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Boulot de vacances : Moi collégienne, cherche emploi domestique

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Boulot de vacances : Moi collégienne, cherche emploi domestique

Elles sont souvent des collégiennes venues amasser de l’argent à Dakar pendant les grandes vacances, ou encore des femmes ayant laissé enfants, époux ou familles au village. Leur lieu de prédilection étant la grande capitale où elles espèrent trouver de quoi tenir de retour au bercail. Mais le rêve ne devient pas parfois réalité...

Dakar, est la belle et prospère capitale pour bon nombre de nos filles vivant en milieu rural surtout. Il est tôt le matin. L’On se précipite qui, pour aller au travail, qui pour s’occuper d’autres choses. Ici, chacun a plus ou moins quelque chose à faire, à voir les incessants va et vient. Le vrombissement des voitures finit de vous convaincre que le temps manque à Dakar, l’argent aussi et personne n’est épargné par la quête quotidienne de subsistance. Les domestiques dont la profession semble de nos jours, accaparée par les jeunes étudiantes, sont de la mêlée. Elles sont de tous les âges (de 12 à 40 ans), ces jeunes filles qui se pointent au quotidien au rond point de Liberté 6, à la quête d’emploi et où elles passent leur journée à subir les tourments du chômage, bravant parfois la faim et la soif ; chacune espérant finir sa journée comme domestique dans une maison.

Coumba est une adolescente chétive en classe de sixième. Vêtue d’un tee-shirt marron et d’une jupette bleue juste à sa taille ; elle est assise sur son petit sac de voyage qu’elle a amené de son Fatick natal, attendant de trouver un emploi au rond point Liberté VI. Coumba transporte ainsi ses habits au cas où elle trouverait du travail sur le champ. Ses pieds sont recouverts de poussière à cause du porte à porte qu’elle fait entre Ouakam, où loge sa sœur, et ce lieu de convergence des chercheuses d’emploi. « J’ai plusieurs sœurs et frères au village et mes parents n’ont pas assez de moyens pour nous payer autant que nous sommes des habits pour la rentrée scolaire. C’est pourquoi je viens à Dakar espérant y trouver du travail pendant les vacances afin de me prendre en charge sur ce plan », confie-t-elle, le regard innocent, les yeux cernés par la fatigue. En effet, la jeune collégienne et les autres filles de son âge viennent à Dakar pendant les grandes vacances pour gagner un peu d’argent pour pouvoir rénover leur garde robe en prévision de la prochaine rentrée scolaire.

À coté de ces jouvencelles, des femmes mûres se sont aussi installées sur la longue allée goudronnée, qui sépare les deux quartiers (Liberté 6 et Liberté 5) et où règne une chaleur accablante, ce jour de vendredi 10 juillet 2009, comme il est de coutume pendant l’hivernage. Elles sont assises sur des pierres aux pieds des acacias qui bordent l’allée, comme pour se protéger des rayons du soleil ardents et profiter en même temps de l’ombre et de l’air frais. Une ambiance digne d’une après-midi de village. Originaires en grande partie de l’intérieur du pays, notamment de Thiès, Diourbel, Mbour, Diass, Bambey, Ziguinchor, Fatick entre autres localités, ces jeunes dames, pour la plupart ont arrêté leurs études depuis belle lurette. Parmi elles, certaines ont laissé des enfants au village, comme notre interlocutrice qui dit venir de Bambey mais qui préfère garder l’anonymat. « Je suis venue chercher de quoi entretenir mes 3 gosses que j’ai laissés au village », nous dit-elle. Tout en se curant les dents, elle aussi espère être choisie parmi la kyrielle de bonnes dans les plus brefs délais.

Il va sans dire que certaines d’entre elles pourront, par malchance, rester très longtemps à cet endroit sans trouver une embauche. Il faut avoir de la baraka pour sortir du lot. Mais il faut surtout s’armer de courage, de persévérance et une grande foi en bandoulière. « Je suis une fois restée un mois sans travail mais cette fois-ci, Dieu seul sait quand est-ce que je trouverai un emploi », déclare N. Sène d’un ton qui frôle le découragement. Néanmoins, toutes prennent leur mal en patience et gardent espoir « Yala bakh-na »(Dieu est grand). Le bruit des voitures roulant à vive allure, dégageant par moment un gros nuage de fumée noire mêlé à la complicité des klaxons assourdissants, crée un tintamarre assourdissant. On remarque que ces bonnes dames discutent par groupes de dix, de six etc. Peut-être qu’elles sont issues d’un même village ou d’une même contrée, d’où cette affinité qui se ressent et qui aide à vaincre la solitude ou « l’exclusion du groupe ». Certaines, angoissées par le chômage, ont le regard déséspéré. Cette douloureuse impasse d’inactivité dans laquelle elles se trouvent se lit à travers leurs yeux hagards. C’est ainsi qu’elles passent leurs journées du matin au soir sans manger ni boire dans l’espoir de trouver un travail à la sueur de leur front leur permettant de vivre dignement avec un salaire bien mérité.

La moyenne de salaire à laquelle prétendent ces filles et ces jeunes dames est d’un minimum de 35 000 F Cfa. Mais les plus petites, elles, se suffisent de 20000 F Cfa. Cependant, connaissant les réalités de la vie à Dakar, nul ne doute qu’il est très difficile, voire impossible de vivre pendant un mois avec cette somme, sachant qu’une partie doit être envoyée à la famille restée au village. « C’est très dur de vouloir subvenir à tous ses besoins avec ce peu mais on fait avec » déclare Aïssatou. Mais, même avec un salaire très modique (très en-deçà du SMIG), ces braves femmes rencontrent parfois des difficultés énormes pour se faire payer, par la faute d’employeuses qui les exploitent sans vergogne ou les fait courir, ne voulant simplement pas honorer leurs engagements. Et cela sans compter les aléas du travail domestique, notamment le traitement, parfois inhumain dont elles sont victimes ! Une situation difficile qu’elles déplorent, mais vivent la mort dans l’âme, n’ayant pas le choix.

Pa Samaké, Courtier ,Manageur de domestiques

Pa Samaké, de son vrai nom Soliba Samaké, fait partie de ceux qui régulent le « marché » de domestiques en quête d’emploi. Court de taille, il fait office de médiateur entre elles et leurs potentiels employeurs.

Cet ancien boy né en en 1939 au Mali où il a eu à exercer ce métier, débarqua au Sénégal en 1967. Tout à ses débuts, il continua ce métier à Dakar, histoire de se familiariser avec la capitale et ses habitants avant de se convertir en agent de sécurité. C’était en 1974. Il dut connaître ainsi plusieurs générations d’élèves dans une école à Colobane et à l’école Nollivé de Liberté 6. Du moment qu’il était gardien dans certains de ces établissements scolaires, il était régulièrement sollicité par des familles qui cherchaient une domestique. Et à force de les aider à dénicher l’employée rare, Soliba fut piqué par le virus de courtier en placement de domestiques. La passion de l’assistance des domestiques en bandoulière, il décide de s’installer au rond point de Liberté 6 sur autorisation de la mairie en 1997. Père de 9 enfants dont 5 garçons, « Pa Samaké » (comme l’appellent affectueusement les nombreuses filles qui se confient à lui), se maintient malgré son âge assez avancé. Il aime et exerce son travail avec brio. Son caftan d’un bleu délavé est rempli de photocopies de pièces d’identités, d’adresses et de numéros de téléphone d’employeurs et d’employés. Ces pièces constituent un gage de sécurité sur l’identité des employeurs et employés.

Il va sans dire que ce vieil homme ne manage pas en vain. Les personnes à qui il trouve des domestiques lui remettent 1000 ou 2000 F CFA en retour. « Mais je ne vis pas de cet argent, ce sont mes enfants qui m’entretiennent », tient-il à préciser. Pourtant, il lui arrive de gagner près de 7.000 F en une seule journée. Mais ce n’est pas l’argent qui l’intéresse dans cette affaire. « Je veux seulement aider ces filles et ces femmes ».

Les employeurs face à la hantise des vols

Certains employeurs ne semblent plus faire confiance aux domestiques qui font le porte à porte. Aussi, dans le but de mieux convaincre de leur probité morale, ont-elles choisi d’élire leur base au Rond point Liberté VI.

Les employeurs se plaignent au quotidien de vol d’argent, de bijoux de la part de leur domestique. Et même si, dans certains cas elles sont innocentes, il n’en demeure pas moins qu’elles sont toujours les premières à être indexées dès qu’une chose disparait là où elles travaillent. Pour ne plus avoir à essuyer des accusations non fondées, ces domestiques préfèrent ne plus déambuler. « Avant, on faisait du porte à porte. Nous ne le faisons plus de nos jours que malgré nous, car, c’est dur de rester longtemps aussi à attendre », déclare K. Diédhiou, une jeune domestique élancée, de teint clair, avec une gencive noircie au tatouage. Néanmoins, elle reconnait qu’il existe des « brebis galeuses » dans leur corporation. « Parfois des collègues se présentent comme domestiques mais en réalité, elles cherchent un moyen de se faire de l’argent de façon malhonnête et elles ne nous honorent pas vraiment ». Une autre d’ajouter que c’est à cause d’elles que certains employeurs se méfient. « Cela est vrai car les employeurs préfèrent prendre leurs gardes. Surtout ceux qui ne passent pas la journée dans leur maison qu’ils laissent à la merci d’une domestique indélicate ». Cependant, ce choix est relatif car d’autres employeurs comme Mme Ndiaye, trouvent que les bonnes qui font le porte à porte sont plus sérieuses. Elle nous dit que toutes les bonnes qu’elle a eues à embaucher l’ont été devant la porte de sa maison. « Et qu’aucune parmi celles qui circulent de porte à porte ne lui a volé quoi que ce soit. En tout cas je ne me suis jamais plainte ».



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