ASSASSINAT DE LA PHARMACIENNE BINTA DIA : L'Avocat général demande les travaux forcés à perpétuité pour Germain Bazemo et l'acquittement pour son coaccusé

La 3e session de la Cour d'Assises 2010 s'est ouverte hier sur une affaire d'assassinat. Au banc des accusés un Burkinabé et un Béninois, qui sont les présumés coupables de la mort de la pharmacienne Binta Dia, froidement tuée le 03 avril 2005 chez elle. En attendant la décision de la Cour qui a dû suspendre l'audience, à cause d'une coupure d'électricité, l'avocat général a requis les travaux forcés à perpétuité pour le Burkinabé Germain Bazemo et l'acquittement pour son coaccusé Franck Babatoundé.

Ils étaient hier deux accusés, à faire face à la Cour d'Assises, pour répondre du crime d'assassinat. Seulement, si la cour suit la logique de l'avocat général, seule la culpabilité de l'un d'eux sera retenue. En effet, rien dans les débats d'audience n'a permis, selon le parquet général, de retenir encore le Béninois Franck Babatoundé qui a déjà passé cinq ans en prison, sur la base des simples déclarations de son coaccusé, d'être maintenu dans les liens de la prévention. Pour comprendre cette affaire, il faut remonter au 03 avril 2005. À cette date, Momar Kébé Ndiaye qui venait de perdre son épouse il y a de cela deux ans et qui était fiancé à la victime Binta Dia, avait essayé en vain de joindre cette dernière, qui lui avait pourtant promis un déjeuner avec des amis. Ce qu'il ignorait, c'est que sa fiancée qu'il avait envisagé de marier le vendredi suivant, venait d'être froidement tuée à son domicile. En effet, c'est à peine quelques minutes après, que la domestique de la pharmacienne Binta Dia, qui est une ressortissante béninoise et qui revenait de l'église, a découvert le corps sans vie de sa patronne, baignant dans une mare de sang, à l'intérieur de la cuisine annexe. Avisé de cette découverte macabre, le fiancé qui avait dare-dare rappliqué sur les lieux avait à son tour saisi le docteur Yakhya Diop de Sos médecin, qui a d'ailleurs soutenu lors de son témoignage à la barre, que la victime dont la boîte crânienne avait éclaté, était déjà décédé à son arrivée. D'ailleurs, le certificat de genre de mort, a conclu à une mort suite à «un traumatisme crânien avec fracture et hémorragie interne et externe provoquée par un objet contondant et dur».

«La victime devait se marier le vendredi ayant suivi sa mort»

Si les éléments de la police du Point E qui ont mené au début l'enquête avant de la transférer à la Dic, ont constaté que la victime était couchée à plat ventre et qu'il n'y avait aucune trace de lutte et de désordre, il faut dire que c'est finalement grâce au portable de la victime que les limiers ont pu remonter jusqu'aux présumés assassins. La requisition adressée à la Sonatel, pour identifier les communications émises et reçues par la victime ont en effet permis de savoir que le portable qui avait disparu après le crime, était passé entre autres, entre les mains de Romain Bazemo, qui dit l'avoir recu de l'un des accusés Germain Bazemo, lequel lui avait fait croire que l'appareil appartenait à sa petite amie. Interpellé, ce dernier qui n'est autre que le cuisinier de la victime, a avoué à son tour avoir reçu l'appareil de son coaccusé Frank Babatounde, qui selon lui, avait eu l'idée d'éliminer sa patronne, afin de se retrouver seul gérant des biens de sa famille. Il faut dire que c'est la même thèse qui a été soutenue hier à la barre par le sieur Bazemo qui a souligné que le Béninois qui assistait médicalement le frère de la victime, avait sollicité son aide pour accomplir le forfait, moyennant une somme de 250.000 francs, un portable et un nouveau emploi. Revenant sur le déroulement même des faits, Bazemo, qui ne devait pas travailler les dimanches, mais qui s'est quand même rendu au domicile de sa patronne, soi-disant pour combler un jour d'absence, a soutenu qu'il a été rejoint sur les lieux par Babatoundé qui a asséné un coup à la tête de la victime, avec un chevron. Si à la police comme devant le juge d'instruction, Germain Bazemo avait avoué que c'était lui qui avait achevé sa patronne avec deux autres coups de pilon, il est revenu hier sur ses déclarations à la barre, en soutenant que c'est sous la menace de son coaccusé qu'il avait tenu de tels propos.

«Des tergiversations de Bazemo... à la constance de Babatounde»

Convaincus que leur client, qui avait jusque-là dit la vérité était en train de prendre une mauvaise pente, Me Alassane Cissé et son confrère de la défense ont demandé une suspension d'audience de 5 mn pour s'entretenir avec leur client. Un tête-à-tête à l'issue duquel Bazemo est revenu sur ses déclarations, pour passer à des aveux partiels. «Sous la menace de Babatoundé, j'ai pris le pilon et je lui ai donné un coup à la tête, mais le coup a dévié à côté de la tête de la victime». Il faut dire que c'est tout le contraire de son coaccusé, qui a catégoriquement nié les accusations portées sur sa personne par Germain Bazemo, depuis le début de l'enquête. Si Me Leity Ndiaye de la partie civile a réclamé le franc symbolique pour le compte des quatre frères de la victime qui ne réclament que justice, Me Ciré Clédor Ly et son confrère béninois, ont demandé à la cour de confirmer le réquisitoire de l'avocat général. Ce, acquittant leur client Franck Babatoundé, dont la culpabilité n'a pas été démontrée à la barre. Pour leur part, les avocats de Germain Bazemo, qui restent convaincus qu'il n'y a pas préméditation dans cette affaire, ont demandé une disqualification des faits d'assassinat en meurtre. La cour qui a dû suspendre son audience, à cause d'une coupure d’électricité, rendra son verdict, aujourd’hui, mais en attendant, Frank Babatoundé pourrait être acquitté, là où son coaccusé risque les travaux forcés à perpétuité.

Germain Bazemo, «un monstre froid» ?

La sérénité et la froideur avec lesquelles il a subi l'interrogatoire d'audience aura surpris plus d'un. Et pourtant, rien ne pouvait être plus grave que les faits qui lui sont reprochés. Accusé d'assassinat, Germain Bazemo qui est d'origine burkinabaise et qui a foulé le sol sénégalais en 2002, après quelques années passées en Côte d'Ivoire, est resté imperturbable durant toute la durée de l'audience. Qualifié de «monstre froid» par le conseiller de la partie civile, Germain Bazemo, qui avait laissé sa patronne morte, était par la suite aller faire la fête avec ses amis, en se payant un pot avec l'argent que la victime lui avait payé la veille. Il faut dire que la seule fois où il a semblé un peu perdu, c'est lorsque ses avocats, qui l'ont vu en aparté dans le box des accusés, lui ont demandé de cesser ses mensonges et de revenir aux aveux qu'ils avaient faits depuis le début de l'enquête. Ayant reçu une formation en hôtellerie, Bazemo comme l'appelle ses proches avait été recommandé à la pharmacienne Binta Dia moyennant un salaire mensuel de 100 000 francs. Il aura travaillé pendant une dizaine de jours au domicile de la victime avant le jour du crime. Un assassinat qui risque de se retourner contre lui, puisque même ses avocats sont convaincus de sa culpabilité. Pour autant, a rappelé Me Cissé lors de sa plaidoirie, il mérite des circonstances atténuantes. «Il a été en Côte d'Ivoire et a vécu dans un contexte de guerre, de rébellion et où la tuerie est quotidienne», a soutenu son avocat, qui est par ailleurs revenu sur l'enfance difficile sanctionnée par un manque d'affection paternel de son client qui n'a eu aucune relation sentimentale dans sa sinistre vie.