Le brusque retour de Me Abdoulaye Wade devant les caméras et les micros,
60 jours après sa défaite (25 mars- 25 mai) a fait l’effet d’un coup de
tonnerre dans un ciel post-électoral, jusque-là, sans gros nuages. Pourquoi ce
soudain avis de tempête découlant d’une météo politique subitement en
folie ? Parce que les lendemains de la seconde alternance par les urnes –
après celle de 2000 – affichent une couleur inédite. Ni syndrome Senghor, ni jurisprudence
Diouf. On assiste plutôt à la posture (embusquée) d’un Wade qui innove par
rapport à ses prédécesseurs ; mais enquiquine son successeur.
En effet, le troisième Président du Sénégal indépendant a étonnamment
fait le choix de relever le défi de l’émigration forcée ou volontaire de ses
deux prédécesseurs dont l’un avait été électoralement battu ; tandis que
l’autre s’était auto-congédié en allant délibérément au repos. Une rupture dans un continent où le
flux migratoire des chefs d’Etat destitués
par les urnes ou les armes, reste tristement ininterrompu. Le dernier Président
éliminé et…émigré étant ATT.
Une exception sénégalaise en gestation aux côtés des vieilles
exceptions du Cap-Vert, de Maurice et des Seychelles. En somme, un pari
vraiment pionnier : Wade veut retrouver une vie de citoyen et de politicien
sans transiter par la prison (cas du Général Moussa Traoré) ni diriger une
organisation internationale (exemples d’Alpha Oumar Konaré et d’Abdou Diouf).
Le futur immédiat édifiera les Sénégalais sur les lendemains calmes ou
turbulents d’une option, de prime abord, à haute teneur patriotique.
Ce choix sans précédent induit-il une posture de noblesse ou une source
de remous sur l’échiquier politique ? Les deux. Car chez le dinosaure
Wade, il est impossible de dissocier la ruse achevée, de la recette éprouvée. Tellement
le leader du Pds fait figure de bretteur chez qui, la pause précède la
profusion d’attaques. A cet égard, sa doctrine s’apparente à celle du Général
Haim Bar-Lev ex-commandant des troupes israéliennes, le long du canal de
Suez : « J’arrive sur le front
sans aucun plan ; mais la moindre erreur de l’ennemi devient ma planche de
salut ».
Manifestement, le vaincu Abdoulaye Wade est allé dans son manoir de
Fann, sans aucun plan de contre-attaque dans la serviette de son aide de camp.
Presque affalé et enseveli dans l’abattement. Mais ses réflexes d’increvable
combattant l’ont vite aidé à scruter et à exploiter les moindres brèches de la
conjoncture. Parmi celles-ci, l’impératif des audits transformé maladroitement,
par les vainqueurs du 25 mars, en chiffon rouge gauchement agité (avant l’heure)
devant un taureau noir. Une aubaine qui a permis au virtuose Wade de réaliser
un numéro de haute voltige politique à l’issue duquel, il garde encore le
monopole de la contre-offensive face à un gouvernement confiné derrière des
lignes de défense mal fortifiées. Coup de théâtre, le gouvernement – comme
éperonné par la sortie surmédiatisée de Wade – a maintenant saisi le taureau
par les cornes en vue de le terrasser judiciairement.
L’échographie du « Wade man show » – pour emprunter l’expression
mi-critique et mi-admirative du journal L’Observateur,
dans son édition du samedi 26 mars – permet de cerner les motivations de
l’ex-locataire du Palais de Roume, d’identifier les ressorts d’une relation
complexe entre les vainqueurs et les vaincus du second tour, d’inventorier
leurs états d’âme respectifs et enfin d’envisager les perspectives du
quinquennat naissant de Macky Sall. A ce propos, les thèmes et les arguments de
Wade sont aussi intéressants à passer au crible que les réactions et les
justifications jaillies de l’autre côté de la barrière.
Le besoin de rompre le silence a été plus fort que la capacité de le
garder chez Wade, compte tenu des critiques qui n’ont baissé ni en intensité ni
en nombre. Indiscutablement, l’ancien Président de la république a droit à l’appréciation
de l’action gouvernementale. Et sur ce chapitre, les choses sont allées
d’autant plus vite que le gouvernement a commis une hérésie en multipliant les
discours sur les audits. Or, discourir sur les audits n’est pas auditer. En
revanche, c’est donner l’occasion au candidat malheureux (Wade) de monter sur
ses grands chevaux, pour dénoncer l’acharnement, la calomnie et le procès en sorcellerie
contre lui et les cadres de son parti. Bref, c’est filer le beau rôle à celui
qui en cherchait. Et n’en espérait pas de sitôt.
Il s’y ajoute que les choses ne marcheront pas comme sur des roulettes.
Aucune des institutions ou des juridictions
de la panoplie existante ou en voie de création (Cour de répression de l’enrichissement
illicite ou organisme chargé de punir les crimes économiques et financiers etc.)
ne saurait instruire une affaire censée impliquer un ministre dans l’exercice
de ses fonctions. Pour cela, la voie royale reste
Dans ces conditions, pourquoi a-t-on commencé les audits sur les
plateaux de télévision et sur les ondes des radios, avant d’avoir bouclé
les réglages ? Attitude fort classique. Un nouveau régime est naturellement avide
d’état de grâce prolongé. Quitte à faire feu de tout bois. Mais attention à la
qualité du bois à mettre en contact avec le feu ! Par exemple, le vacarme
autour des véhicules détenus ou distribués par Wade, est assourdissant et
gênant. Certes, les éléments de justification alignés par le Président Wade ne
résistent pas à l’examen politique, encore moins au crible moral (la station
présidentielle commande à tout occupant de tout ramener à la nation et non à la
poche) mais le gouvernement est très mal avisé de battre le tambour autour des
opérations de récupération, pour au moins deux raisons.
D’abord, la durée de vie d’un véhicule excède difficilement le
quinquennat de Macky Sall. Ensuite, confisquer le véhicule d’un chef de
village, équivaut à l’humilier dans « son village ». Donc à en faire
un wadiste à vie. A contrario, en lui laissant un véhicule que les pistes
rurales vont incessamment abîmer, on préserve l’honneur d’un notable. Et
récupère un bassin électoral. Ce n’est pas malsain, c’est politique au sens où l’on augmente le nombre de ses
amis et réduit celui de ses adversaires. Sans épargner ou absoudre ceux qui ont
détenu par devers eux, et ventilé aux quatre coins du pays, des véhicules
d’origine controversée.
Paradoxalement, les dirigeants de l’Apr (épine dorsale de la coalition
victorieuse) ont négligé, à tort, la psychologie du Sioux Abdoulaye Wade qui,
par ailleurs, a plus d’une flèche dans son carquois. On ne charge pas
l’opposant historique – et tout frais chef de l’opposition nouvelle – au
son du clairon. Le renard Senghor et
l’ogre Collin le surprenaient toujours, pour lui donner l’estocade politique ou
policière. Macky Sall et son entourage ont imprudemment choisi la fanfare des
médias pour annoncer l’assaut. Conséquence : une mêlée prématurée où ça
tire dans tous les sens.
Pourtant, l’avertissement de Wade ne devrait pas tomber dans l’oreille
d’un sourd. En rappelant à son successeur qu’il est à la tête du plus grand
Parti (grandement affaibli par les départs et les dissidences) du Sénégal, il
renvoie les acteurs et les observateurs aux chiffres de la présidentielle qui
préfigurent une assemblée nationale nettement bariolée, à l’image d’une peau de
léopard. Car l’Apr – même gonflée d’une ribambelle de partis – n’avait pas
franchi la barre des 30 % au premier tour. Comme quoi, le choc entre les deux
plus lourdes formations issues de la même matrice libérale, pourrait fâcheusement
hypothéquer la gouvernance tranquille du Sénégal.
En politique, le contexte est l’équivalent du terrain en temps de
guerre. Il détermine toute la manœuvre. La période intérimaire ou
pré-législative installe, aujourd’hui, les Partis dans l’antichambre
inévitablement fiévreuse d’un « troisième tour ». De ce point de
vue, la conférence de presse du 25 mai a sonné la mobilisation des troupes
défaites, et mis la phalange la plus wadiste du Pds, en ordre de bataille, pour
survivre au péril judiciaire des audits et aux ravages électoraux du rouleau
compresseur des poids (Apr, Afp et Ps) coalisés dans Benno Bok Yakaar. Deux
nécessités urgentissimes qui relèguent au second plan, l’âge du capitaine Wade.
Quand elles ne le gomment pas. Y compris à l’échelle du continent où Etienne
Tshisekedi et Gilchrist Olympio (Mugabe n’est pas une référence) ferraillent
encore sur le front politique.
Mais l’ultime leçon du « Wade man show » est à tirer des
non-dits de la prestation spectaculaire et…biaisée de Wade. Malgré le masque
serein – et parfois enjoué – Abdoulaye Wade est fébrile. Et surtout pressé, non
de pas de vite connaître l’épilogue des audits, mais de boucler un chantier
brusquement crépusculaire dont l’aboutissement satisfaisant est largement tributaire
des législatives à venir ; dans lesquelles le Pds et ses décombres (Bok Guiss
Guiss) seront également dans une sorte de primaires libérales.
A défaut d’une dévolution monarchique du pouvoir à l’échelle du pays
(loupée de justesse) l’ancien Président saisira l’occasion du congrès imminent
pour rajeunir à la hussarde le Pds, le truffer de godillots (Ousmane Ngom, Farba
Senghor, Oumar Sarr, Modou Diagne Fada etc.) et le déposer dans la gibecière de
Karim Wade, en tant qu’instrument d’accomplissent d’un destin national ou
présidentiel. D’où le refrain surréaliste que Wade a entonné à Tivaouane puis
repris à Dakar : « Karim n’a
jamais géré ou administré des fonds ». Bien qu’on soit allé dire à sa
mère qu’il a bien travaillé. Décidément, on est aux portes du royaume de Kafka
où un ministre chargé de TOUT n’est responsable de RIEN.
En attendant la baraka s’éloigne, tandis que la barque du malheur
approche. Dans les rangs ou les débris du Pds, la démesure et la déraison sont
en train de pousser les uns et les autres, vers un suicide collectif. En
accusant Pape Diop d’avoir « importé » du Mali, un Albinos rituellement
assassiné, Me Wade pulvérise Les ambitions du chef de file de Bok Guiss Guiss
et, dans la foulée, se suicide (sans regrets ni douleurs) à…87 ans. Lui qui
voulait remorquer Moustapha Niasse, Ousmane Tanor Dieng et Abdoulaye Bathily
vers un hospice pour politiciens vieillards, ne risque-t-il pas de les y
précéder ?
A maints égards, la démocratie sénégalaise – deux alternances sans
dérapages – s’ennuie et s’amuse. Elle se moque de la malienne (subitement
accidentée) et du printemps arabe qui fait des progrès millimétrés en Tunisie
et des hoquets électoraux en Egypte. Et se tape in fine un printemps du
tintamarre. Et si ce printemps bruyant était annonciateur d’un hiver rigoureux
pour les présumés délinquants en col blanc, c’est-à-dire faussement
immaculé ?
13 Commentaires
Man Mii
En Juin, 2012 (10:39 AM)Vous avez sans doute fait l'armée.
Qu'ALLAH vous assiste en tout et partout.
Ada
En Juin, 2012 (12:06 PM)Deug - Le Vrai -
En Juin, 2012 (13:01 PM)Le_révérend
En Juin, 2012 (13:40 PM)laissez la place aux jeunes way aah sénégal dieum Kamam
Vito
En Juin, 2012 (13:51 PM)Pète-sec
En Juin, 2012 (17:30 PM)Lourd !!! Ronflant !!! Pompeux !!!
du charabia quoi !!!!
Fan Bjn
En Juin, 2012 (17:35 PM)Der
En Juin, 2012 (18:30 PM)Gtu
En Juin, 2012 (18:33 PM)Pam Pam
En Juin, 2012 (21:16 PM)Diopprof
En Juin, 2012 (22:41 PM)Bousem
En Juin, 2012 (00:57 AM)TU ES DIFFÉRENT DES PARASITES DE NOTRE CHÈRE NATION. ILS PROFITENT DE LA SUEUR DES PAYSANS POUR SE TAILLER DES POSITIONS SOCIALES APRÈS DES ÉTUDES STÉRILES EN PERSPECTIVES VISANT À AMÉLIORER, À RAFFINER ET À BLINDER NOTRE ÉTAT NATIONAL.
ILS SONT RAREMENT CAPABLES DE CONCEPTUALISER OU NE SERAIT-CE D'APPLIQUER DES MÉTHODES D'ANALYSE CONSENSUELLES.
EN ESPÉRANT QUE L'ÉCOLE SÉNÉGALAISE NE COMMETRA PAS LE CRIME LE PLUS DOMMAGEABLE À NOTRE NATION, C'EST A DIRE FORMER DES LÂCHES...
Doudou Sangott
En Juin, 2012 (08:54 AM)Tu contribues à l'aspect feutré de notre démocratie ..
Mais, ETienne Tchisekedi Wa Mulumba est beeaucoup plus jeune que notre Ubu Wade ... Ce n'est pas lea même génération ..
Notre WAde aux propos monstrueux aurait dû s'appeler , Diombor Mungul DAiakka du nom d'un ministre Conglalis dont il aimeit crié le nom quand il était dans le gouvernment de Diouf.
sacré wade , il ets temps qu'il la ferme.
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