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BAPTÊMES DANS LES CLINIQUES : Mode ou réponse à la crise ?

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BAPTÊMES DANS LES CLINIQUES : Mode ou réponse à la crise ?

La meilleure prière qu’on peut souhaiter à une femme est qu’elle obtienne un enfant. La naissance d’un bébé fait souvent l’objet d’une cérémonie familiale où les gens pouvaient se restaurer sans bourse délier. Depuis quelques années, les baptêmes se célèbrent dans les salons des cliniques loin des regards indiscrets. Mode ou réponse à la crise ?. Enquête …

Les baptêmes dans les cliniques et les hôpitaux deviennent de plus en plus récurrents. Phénomène à la mode, diront certains. Manière de contourner les cérémonies fastueuses, diront d’autres. Les explications servies pour justifier cette nouvelle donne sont diverses. Nafissatou Guèye est une jeune femme âgée environ de 37 ans, mariée et mère de deux enfants. Son second enfant, elle a choisi de le baptiser dans la clinique où elle a accouché. Pourquoi ? Elle explique : « Je ne voulais pas organiser de cérémonie. Non seulement c’est très fatigant, mais cela coûte très cher ». Nafissatou a organisé une grande cérémonie à l’occasion du baptême de son premier enfant, sous l’influence de parents et amies.
« Taw da gnou koye nguènté nguèté lou reuy », me disait-on « un premier enfant, on doit le baptiser comme il se doit ». Mon mari a dépensé beaucoup d’argent et ma mère a rassemblé toutes ses économies en plus de ses tontines pour faire plaisir à ma belle-famille. Après cela, j’ai passé des moments difficiles parce que mon mari était fauché et je n’osais pas demander à ma mère, ni à ma belle-famille à qui l’on a tout donné, j’y compte même pas. Je me retrouvais toute seule avec mes difficultés. J’ai alors juré que plus jamais, je ne tomberais dans ce piège ». C’est ainsi qu’elle a eu l’idée de rester à la clinique jusqu’après le baptême.
« Là, je suis sûre que personne ne viendra m’importuner. On fait juste l’essentiel, c’est-à-dire donner un nom au bébé il n’y a aucune dépense à faire ». Tout comme Nafissatou, les femmes tombées dans le piège des cérémonies sont nombreuses. C’est le cas de Anta Faye. Sans détour, elle raconte sa mésaventure : « Je me suis mariée quand j’avais 19 ans. Je ne voulais pas être la risée de mes camarades donc, j’ai organisé une grande fête. Il y a eu beaucoup de dépenses. Nous n’avions pas fini de payer nos dettes que, 10 mois après, j’ai eu mon premier enfant. Il fallait organiser une autre cérémonie.
Ce que nous avons fait et que nous avons regretté par la suite puisque au lieu de régler nos problèmes, nous en avons rajouté et personne n’est venu à notre secours. Heureusement que nous sommes parvenus à décanter la situation. Quand j’ai eu mon deuxième enfant 3 ans plus tard, je n’ai pas hésité, je me sus dis, je reste à la clinique ». Adja Thiam, elle aussi a eu à baptiser un enfant dans une clinique : « je sais que mon mari n’a pas les moyens d’organiser une grande fête, je n’ai pas voulu le faire alors, je suis restée à la clinique où j’ai baptisé mon enfant, prétextant être malade pour que mes belles-soeurs ne le voient pas mal ».

Quand la maladie s’en mêle

Si ces femmes ont voulu fuir les dépenses en baptisant leurs enfants à l’hôpital, d’autres le font parce que n’ayant pas d’autre alternative. Ndèye Ly fait partie de ce lot. Ayant accouché par césarienne, elle a dû mettre une croix sur la cérémonie le temps de se remettre de son accouchement difficile : « J’étais très fatiguée. L’opération m’a beaucoup éprouvée. En plus les médecins ne voulaient pas me libérer avant dix jours, donc je suis restée. Mais cela ne veut pas dire que je ne voulais pas organiser une grande cérémonie, j’en rêve depuis longtemps ». Après être sortie de cette épreuve, Ndèye n’a pas hésité à faire la fête.
Elle raconte fièrement son histoire : « Mes belles-soeurs ont vu que je tardais à programmer le baptême, elles ont commencé à salir ma réputation disant que je ne voulais pas leurs faire de cadeaux. Alors je leur ai montré que ma mère est une grande drianké. Deux mois après mon accouchement, j’étais complètement rétablie, on a fait la fête et ma mère les a couvertes de cadeaux, elles n’ont rien trouvé à dire sinon que de faire mes éloges ». Contrairement à Ndèye, cette femme, la trentaine a préféré surseoir à la cérémonie. « Puisque j’étais malade, j’ai accouché par césarienne, j’en ai profité pour ne pas faire de baptême grandiose et gaspiller de l’argent.
Je me suis limitée là. Déjà que mon mari avait payé chère la clinique. Ces histoires de baptême moi j’y crois vraiment pas », confie-t-elle. Madame Diop aussi a fait comme ces femmes. Elle aussi malgré tous les efforts qu’elle a fournis pour organiser un baptême s’est vue clouée sur le lit de l’hôpital : « Durant les deux derniers mois de ma grossesse, j’ai commencé à tout mettre en œuvre pour un baptême réussi puisque c'était mon premier enfant. Malheureusement j’étais très malade et le baptême a eu lieu à l’hôpital. Je n’ai jamais voulu en reparler car je me disais que ce n’était pas la peine, j’ai laissé tomber.

L’avis des hommes

Loin d’en faire un drame, les hommes apprécient cette tactique des femmes. C’est le cas de l’époux de Anta Faye. Jeune homme de 38 ans environs, il s’est « ruiné », dit-il lors de son premier baptême. C’est la raison pour laquelle quand madame a préféré baptiser à la clinique, il n’a rien trouvé à dire, sinon remercier Dieu et aussi sa femme pour cette idée pertinente. « Je n’y revenais pas quand madame m’a dit qu’elle voulait rester à la clinique jusqu’après le baptême. Moi qui pensais déjà aux durs moments qui m’attendaient, parce que quand j’ai baptisé mon premier enfant, au lendemain c’était la dèche. J’ai souffert avant de revenir à une situation normale.

L’affaire des cliniques

En choisissant cette manière de magnifier leur progéniture, les femmes font l’affaire des cliniques. Madame Tall est sage-femme d'État, elle travaille dans une clinique privée de place. Dans la structure où elle sert, dans le mois, 4 à 5 baptêmes, parfois plus, y sont organisés. La clinique ne perd rien dans cette affaire, au contraire elle en gagne. Car confie Mme Tall, la femme reste près de 9 à 10 jours, soit cinq jours supplémentaires qui sont payés, alors que si elle ne baptise pas dans la clinique, elle n’est retenue que 3 à 4 jours après son accouchement. Cet état fait, les femmes en sont conscientes. Mais, elles préfèrent payer des jours supplémentaires plutôt que de dépenser des milliers de FCFA pour une cérémonie. Nafissatou Guèye a vite fait le calcul de ce qu’elle a gagné.
« À la clinique où j’ai accouché, je payais 22.500 fcfa par jour. Je suis restée là-bas 8 jours. Si je devais organiser une cérémonie, cela n’aurait pas suffi pour mon habillement. Je ne parle pas des repas, des tissus et de l’argent à distribuer ». Face aux exigences d’une cérémonie grandiose, beaucoup d’hommes optent pour le baptême dans les cliniques. Leur témoignage révèle des sauts d’obstacles qu’ils ont eu à réaliser.

Des hommes témoignent

Moussa fait partie de ces hommes qui ont toujours tourné le dos à la mondanité. Il a eu la malchance d’avoir une mère qui ne rate jamais l’occasion de mettre en exergue sa lignée. Elle se dit descendante d’un « Yax bu Rey ’  »(la noblesse. Devant la pression de sa maman et de ses sœurs, il était résolu à célébrer le baptême de son enfant à grandes pompes. Comme sa femme a subi une césarienne, l’occasion rêvée est arrivée. Sous le prétexte que son épouse est malade, il trouva la parade intelligente : « J’ai convaincu ma mère d’organiser un baptême très simple et attendre un mois après pour inviter tout le quartier de Guinaw-Rail. Cette promesse est restée lettre morte. Mon enfant a présentement deux ans » . Et notre interlocuteur d’ajouter : « Dieu merci, J’ai échappé ainsi au diktat de l’environnement immédiat ». Autre personne, Autre préoccupation. Il a peur de l’interprétation des voisins. Modou Sané habite dans le populeux quartier de Thiaroye. Une équation de taille hante son sommeil : ne pas organiser un baptême austère est synonyme de risée publique. Que faire ? « Après moult hésitations et sur conseil de mon ami intime, le baptême de mon enfant s’est déroulé dans une clinique de la banlieue en présence d’une dizaine de personnes ». La raison ? « J’étais fauché jusqu’aux os quand ma femme accouchait.
Secoué terriblement par les ordonnances et les soins, je ne pouvais plus me permettre de folles dépenses. J’ai été réaliste », s’enorgueillit-il non sans rappeler que tous ses projets se sont écroulés comme des châteaux de cartes sous la loi d’un entourage familial passionné d’ostentation. Pour Abdou Aziz Diop, un opérateur économique vivant dans un quartier huppé de Dakar qui a eu à séjourner dans les salons cossus de Hong-Kong soutient :’  Que le baptême se fasse à la clinique, dans la rue ou à la maison, là n’est pas l’essentiel. L’important, ce sont les contours qu’on donne à la manifestation ». Et subitement, M. Diop nous renvoie à une assertion d’un écrivain français du nom de Fromentin : « Le bonheur réside dans la limitation des forces et des désirs ». Les partisans de cérémonies familiales grandioses apprécieront.



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