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BRICE HORTEFEUX, MINISTRE FRANÇAIS DE L’IMMIGRATION, DE L’INTEGRATION, DE L’IDENTITE NATIONALE ET DU CODEVELOPPEMENT : « Les tests ADN ne concernent pas les Sénégalais »

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BRICE HORTEFEUX, MINISTRE FRANÇAIS DE L’IMMIGRATION, DE L’INTEGRATION, DE L’IDENTITE NATIONALE ET DU CODEVELOPPEMENT : « Les tests ADN ne concernent pas les Sénégalais »

Brice Hortefeux, ministre français de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité nationale et du codéveloppement est au Sénégal pour une visite de deux jours pour poursuivre et approfondir la concertation mise en place depuis dix-huit mois, à l’initiative du présidents Wade et du président Sarkozy, qui était alors ministre d’État. Dans l’entretien avec nos confrères, il aborde plusieurs points d’actualité dont les tests Adn qui, selon lui, ne concernent pas les Sénégalais.

M. le Ministre, vous êtes au Sénégal pour une visite de deux jours. Peut-on savoir les sujets que vous comptez traiter avec les autorités ?

Je suis à la fois heureux et fier de ma visite à Dakar. D’abord, parce que le « modèle sénégalais », dont l’un des principaux artisans fut Léopold Sédar Senghor, constitue une référence pour tout le continent africain. Ensuite, parce que le Sénégal et la France dialoguent d’égal à égal pour relever ensemble les défis de l’immigration.

J’ai souhaité poursuivre et approfondir la concertation mise en place voilà dix-huit mois, à l’initiative du président Wade et du président Sarkozy, qui était alors ministre d’État. C’est ici que, le 23 septembre 2006, fut signé l’accord fondateur de notre nouvelle politique d’immigration concertée.

C’est pour évoquer cette nouvelle politique que je serai reçu aujourd’hui par le président Wade, un ami cher à la France et un homme d’État précieux à l’Afrique. Après une première rencontre au mois de juin dernier, puis une deuxième en décembre à Paris, cette audience dont le président me fait l’insigne honneur démontre que nos deux pays ont à cœur d’avancer ensemble sur un sujet aussi essentiel pour leur avenir que les migrations et le codéveloppement. Je voudrais, d’ailleurs, remercier le Sénégal pour sa participation active à la préparation de la deuxième conférence ministérielle euro-africaine sur les migrations et le développement qui se tiendra à Paris, les 20 et 21 octobre prochains.

Vous allez signer, avec M. Ousmane Ngom, le ministre sénégalais de l’Intérieur, un avenant à l’accord du 23 septembre 2006 sur la gestion concertée des flux migratoires. Pouvez-vous nous en faire l’économie ?

Nous souhaitons prolonger l’accord de 2006 pour faciliter la circulation, entre nos deux pays, des personnes exerçant une activité professionnelle. L’équilibre de cet accord doit beaucoup à la sagesse des autorités sénégalaises. Permettez-moi d’y voir la confirmation des vertus de notre indispensable dialogue.

L’immigration choisie défendue par votre ministère a suscité de vives réactions en Afrique. Comment pouvez-vous concilier cette politique d’aspiration des élites africaines avec celle d’aide au développement de notre continent ?

Les choses sont très claires : pionnière parmi les pays européens, la France refuse de la plus ferme des manières le pillage des cerveaux. Nous ne voulons pas accaparer les forces vives de l’Afrique, mais, au contraire, mettre en place une circulation des compétences qui profite à tous. Plus globalement, notre politique a l’ambition d’être équilibrée, cohérente, à la fois ferme à l’égard des personnes qui ne respectent pas les lois de la République française et protectrice des immigrés légaux qui souhaitent s’intégrer. Pour la première fois, cette nouvelle politique est définie de manière concertée avec les pays d’origine de l’immigration. Et cette immigration concertée, je ne la conçois pas sans un vigoureux effort de codéveloppement.

Vu d’Afrique, on a l’impression que votre ministère est celui des reconduites aux frontières (votre objectif pour 2007 était de 25.000 expulsions de clandestins), alors que vous êtes également chargé de l’intégration et du codéveloppement. Quels sont vos projets et vos réalisations dans ces deux domaines ?

Au-delà de la lutte contre l’immigration irrégulière, la nouvelle politique d’immigration de la France vise à favoriser l’intégration des immigrés et le développement de leur pays d’origine. Je suis, avant tout le ministre des immigrés légaux. Je m’assure qu’ils bénéficient des mêmes droits économiques et sociaux que les Français. Je me bats pour qu’ils puissent trouver un emploi, facilitant leur intégration. C’est le sens, par exemple, du bilan de compétences qui est désormais proposé à chaque migrant s’installant dans notre pays.

J’entends, par ailleurs, poursuivre et amplifier nos actions de codéveloppement. Je souhaite, en particulier, que nous aidions les migrants qui désirent transférer leur épargne au pays. Pour favoriser la concurrence sur ce marché et, à terme, faire baisser les prix, j’ai soutenu la création du site internet « envoidargent.fr » qui permet aux migrants de comparer les coûts de transactions. Pour le Sénégal, j’ai pu constater qu’il existait pas moins de quatorze offres différentes et que, pour transférer 100 euros en une heure, la commission variait de 6 à 19 euros ! Je souhaite aussi que les banques sénégalaises s’associent aux banques françaises pour offrir aux Sénégalais de l’extérieur des produits bancaires leur permettant d’investir plus facilement au pays. Pour cela, nous avons créé deux instruments financiers : le compte et le livret épargne codéveloppement.

Sur la question du regroupement familial, vous avez introduit les tests Adn, bien sûr avec quelques garanties apportées par l’Assemblée nationale. Mais, on ne comprend pas pourquoi cela vise l’Afrique noire uniquement, si l’on sait que le Maghreb en est dispensé. Comment expliquez-vous cela ?

C’est une question sensible, je le sais. Je mesure également qu’en Afrique, elle a suscité des inquiétudes, des incompréhensions voire des malentendus que je souhaite dissiper. Chaque année, des milliers de personnes de bonne foi ne peuvent rejoindre leur famille en France faute de disposer d’un document d’état civil prouvant leur filiation. Comme douze autres États européens, la France leur offre désormais un moyen supplémentaire de preuve. J’ai personnellement veillé à ce que cette mesure s’inscrive dans un cadre juridique à la fois précis, protecteur et respectueux de la dignité humaine. Ce dispositif sera applicable, à titre provisoire, dans une dizaine de pays, sur plusieurs continents. Nous ne proposerons les tests qu’à des pays qui les pratiquent déjà et où l’état civil est défaillant. C’est pourquoi nous ne proposons pas au Sénégal de bénéficier de ce dispositif. En effet, entre 1997 et 2004, la France a aidé à la remise à niveau de l’état civil sénégalais à hauteur de près de 200 millions de francs Cfa [soit 300.000 euros]. L’établissement de tests Adn n’apparaît pas nécessaire au Sénégal. Il n’y aura donc pas de tests Adn dans votre pays.

Des enfants sont scolarisés en France, alors que leurs parents, immigrés irréguliers, sont reconduits aux frontières ? Qu’avez-vous prévu pour prendre en charge ce cas de figure ?

Je rappelle un principe clair : la France a le droit de choisir, comme tout pays, comme le Sénégal, - ni plus, ni moins - qui elle veut et qui elle peut accueillir sur son territoire. Cela signifie que, sauf situations particulières, tout étranger en situation irrégulière a vocation à être reconduit dans son pays d’origine, de manière contrainte s’il le faut, mais autant que possible de manière volontaire.

S’agissant des enfants scolarisés en France dont les parents résident illégalement sur notre territoire, j’ai pour souci permanent de conjuguer justice, fermeté et clarté. Je le dis tranquillement : si le droit à une scolarisation est imprescriptible, je ne créerai pas une nouvelle filière d’immigration clandestine en laissant croire que la scolarisation donne un droit automatique à un titre de séjour. Aucun pays au monde ne le fait, je ne vois pas pourquoi la France devrait innover en la matière.

La France compterait 14.000 réfugiés. Mais l’acquisition de ce statut est devenue difficile, malgré les multiples demandes justifiées. Pour quoi une telle restriction ?

Vous n’y êtes pas ! D’abord, votre estimation est bien en-deçà de la réalité : la France compte actuellement non pas 14.000, mais plus de 126.000 réfugiés. Ensuite, nous avons accordé, en 2007, le statut de réfugié à 8.744 personnes, soit une augmentation de 19% par rapport à 2006. Vous le voyez, la France demeure plus que jamais fidèle à sa tradition séculaire d’accueil des personnes persécutées.

Avec les difficultés d’obtention du visa pour la France, hommes d’affaires et étudiants africains se tournent de plus en plus vers les pays anglo-saxons ? Ne craignez-vous pas, à terme, une perte d’influence de votre pays en Afrique ?

Nous sommes favorables à la circulation des talents et des compétences, nous en avons même fait la pierre angulaire de notre nouvelle politique d’immigration. Aujourd’hui, 80% des visas demandés par des Sénégalais pour venir en France sont accordés. Ce chiffre démontre que, parmi les pays occidentaux, c’est la France qui est le plus ouvert. En 2007, nous avons délivré 22.480 visas à vos compatriotes. J’ajoute que, grâce aux visas de circulation prévus par l’accord de 2006, des hommes d’affaires, mais aussi des intellectuels, des universitaires et des artistes peuvent séjourner trois mois par semestre en France.

Nous voulons, enfin, mieux accueillir et orienter les étudiants sénégalais qui nous font l’honneur de choisir les universités et les grandes écoles françaises pour venir s’y former. Actuellement, la France en accueille 9.200, c’est-à-dire 80% de vos compatriotes qui étudient à l’étranger. L’expérience acquise en France par cette jeunesse pleine d’énergie et de talent est, à mes yeux, le meilleur gage de l’amitié de nos deux peuples.

Interview réalisée par Ibrahima MBODJ et Habib Demba FALL



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