisance. Dans une équipe, s’il y a des joueurs essoufflés, qui ne permettent pas à l’équipe de gagner, il faut les changer et mettre d’autres, afin d’atteindre d’autres performances. Il y a des postes qui ont été occupés au sein du Pds et qui ne l’ont pas été sur des modes électifs. Il y a eu des promotions qui ne sont pas basées sur le mérite, mais sur le vouloir et la confiance du président de la République. Mais aujourd’hui qu’il y a évaluation d’actions, de bilan, et que les gens qui étaient bénéficiaires de confiance ont échoué, je pense que nous devons pouvoir les rétrograder et regarder dans le réservoir de ressources humaines autour du Chef de l’Etat, d’autres compétences capables de prendre le relais. Ma conviction est qu’un appareil qui regorge de compétences, de personnalités, ne doit pas tourner autour de cinq ou dix personnes qu’on recycle ou qu’on laisse avec les mêmes responsabilités. Les gens qui ont fauté doivent céder la place à d’autres personnes, dans le cadre d’une forme de réorganisation. Mais en sanctionnant, il faut qu’on évite de pousser les gens à sortir du Pds, ou à pousser leur électorat à faire d’autres choix. Nous devons arriver, au Pds, à fonctionner comme fonctionnent partout ailleurs les partis. C’est-à-dire dans la démocratie. Mais malheureusement, au Pds, beaucoup n’ont pas de comportements démocratiques. Dès qu’on démet quelqu’un, on le considère aussitôt comme un ennemi ou il quitte le parti.

Le retour de Idrissa Seck est quasi-certain. Quelle est votre opinion sur la question ?

J’ai une crainte. Si aujourd’hui, on doit mettre un schéma qui nous ramènerait à la dualité au sommet de l’Etat, nous n’en voulons pas. Nous attirons l’attention du Président là-dessus. Ce qui est d’autant plus inévitable, qu’en se référant à l’actualité politique, on voit que certaines personnes ont clairement décliné leurs ambitions d’être des présidents de la République. Par exemple, Macky Sall a dit qu’il veut être président de la République. Idrissa Seck dit : je veux être le quatrième Président du Sénégal. Donc j’estime que si on ramène ces gens autour du Président, il aura à ses côtés des concurrents directs, s’il doit se représenter. A ces côtés, ils vont s’occuper à mettre en place des mécanismes pour leur accession à la magistrature suprême en 2012. Toutes les actions politiques qui vont être menées seront des actions de reconfigurations. Les gens, se disant que le président de la République va arrêter en 2012, iront se ranger autour de la personne qui semble être choisie. En ce moment, on aura un camp pour le vice-président et un autre camp de fidélité qui ne se départira jamais du président de la République. Et si l’on n’y prend pas garde, les querelles politiciennes qui s’ensuivront vont encore nous retarder par rapport aux travaux à faire dans les trois ans et nous éloigner des préoccupations des populations.

Aujourd’hui, un nouveau gouvernement s’impose. A votre avis comment doit se faire cette recomposition gouvernementale ?

Il n’est pas de mon ressort de former un gouvernement, mais je peux parler des principes généraux. Il faut que le Président rassemble toute la famille libérale comme il l’a dit. Il faut également qu’il y associe toutes les ressources sénégalaises. Mais il doit régler une question de taille.. C’est-à-dire affirmer clairement dès le début qu’il est le patron de tous. C’est-à-dire, faire de telle sorte qu’il n’y ait pas de possibilité que des gens se positionnent après lui. Car certains vont venir pour régler des comptes et d’autres pour chercher les ressources pour 2012. Et encore une fois c’est le peuple qui va payer. Et le peuple ne l’entendra pas de cette oreille, même s’il a confiance au Président. Et c’est ce que le président de la République va sortir comme solution qui lui permettra, soit de reprendre les choses en main, soit de laisser le navire couler. C’est un choix politique qu’il faudra faire. Le Président a sa majorité ; il a les Sénégalais ; il a parcouru le pays ; il a écouté ; il a vu. Dès lors, il peut faire une recomposition la plus intelligente possible, pour que nous puissions faire face. Parce que la vie politique est un éternel combat.

Selon vous, devrait-t-on aller à un gouvernement d’union nationale ?

Un nouveau gouvernement, oui, mais un gouvernement d’union nationale, ce n’est pas possible à mon avis. D’abord pour la bonne et simple raison qu’il y a un problème de confiance entre l’opposition et le président de la République. Ensuite, l’opposition sortie revigorée des élections locales, sachant qu’elle est en bonne voie pour nous pousser vers la sortie, ne voudra jamais gouverner avec nous. Surtout qu’elle sait que le Sénégal va être dans une campagne électorale permanente. Il y a enfin, le discours des leaders de l’opposition. Vous avez vu les sorties de Bathily, de Moustapha Niasse, de Tanor, après le discours du chef de l’Etat, refusant le statut du chef de l’opposition et remettant sur la table le problème de la légitimité du président de la République, en disant que le fichier n’était pas bon et qu’ils considèrent jusqu’à présent que l’élection de 2007 n’était pas transparente. Donc ces gens sont toujours sur les mêmes positions et ne veulent pas être aux côtés du chef de l’Etat. En dehors de ses considérations, je suis convaincu qu’un gouvernement d’union nationale n’aidera pas les Sénégalais. Parce qu’il va être un gouvernement de tiraillements, de positionnement et de recherche de ressources en direction de 2012.



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