Est-ce risqué pour la santé de se retenir d’uriner ?

Absence de toilettes ou WC trop sales, travail en extérieur ou manque d’intimité : de nombreuses circonstances amènent à se retenir d’uriner durant la journée. Quels sont les risques pour la santé et peut-on endommager sa vessie ?

En 2018, un sondage Ifop pour l’entreprise Essity révélait que plus d’un enfant sur deux se retient volontairement d’aller aux toilettes à l’école primaire, 68 % ayant même adopté des stratégies de contournement, comme ne pas boire durant la journée ou faire ses besoins avant ou après l’école.

Résultat : « Des pics de gastro-entérites tous les hivers », témoigne un enseignant. « Des cystites, des infections urinaires, des vulvites », renchérit un pédiatre. Les enfants affirment également souffrir de maux de ventre et de constipation chronique.

On urine quatre à cinq fois par jour

Les écoliers ne sont pas les seuls à être confrontés au problème. Qui n’a pas déjà ressenti une envie pressante tout en étant obligé de se retenir faute de toilettes, ou bien lors d’une (très) longue réunion ? « La miction (c’est-à-dire l’élimination des urines) est un mécanisme essentiel à notre santé puisqu’il participe à l’évacuation des déchets de notre organisme », rappelle l’Association française d’urologie.

« La vessie a une capacité comprise entre 250 et 400 ml par jour, précise Philippe Mezrahid, médecin urologue à Strasbourg. Cela signifie qu’on urine entre quatre et cinq fois par jour. »

Bien entendu, il n’existe pas de norme et cela dépend de la quantité de liquide absorbée : plus on boit, plus on a besoin d’aller aux toilettes. C’est aussi une question de morphologie : « Certaines personnes ont des petites vessies d’à peine 150 ml et doivent donc uriner plus souvent », indique Philippe Mezrahid.

Pas de risque d’explosion !

Pour autant, existe-t-il des risques réels à se retenir trop longtemps ? Pas vraiment, rassure Philippe Mezrahid. « Même si on se retient toute la journée, il est rare de développer une infection urinaire ou une cystite », estime-t-il. Aucune chance non plus de déclencher un cancer de la vessie, comme on peut le lire sur certains sites, ni de voir sa vessie se rompre sous la pression (même si de très rares cas ont été rapportés).

En se retenant, on dérègle le muscle de sa vessie

Pour autant, se retenir systématiquement d’uriner durant la journée n’est pas recommandé. À long terme, « on risque une rétention des urines due à l’incapacité de se relâcher et des fuites accidentelles », met en garde l’Association française d’urologie.

« Au bout d’un moment, le muscle de la vessie rétrécit sous la pression du liquide, et il perd sa capacité à éliminer l’urine efficacement, décrit Jeffrey Loh-Doyle, urologue à l’université de Californie-du-Sud. J’ai vu des patients, dont la profession impliquait de longues heures sans accès aux toilettes, qui présentaient une incapacité à uriner parce que le muscle était trop affaibli », témoigne le praticien.

Seule la pose d’un cathéter permet alors d’éliminer correctement les urines. À l’inverse, la vessie peut devenir hyperactive, car on la muscle involontairement en se retenant.

En outre, une mauvaise élimination des urines peut provoquer des problèmes rénaux. « Dans de rares cas, des patients ont dû être mis sous dialyse parce que leurs reins avaient été endommagés par une rétention d’urine sévère qu’ils n’avaient pas identifiée », relate Quentin Clemens, professeur d’urologie à l’université du Michigan.

Il est assez peu probable d’en arriver à ces extrêmes. En réalité, il est très difficile de se retenir très longtemps quand on a vraiment envie d’aller aux toilettes. « La vessie est un muscle extrêmement puissant, assure le docteur Philippe Mezrahid. Lorsqu’il y a un trop-plein, le corps va prendre le dessus sur la volonté et obliger l’expulsion des urines. »