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Sante

En Afrique du Sud, le médecin est dans le smartphone

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Des travailleurs de MSF dans des régions rurales de la province de Kwazulu-Natal, en Afrique du Sud, le 7 novembre 2014. Les applis de santé sur smartphone sont particulièrement utiles pour les habitants des campagnes, à condition toutefois d'avoir du réseau. Photo Gianluigi Guercia. AFP

Assise dans le salon de ses employeurs, sa petite fille de quelques mois sur les genoux, Christina Malhangu fait défiler sur l’écran de son téléphone les dizaines de conseils qu’elle a reçus pendant sa grossesse. « Je n’ai rien effacé, parfois je relis certaines choses», dit-elle. Lorsque, enceinte de cinq mois, cette nounou de 34 ans s’est rendue pour sa première consultation dans une clinique publique de la capitale sud-africaine, Pretoria, le personnel soignant lui a parlé de MomConnect, un service de sms gratuit pour les femmes enceintes et jeunes mères, mis en place par le ministère de la Santé.

D’abord dubitative, elle en fait maintenant l’éloge. « Je me suis sentie mieux suivie et plus en sécurité que lors de ma première grossesse», explique-elle, précisant que les infirmières sont souvent débordées et n’ont pas le temps de donner des conseils pratiques. «En cas d’interrogation, il est possible d’envoyer un message et de recevoir une réponse rapidement. Sans ça, il faudrait se rendre à la clinique, et attendre toute la journée»… Ou rester dans le doute.

L’accès au téléphone mobile connaît un développement exponentiel en Afrique et en Afrique du Sud, près de la moitié de la population possède un smartphone. Dans ce contexte, les applications mobiles dédiées à la santé s’y multiplient. Qu’il s’agisse de localiser le centre médical le plus proche, de détecter les médicaments contrefaits, d’améliorer le suivi d’une maladie chronique, de lutter contre le paludisme, des solutions numériques se développent partout sur le continent. La m-santé, la santé mobile à portée de main, permet aussi de pallier le manque d’infrastructures ou de professionnels qualifiés, et d’offrir une solution alternative à ceux qui, dans les campagnes, doivent parcourir de grandes distances pour accéder à un centre de soins.

Cataracte

Hello Doctor, une application lancée en 2010, offre un accès direct à des informations santé ainsi que la possibilité? de converser directement avec un médecin. En Afrique du Sud, le service n’est accessible que pour les clients de certaines assurances médicales privées, mais il est disponible dans cinq autres pays d’Afrique (Kenya, Côte-d’Ivoire, Ghana, Swaziland, Zambie) ainsi qu’en Asie du Sud-Est, sous forme d’application ou de conseils médicaux par sms. Au total, Hello Doctor compte plus de 500 000 utilisateurs. «L’objectif est la prévention avant tout et l’accès aux conseils de médecins», explique le docteur Michael Mol, directeur de la société. S’il ne prétend pas faire un diagnostic à distance, il estime que «jusqu’à 85% des demandes des patients» peuvent être résolues par  téléphone et que le système offre un «complément» au suivi médical traditionnel.

Un téléphone ne remplace pas un médecin, mais «ces nouvelles solutions de transmission de données peuvent se révéler extrêmement utiles», juge le docteur William Mapham, ophtalmologue dans un hôpital de Cape Town. En 2014, après six mois passés à développer le projet, il a créé Vula («ouvert» en zulu), une app qui permet de réaliser des analyses ophtalmologiques à distance. «Dans les cliniques rurales, on manque de spécialistes, explique-t-il. Des maladies fréquentes, comme la cataracte, pourraient être traitées facilement, mais ne sont pas détectées. Il y a un vrai potentiel pour apporter les soins adéquats aux personnes qui n’y ont jusqu’ici pas accès.»

Cardiologie, dermatologie, brûlures…

Les agents de santé photographient l’œil de leurs patients et procèdent à un test de vue. Les informations recueillies sont ensuite téléchargées et envoyées à un spécialiste qui pourra faire un diagnostic, prendre un rendez-vous, voire organiser le transport vers un hôpital. L’application a été initialement créée pour l’ophtalmologie, mais le potentiel de Vula pour d’autres spécialités devient vite évident. Quelques dizaines de médecins se sont associés à l’équipe pour concevoir des fonctionnalités adaptées. Vula, qui compte plus de 900 utilisateurs, principalement dans les centres de santé ruraux, permet aujourd’hui des diagnostics en cardiologie, dermatologie, brûlures… Et d’autres secteurs devraient être ajoutés prochainement.

The Open Medicine Project, une organisation caritative basée à Cape Town visant à améliorer les capacités des professionnels de la santé via les nouvelles technologies, a développé plusieurs applications, distribuées en partenariat avec le ministère de la Santé. L’ONG a également collaboré avec Médecins sans frontières pour fournir un outil supplémentaire au personnel de santé travaillant dans des régions difficiles. Il s’agit de guides pratiques, sur les soins primaires, la médecine d’urgence ou le VIH, permettant d’accéder facilement aux directives de base pour le traitement : calculer le dosage d’un médicament en fonction de l’âge et du poids d’un enfant, évaluer le risque de maladie cardio-vasculaire, prévenir la transmission du VIH de la mère à l’enfant, optimiser le tri des patients en fonction de la gravité de leur cas… «Les maladies les plus fréquentes évoluent, les médicaments utilisés et leur disponibilité aussi, la structure du système de santé change, et ces applications permettent de mettre ces informations à portée de main des médecins, explique le Dr Yaseen Khan, un des fondateurs. Des milliers d’entre eux ont téléchargé ces apps et les utilisent.»

Balbutiements

Mais le système a ses limites. Dans les campagnes, peu de gens possèdent un smartphone et c’est pourtant là que ces applications pourraient être le plus utiles. De même, le réseau peut aussi être un problème car beaucoup de ces applications nécessitent un accès à Internet.

La m-santé n’en est qu’à ses balbutiements. Le marché est prometteur et la créativité est là, qu’il s’agisse de fournir de nouveaux services au secteur de santé public ou d’inventer des applications payantes pour le consommateur. De plus, les entrepreneurs sont encouragés par les compagnies de téléphonie mobile. KidsAid, créée en Afrique du Sud en 2013, a reçu le prix de la meilleure application Windows de l’année, décerné par le groupe sud-africain MTN. Pour 1,5 euro, cette application dispense des conseils de premiers soins pour les enfants et vient remplacer les petits guides de secourisme, avec leur liste de numéros d’urgence. Une application facile d’utilisation, avec de courtes vidéos de démonstration, fonctionnant hors connexion.

En Afrique du Sud, le ministère de la Santé reconnaît le «potentiel» de la m-santé et met en avant la nécessité de développer des «partenariats public-privé», prévus dans son plan de stratégie sur la santé mobile à l’horizon 2019. Contrairement à d’autres pays africains, l’Afrique du Sud dispose d’une législation sur la protection des données personnelles. Mais le gouvernement souligne quand même les risques que pourraient présenter ces applications mobiles pour le respect de la confidentialité et du secret médical si elles ne sont pas réglementées.



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