Interview - Dr Fatma Guenoune, Présidente de la Lisca : «Plus de 1000 femmes sont atteintes de cancer du sein par an»

 La ligue a été créée en 1985 par nos professeurs, qui n’avaient pas beaucoup de temps. Et comme vous le savez, pour faire fonctionner une association, il faut avoir beaucoup de temps. Et cette ligue a eu une longue période de léthargie. Donc de 1985 à 2009, il n y a rien eu. Vu les soucis que nous rencontrons tous les jours au niveau de l’hôpital, on a décidé de faire renaitre cette ligue-là. On l a redynamisée en 2009. C’est par rapport à la difficulté des malades qui viennent, qui souffrent et qui n’ont vraiment pas des moyens de se traiter. On voyait qu’ils y avaient trop de cas, on devait sensibiliser, dépister tôt, parce que la seule arme efficace pour lutter contre le cancer c’est le dépistage. Donc, on s’est dit, redynamisons la ligue pour avoir des activités. Et en 2010, on a commencé, c’était la première édition d’ « octobre rose ». Et au Sénégal, on s’est dit que c’est une maladie a soins coûteux. Les femmes arrivaient dans les hôpitaux à des stades vraiment tardifs, dont 75% des cas où nous ne pouvons rien faire que les accompagner vers la mort. En fait, c’est pour ça qu’on a créé cette ligue. 

 A travers le monde, «octobre rose » est célébré partout du 1er au 31 Octobre. En fait, le top de départ a été donné par une malade, qui était guérie du cancer. Elle habitait aux Etats-Unis. Le mouvement «octobre rose» est parti de là-bas. Et ça a fait tache d’huile dans le monde. Aux Etats-Unis, au Canada, En Europe,..., partout les gens préparent « octobre rose ».

 La rose là (elle fait un geste avec le ruban), c’est le couleur de la femme. Et le ruban rose a été porté une première fois par une femme, pour montrer qu’on peut guérir du cancer. C’est de là qu est parti ce mouvement. Mais durant toute l’année, la Ligue Sénégalaise Lutte contre le Cancer à des activités de dépistage. Nous sommes même allés à Pout au mois de mai pour faire toute sorte de consultation pour dépister des malades du cancer. On est allé à Cambérène en décembre. Il y avait des séances de dépistage du cancer de la prostate, du cancer du col de l’utérus et du sein. Mais le mois d’ « octobre rose », c’est uniquement pour les femmes.

Nous avons prévu de distribuer des bons de mammographie du 1 au 31 octobre. Les femmes âgées de 40 à 74 ans viennent au niveau de la ligue récupérer un bon rose et vont au niveau des radiologues agréés parce que nous avons des radiologues partenaires qui ont consenti à réduire le coût de la mammographie en ce mois d’octobre. Elle ne vont payer que 15.000 au lieu de 30.000 FCFA. La particularité de cette année est que l’hôpital public participe à notre programme et nous attendons la liste du ministère pour savoir quels sont les hôpitaux qui vont participer à la campagne. Et pour le samedi 10 octobre, c’est une journée de consultation au niveau du siège et là on pense pouvoir dépister 600 femmes. S il y a des cas suspects, le bon de mammographie sera gratuit. Le mercredi 14, ce sera une séance de prise en charge psychologique, avec création de groupes de parole des malades, des anciens malades et des parents. C’est pour permettre de soutenir les malades sur le plan psychologique et leur permettre de surmonter leur maladie. Elles auront aussi le témoignage des malades guéris. Du 19 au 25 octobre, nous irons à Ziguinchor, puis à Kolda. A Ziguinchor, c’est du 19 au 21 octobre. On fera des conférences publiques avec la formation des sages-femmes. L’inspection visuelle permet de dépister les lésions précancéreuses du col de l’utérus. Ce sera suivi d’une campagne de sensibilisation. Le lendemain de la formation, il y’aura une journée de dépistage gratuite aussi bien du cancer du sein que du col de l’utérus. Après, on ira à Kolda du 22 au 25 et on fera les mêmes activités. 

En fait, on choisit deux régions par an. Le choix est spontané, on parle entre nous et on fait le choix. Nous avons déjà fait Kaolack, Thiès, Louga et Saint-Louis. Et cette année, on va vers le sud.
Dites-nous, d après ce que vous avez constaté, le taux de cancéreux a augmenté ou diminué?
En fait, il y’a une chose qu’on a observé : le cancer du sein qui était le deuxième cancer est devenu le premier et le cancer du col de l’utérus, qui était le premier, est devenu le deuxième cancer. 

 Il y’a eu deux réponses : en premier lieu, les gens ont entendu parler du cancer, ils ne sont pas restés chez eux pour mourir de la maladie sans être consulté. Comme on les a incités, il y’a eu beaucoup plus de cas qu habituellement, parce qu’on était aux alentours de 800 cas par an, maintenant on est aux alentours de 1000 cas par an. Cela veut dire que les femmes viennent plus pour se consulter.
Et en deuxième lieu, c’est parce qu’on a sensibilisé autant qu’il faut. Les gens avaient peur et laissaient la maladie prendre de l’ampleur. Maintenant avec la conscientisation, les femmes sont plus conscientes. Elles vont se faire consulter et se faire examiner dès qu’elles sentent une boule dans leur sein et ça c’est une avancée qu’on peut noter.

 La seule chose qu’on a eue de l’Etat, c’est que l’année dernière, le Président de la République, par l’intermédiaire du Ministre de la Santé, a amené le ruban rose à la Présidence. Ça, il faut le saluer, parce que dans le monde, dans l’histoire du ruban rose, je crois que c’est notre Président, le premier chef d Etat à l avoir porté. Il l’a fait l’année dernière. Il l a porté pour aller accueillir un de ses homologues . Ce jour-là, j’ai regardé le journal, il l’a porté du matin au soir. Ça, c’était son engagement. L’année dernière, il a incité ses ministres à aider la ligue. C’est le seul soutien qu’on a eu de l’Etat. Là, il y a le ministère de la Santé qui nous accompagne, comme il peut. Par exemple, cette année, ils nous donnent ses supports de communication. C’est important, parce que la nouveauté cette année, c’est de permettre aux hôpitaux publics de participer à la campagne d’ « octobre rose ». Mais en matière de contribution financière, on n’en a pas.

 Nos fonds viennent de la vente des cartes de membres, de la vente de gadgets, et de don qui nous viennent des bonnes volontés. Avant octobre rose, on envoie des courriers pour avoir l’aide et le soutien des personnes. Nous demandons de gauche à droite. Nous sommes devenus des quémandeurs. D’ailleurs, nous avons envoyé plus de 150 courriers, mais pour le moment, on n’a que 3 réponses. Il y a une fondation qui a pris en charge 500 femmes, une association de femmes qui a donné une sommes symbolique et une entreprise qui nous a aidé financièrement. Et y’a aussi une donatrice permanente, une dame. On attend d’ici la fin du mois pour voir parce que nous avons des objectifs. Maintenant on ne sait pas encore si on va l’atteindre parce que 2000 femmes, c’est 60 millions de FCFA. Nous, nous prenons en charge la moitié. On n’a pas encore les 30 millions, mais Dieu est grand. 

 Faites appel à lui. On a envoyé des courriers, on attend des réponses. Je pense que le Président répond d’une autre manière. Parce que comme il connait la situation du cancer, la difficulté des sénégalais à se soigner, il a incité le ministère de la Santé à faire un budget. Malheureusement, ce budget n’a pas été voté l’année dernière. Donc un budget pour subventionner les produits anticancéreux. Ça pouvait régler une partie du problème des malades atteints de cancer, que ce soit les femmes, les hommes ou les enfants.

Je fais appel à toutes les bonnes volontés d’aider la femme. En aidant la femme à se dépister, vous aidez la ligue parce que si vous donnez 15.000 FCFA à une femme en lui disant d’aller se faire dépister ou d’aller voir un radiologue, c’est important. Donc je demande à tous les sénégalais de se mobiliser ensemble pour convaincre de la nécessité du dépistage du cancer du sein parce que le dépistage c’est la seule arme pour vaincre le cancer et diminuer le taux de mortalité au Sénégal.