
La
route fait de plus en plus de victimes sacrifiées sous l’autel de
l’indiscipline. La délivrance des permis de conduire, le manque
d’expérience des jeunes conducteurs et le non respect des visites
techniques sont autant de raisons à la base de l’anarchie dans le
secteur routier.
Le
garage Petersen grouille de monde. Le cri des «coxeurs» (rabatteurs),
qui se confond à celui des marchands ambulants, et les coups de klaxons à
vous torturer les oreilles rythment l’atmosphère en plein cœur de la
capitale. Une ruche bourdonnante qui n’empêche pas Djibril Diène et ses
camarades de discuter librement sous une tente. Ils décryptent
l’actualité du jour : l’accident mortel sur l’axe routier Kaolack-Tamba
dans la nuit du 7 août. Une tragédie qui a fait 23 morts suite à une
collision entre un bus de transport voyageur et un camion chargé de
charbon. Deux jours plus tôt, un camion avait heurté mortellement un
homme de trente ans aux Parcelles Assainies. Autant de dérives qui
poussent le ministre de l’Intérieur Mbaye Ndiaye à vouloir revoir l’âge
de la délivrance du permis de l’autorisation de circuler des véhicules
de transport en commun.
Des chauffeurs sans expérience
À
Petersen, l’heure est aux commentaires. Chacun y va de son
avis. Djibril Diène, président des travailleurs de l’Association pour le
financement du transport urbain (Aftu), teint noir, un journal entre
les mains, hésite à se confier. Après quelques tergiversations, il prend
son courage et ne va pas chercher loin. Il met tout sur l’indiscipline
des jeunes conducteurs. «Cela dépend seulement de la conscience
professionnelle du conducteur. Les plus expérimentés ont toujours plus
de conscience professionnelle. Les jeunes savent conduire, mais ne
savent pas réagir. Il faut durer dans la profession pour avoir la bonne
réaction. Les vieux ne commettent pas ces erreurs», croit-il savoir. Une
vision partagée par son collègue Moussa Mboup, chauffeur de taxi à
Petersen. «Ils font ce qu’ils veulent. Ils banalisent le code de la
route. Un chauffeur ne doit pas critiquer son collègue, mais j’ai vécu
ce que je vous dis. Je faisais la route entre le Fouta et Diaobé, mais
j’ai toujours conduit avec discipline. D’ailleurs c’est à cause des
attitudes dans les «cars rapides» que j’ai décidé de conduire désormais
les taxis», se désole Moussa. Pour lui, un chauffeur doit avoir l’esprit
tranquille. «S’il a sommeil, il peut garer sa voiture pour se reposer
pendant 30 ou 40 minutes. Par exemple, les chauffeurs de Ziguinchor se
précipitent pour arriver avant le départ du bac. Chacun d’eux essaie
d’être le premier». Il pense que la précipitation est une des véritables
causes de ces accidents. «Parfois j’ai peur quand je prends un
véhicule. Le conducteur roule à telle enseigne que je tremble comme une
feuille morte. Les jeunes conducteurs sont indisciplinés». Des propos
corroborés par son collègue Salif Tine qui soutient qu’un jeune peut
bien avoir un permis, mais à condition qu’il ait de la discipline, une
bonne éducation et qu’il connaisse la valeur de ce que l’on lui a
confié.
Prospère,
le milieu des transports attire toutes les convoitises. Il est décrit
ainsi comme une jungle où les patrons cherchent à se sucrer sur le dos
des employés. Une surexploitation qui pousse à bien des dérives. Djibril
Diène : «Les transporteurs sont les principaux responsables. Des
adultes qui savent travailler, qui ont des responsabilités et savent
comment gérer un matériel, sont toujours écartés».
Des ivrognes au volant ?
Très
amer, il affirme que «les jeunes sont prêts à accepter tout prix qu’on
leur propose. «Ces derniers conduisent comme ils veulent. Ce qui fait
que là où il faut deux à trois jours pour arriver au Mali, ils font le
trajet en deux jours, ce que ne feraient pas les personnes âgées qui ont
laissé une famille derrière eux». Un manque de responsabilité qui amène
le patron des travailleurs de l’Aftu à se poser des questions :
«Pourquoi confier ces véhicules à ces jeunes qui n’ont aucune
responsabilité ?». D’autant que, selon lui, «les camions et les bus
doivent être gérés par des adultes. Ce qu’on voit aujourd’hui, ce sont
des jeunes qui conduisent avec une indiscipline totale. Ils achètent les
gens avec de l’argent». Moussa Mboup va plus loin en parlant de
pression des transporteurs sur les conducteurs. «Ils insistent davantage
sur les recettes journalières du chauffeur, ce qui fait que le
conducteur ne pense qu’au versement quotidien. Tu ne peux pas conduire
n’importe comment avec une soixantaine de passagers à bord, parce que
tout peut arriver», ajoute-t-il.
La
délivrance des permis de conduire est aussi un casse-tête. Comme le dit
Moussa Mboup : «On ne peut pas être un laveur de taxis, économiser de
l’argent et finir un jour comme chauffeur. Il y en a qui passent les
tests, mais certains utilisent des raccourcis pour obtenir leur permis.
Sans maîtriser le code, un jeune se voit ainsi confier un véhicule par
un parent». Selon Salif Tine, on devrait tenir compte du mérite des
postulants. «Les principaux responsables sont ceux qui délivrent les
permis de conduire sans tenir compte des aptitudes, de l’éducation du
concerné. Ce dernier devrait même passer par des tests avant la
délivrance pour voir si le postulant a de la discipline ou de
l’endurance, car celui qui n’a pas ces qualités ne peut pas être un bon
conducteur, puisqu’il transporterait n’importe qui dans n’importe
quelles conditions». Nul ne peut échapper à son destin, mais de l’avis
de Mboup, la plupart des accidents sont dus à l’état d’ébriété avancé
des chauffeurs. «La plupart des chauffeurs, accuse-t-il, sont des
ivrognes et des fumeurs de chanvre indien». Il fustige le comportement
des agents de la circulation : «Les policiers doivent procéder au
contrôle du véhicule et sanctionner le conducteur au cas où il est
fautif», déplore-t-il.
Idrissa SOW (stagiaire)
2 Commentaires
Packou
En Août, 2012 (16:55 PM)à Lire Le Coran En 3 Leçons
En Août, 2012 (17:17 PM)Participer à la Discussion