Après la pluie d'obus d'Israël à Gaza : Les étudiants sénégalais laissent exploser leur colère

La passion destructrice contre Israël a parlé hier, à l’entrée du Pavillon A du campus universitaire Cheikh Anta Diop de Dakar. Le temps était, en effet, aux attaques en règle contre l’Etat hébreu. L’Association des étudiants et élèves du Sénégal (Aeems) exprimait ainsi sa colère contre les attaques israéliennes sur la Palestine.

Juste après la prière du vendredi, hier, une voix amplifiée appelait la foule à venir au hall du pavillon A de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar. Très vite, une foule se forme. Sur les escaliers, sont massés des étudiants nouant un foulard vert sur lequel est écrit : ‘Vive Hamas’. Tout autour flottent des drapeaux de la Palestine. Et dans une marée de pancartes, se lit la colère des manifestants. La manifestation est une initiative de l’Association des étudiants et élèves du Sénégal (Aeems). Elle exprime ainsi sa colère contre les attaques israéliennes sur la Palestine. ‘Moubarak égal Olmert, égal assassins’, ‘Sionisme égal nazisme’, ‘Halte à l’impunité des sionistes’, ‘Révolution jusqu’à la victoire’, peut-on lire sur les pancartes. ‘Ici, il y a des Marocains, des Mauritaniens, des Comoriens, des Djiboutiens...’, lâche le maître de cérémonie. Juste à ses côtés se dresse un étudiant arabe, son propos est dur, il hurle quasiment, appelle à la riposte contre l’agression israélienne. ‘Takbir !’, vocifère le préposé au micro. ‘Allahou Akbar !’, répond la foule, poings fermés en l’air. Sous le soleil piquant, se dressent quelque 300 manifestants.

Dans la foule, des paquets de tracts circulent appelant à la marche du vendredi prochain après la prière de 14 h. Sur le papier, les organisateurs, anonymes, précisent que le point de départ de la procession est la mosquée du Point E et la chute, le ministère des Affaires étrangères. Les minutes s’égrènent, deux baffles distillent une belle musique arabe, exhortant, sans doute, à la mobilisation contre les sionistes. ‘Où êtes-vous, musulmans ?’, ‘Où sont les défenseurs des Droits de l’homme’, ‘Allahou Akbar’.

Il est 14 h 30, les discours vont bientôt commencer. ‘Cette rencontre témoigne de la solidarité islamique. Nous sommes tristes. On compte des femmes, des enfants, des femmes enceintes, des vieillards parmi les victimes des bombardements israéliens sur Gaza’, annonce le maître de cérémonie. ‘Nous allons donner notre âme et notre conscience. Nous sommes les fruits semblables d’un même arbre, celui de la foi’, philosophe un intervenant.

Premier à prendre la parole, Baïdy Lô, secrétaire général de l’Amicale des étudiants mauritaniens, verse dans l’aveu d’impuissance : ‘Ils (les Israéliens) sont plus forts que nous, Dieu est plus fort qu’eux’. ‘Allahou Akbar’, ponctue la foule, quelques-uns brandissent un exemplaire du Coran.

Puis, lui succède le député Cheikh Bamba Dièye du Fsd/Bj. Il s’étonne que la communauté internationale si prompte à seriner des leçons d’humanisme soit restée aphone ‘alors qu’on tue des centaines de citoyens’. Et de s’étonner qu’on ait célébré l’Oci ‘en la présence de gros ventrus’ aujourd’hui réduits au silence. ‘Ce sont nos leaders les premiers coupables’, accuse le député sanglé dans un costume noir dans le vent. Avant de céder micro, il serine quelques versets coraniques vite repris en chœur par une foule en délire. ‘Si vous n’avez pas le courage de faire quelque chose, laissez votre peuple réagir’, conseille un jeune intervenant arabe. Puis, son ton se durcit contre l’Egypte. ‘Nous dénonçons la position de Moubarak qui continue le blocus et a collaboré avec les sionistes’, clame-t-il.

‘Takbir’, profère le préposé au micro. C’est le cri destiné à la foule pour qu’elle scande le nom d’Allah. Puis, coup de théâtre ! Deux jeunes tiennent le drapeau israélien, un autre le met en feu avec un papier en flammes. La scène surexcite la foule. ‘Allah, Allah’, lance-t-elle en signe de victoire. La manifestation vire à la polémique quand le président du Comité d’initiative des intellectuels du Sénégal (Ciis), le Pr Malick Ndiaye, prend la parole.

Deux hommes barbus frisant la soixantaine marquent leur hostilité à son intervention. L’un évoque une ‘infiltration’ du sociologue à une manifestation de ce genre en 2006. L’autre dénie à Malick Ndiaye son statut de musulman pour avoir déclaré dans une interview être un ceddo (païen) à la question d’un journaliste de savoir s’il est... musulman. Tumulte, dispute, puis tout revient dans l’ordre. Le Pr Ndiaye a eu le temps d’exiger des autorités la fermeture de l’ambassade d’Israël. ‘Il est important que les groupes maçonniques infiltrés dans les mouvements citoyens soient démasqués’, s’avise le patron de la Ciis, coinçant à l’aisselle un tapis de prière, le visage barré par des lunettes de soleil.

Dans un discours plus élaboré, Mme Madjiguène Cissé de Yoonu askan wi/Mouvement pour l’autonomie populaire lâche : ‘Face à l’injustice, le silence est criminel. Le chef de l’Etat du Sénégal, président de l’Oci, devrait réagir plus fermement’. Une position reprise par le président de l’Aeems, Mansour Ndiaye. ‘Nous demandons le gel des relations diplomatiques entre le Sénégal et Israël. Sur cette terre, nous ne pouvons pas accueillir des criminels’, martèle-t-il en marge d’une manifestation qui a duré une heure quarante-cinq minutes.