À l'occasion de la fête du Travail, célébrée ce jeudi 1er mai 2025, Dr Aminata Diop a adressé une lettre ouverte au ministre de la Santé et de l'Action sociale pour alerter sur les difficiles conditions dans certaines structures sanitaires. À titre illustratif, la pneumologue en service au centre hospitalier national universitaire de Fann a raconté la mésaventure d'une patiente accompagnée de son fils de 18 ans. Docteur Diop a heureusement pu sauver la vie de cette dame âgée d'une quarantaine d'années. Elle s'interroge sur le fait qu'un médecin peut surveiller 45 patients, dont quatre en réanimation, de 17 h à 8 h. Seneweb vous livre son cri du cœur.
"Monsieur le Ministre, Ibrahima Sy
Saviez-vous que lors de ma dernière garde, il y a 10 jours, une femme de 40 ans est arrivée aux urgences à 3h du matin, accompagnée de son fils de 18 ans, en ayant un pneumothorax compressif et une acidocétose diabétique ?
Deux urgences vitales. Deux diagnostics qui exigent une intervention IMMÉDIATE : insuline, sérum salé, drainage thoracique. Des minutes comptent.
Saviez-vous M. le ministre que rien de tout cela n’était disponible aux urgences dans un hôpital de NIVEAU 3 ?
Saviez-vous que son fils, paniqué, a dû courir pour acheter les médicaments lui-même ? Et pire, il avait l’argent sur son téléphone, mais la pharmacie de l'hôpital ne prenait pas Wave ? Moi le médecin de garde n’avais de l’argent que dans mon wave également.
À 3h du matin, où vouliez-vous qu’il retire de l’argent, Monsieur le Ministre ? Dans la rue ? Dans un distributeur fantôme ?
J’étais seule. Seule face à cette femme qui suffoquait. Seule face à ce fils qui regardait sa mère mourir. Seule, alors que je savais exactement quoi faire, mais que le système, NOTRE SYSTÈME m’en empêchait.
Je me suis battue, car il était hors de question que cette femme meure devant son fils pour des médicaments qui étaient censés être disponibles à tout moment dans un service d’urgence.
J’ai couru, supplié, cherché désespérément une solution. Et savez-vous qui nous a sauvés ce soir-là, M. le Ministre ? Le caissier de la Brioche Dorée de l’UCAD (mille mercis encore à lui).
Oui, un homme dont le métier est de vendre des croissants a fait ce que NOTRE HÔPITAL, VOTRE, HÔPITAL n’a pas pu faire : il nous a dépannés.
Est-ce cela, notre système de santé ?
Un médecin seul, de 17h à 8h, qui doit :
- Surveiller 45 patients, dont 4 en réanimation.
- Gérer les urgences, les hospitalisations, les avis.
- Et en plus, jouer au banquier, au logisticien, au mendiant de médicaments à 3h du matin.
Nous, médecins, nous nous tuons à la tâche. Nous inventons des solutions miracles dans un système en RUINE. Nous supplions des caissiers de boulangerie pour sauver des vies. Jusqu’à quand ?
Assez de discours. Assez de promesses. Assez de vies sacrifiées pour des économies de misère.
Je vous le demande, au nom de cette femme, de ce fils, de tous ceux qui meurent dans l’ombre comme vous le dites sans des études aux préalables :
- recrutez les médecins qui chôment avant de les perdre
- Approvisionnez les urgences en médicaments.
- ARRÊTEZ DE FAIRE DES HÔPITAUX DES MOUROIRS À BUDGET SERRÉ
La santé n’a pas de prix. Mais son absence, elle, coûte des vies.
Agissez. Il est temps de faire de ce secteur UNE PRIORITÉ
Tout en espérant que d’ici la prochaine « fête du Travail » les choses vont réellement changer" a écrit Dr Aminata Diop sur sa page Facebook.
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