Pour la première fois depuis sa création en 2008, le Conseil régional du laïcat de l’Afrique de l’Ouest (CRLAO) a obtenu une reconnaissance officielle de la plus haute autorité épiscopale, selon l’Union du clergé sénégalais (UCS), qui a relayé l’information. Cette étape symbolique s’inscrit dans la dynamique post-synodale de valorisation des fidèles laïcs, selon l’UCS, qui s’est entretenue avec le président de cette organisation ouest-africaine de l’Église catholique, à savoir le Sénégalais Philippe Abraham Birane Tine, enseignant-chercheur à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar.
La mesure de reconnaissance, prise le 7 juillet 2025, restera une date marquante pour les catholiques laïcs d’Afrique de l’Ouest, selon l’UCS. Monseigneur Alexis Touabli Youlo, président des Conférences épiscopales réunies de l’Afrique de l’Ouest (CERAO), a signé la première reconnaissance officielle du bureau du Conseil régional du laïcat de l’Afrique de l’Ouest (CRLAO). Cette équipe dirigeante multiculturelle reflète la diversité régionale. Au-delà du bureau exécutif composé de 5 membres, 9 secrétariats spécifiques complètent la structure, couvrant des domaines stratégiques comme la citoyenneté, le dialogue interreligieux, la formation spirituelle et la promotion de la paix.
Une reconnaissance historique, après un processus mûrement réfléchi
Selon l’UCS, cette reconnaissance est inédite et intervient après 17 ans d’existence du CRLAO. Elle revêt une portée particulière dans le contexte post-synodal. « C’est la première fois, depuis la création du CRLAO en 2008, qu’un tel document est signé par la plus haute autorité des CERAO », souligne Philippe Tine, visiblement ému par cette avancée institutionnelle.
L’universitaire sénégalais, également président du Conseil national du laïcat de son pays, le Sénégal, y voit « un pas en avant dans la promotion du laïcat, surtout dans un contexte de mise en application des recommandations du synode sur la synodalité ». Cette lecture fait écho aux orientations du Synode sur la synodalité, achevé en octobre 2024, qui appelait à une plus grande reconnaissance et responsabilisation des laïcs dans l’Église.
Contrairement aux apparences, cette reconnaissance n’a pas souffert de lenteurs administratives. L’écart de huit mois entre l’élection du bureau en novembre 2024 à Abidjan et la signature officielle s’explique par une démarche volontaire du nouveau bureau. « Dans sa recherche de stratégies pour mieux valoriser le laïcat et lui conférer une certaine reconnaissance et davantage de crédibilité », l’équipe dirigeante avait sollicité cette formalisation officielle, explique Philippe Tine.
Cette initiative a bénéficié du soutien décisif du père Vincent de Paul Boro, assistant ecclésiastique du CRLAO et secrétaire général adjoint des CERAO. « Le document a été signé sans tarder », précise le nouveau président, qui salue « la grande sollicitude » du prêtre et « sa bonne compréhension et sa mise en application de la synodalité ».
Une gouvernance collégiale et représentative en vue d’un laïcat ouest-africain mieux structuré
La composition du nouveau bureau illustre la volonté d’une gouvernance véritablement ouest-africaine. Outre les cinq membres du bureau exécutif, neuf secrétariats spécifiques structurent l’action du CRLAO selon des thématiques prioritaires. Cette architecture organisationnelle témoigne d’une vision stratégique qui dépasse la simple représentation géographique pour embrasser les défis pastoraux de la région.
Cette reconnaissance officielle intervient à un moment charnière pour le laïcat catholique de cette région de 400 millions d’habitants. Philippe Tine dresse un constat lucide : « Le laïcat de l’Afrique de l’Ouest est plein d’enthousiasme et de dynamisme », mais « il gagnerait à être mieux structuré, plus valorisé et plus responsabilisé ». Les chiffres illustrent ce défi organisationnel : seuls huit pays sur les seize que compte la région disposent d’un conseil national du laïcat fonctionnel, dont six francophones et deux anglophones. L’intégration des pays lusophones constitue « un défi de taille » pour le nouveau bureau, dont le mandat court jusqu’en 2028.
Trois priorités stratégiques
Face à ces enjeux, Philippe Tine a défini trois axes prioritaires pour son mandat :
- L’installation de conseils nationaux du laïcat dans les pays qui en sont encore dépourvus, condition sine qua non d’une structuration régionale cohérente.
- La formation des leaders laïcs, notamment des jeunes et des femmes. Le bureau a déjà obtenu « un financement sur trois ans pour renforcer les capacités », fruit des efforts du père Vincent de Paul Boro. Cette priorité répond à un besoin criant dans une région où la formation des laïcs reste inégale selon les Églises particulières, a expliqué M. Tine.
- Le positionnement du laïcat ouest-africain comme acteur de paix. « Positionner le laïcat de l’Afrique de l’Ouest comme acteur dans la gestion et la résolution des conflits multiformes qui minent notre sous-région » constitue un défi ambitieux mais nécessaire dans un contexte régional marqué par l’instabilité.
Malgré cette reconnaissance, des obstacles demeurent. Philippe Tine pointe du doigt « certaines Églises particulières où les responsables ecclésiastiques n’ont pas suffisamment intégré la notion de co-responsabilité dans leur approche pastorale ». Ce constat révèle la persistance d’une ecclésiologie cléricale dans certains contextes.
Cette situation contraste avec l’engagement de Monseigneur Touabli, dont « la présence durant l’assemblée générale tenue en novembre a été une preuve de son attachement sans réserve à l’idéal d’une Église plus synodale », selon le président du CRLAO, qui, à cette occasion, lance un appel à la conversion pastorale. Un double appel à l’endroit des fidèles laïcs et des pasteurs.
Pour Philippe Abraham Birane Tine, « chaque fidèle laïc doit travailler à mieux redécouvrir son identité de baptisé et ses qualités comme sel de la terre et lumière du monde ». Aux pasteurs, il rappelle que « former, valoriser et responsabiliser les laïcs est une garantie de succès pastoral et une promesse d’une évangélisation avec plus de profondeur et qui atteigne plus de personnes ». Une invitation à dépasser les réticences pour embrasser pleinement l’ecclésiologie synodale.
Cette reconnaissance s’inscrit dans une dynamique plus large de maturation du catholicisme ouest-africain. Avec 45 % de la population régionale, l’Église catholique constitue une force spirituelle et sociale majeure. La structuration de son laïcat pourrait contribuer significativement aux défis de développement et de consolidation démocratique de la région.
L’initiative du CRLAO trouve également écho dans les orientations du Synode continental africain de 2023, qui avait souligné l’importance de la formation et de la responsabilisation des laïcs pour une évangélisation inculturée et efficace.
« Travaillons à former une nouvelle génération de disciples-missionnaires », exhorte Philippe Abraham Birane Tine.
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