Les mendiants de la mosquée «bambara» de la rue Fleurus angle Escarfait ont la particularité d’être à la fois pauvres et riches. Ils n’apprécient pas qu’on leur attribue le deuxième qualificatif. Et pour cause ils veulent demeurer des nécessiteux pour faire fleurir leur business : amasser le maximum d’argent possible en vue de rentrer pour construire une maison au pays, en plus d’être soutien de familles pour les parents restés sur place, comme le sont les émigrés. Seulement, le manège n’est pas le même. Si les émigrés, en général, envoient de l’argent par transfert bancaire, les mendiants eux restent liés à la très vieille méthode du «main à main» : plus discrète. Ce qui permet de ne pas passer pour un cossu aux yeux des autres.
Le repaire
Le quartier général de ces nécessiteux se trouve coincé entre les rues Fleurus et Escarfait. Au bas de la mosquée à 4 étages se retrouvent entassés femmes et enfants sous le seul arbre de la place à l’ombrage très réduit. Le camion sous lequel ils avaient élu domicile depuis quelque temps a fini à la fourrière. Ce qui les a contraints à migrer vers la mosquée située à un jet de pierres. Plus qu’un simple lieu de repos ou de détente, c’est une vraie habitation pour ces derniers qui ne jugent pas utile de payer la location d’une maison. À première vue, on se croirait au domicile d’un malade mental. Rien ne renvoie à une vie décente. À l’intérieur de la grille de protection du groupe électrogène de ce lieu de prière se trouvent superposés vêtements, bouteilles et ustensiles de cuisine dans un désordre indescriptible plus absolu. Tout pour renvoyer à la misère.
Le procédé
C’est dans cette pauvreté apparente qu’offre leur environnement que ces nécessiteux appliquent à la lettre la notion d’économie. Aux premières heures de la matinée, ils se dispersent pour aller occuper l’entrée des grands bâtiments du centre ville. À la mi-journée, ils rentrent au quartier général pour faire les comptes de la matinée. Les pièces récoltées sont par la suite échangées contre des billets. Il était 13h 05 quand Harouna revenait de la boutique tenant dans sa main des coupures de 1000 FCFA. Pour éviter tout gaspillage, ces mendiants ont trouvé une astuce : s’organiser en tontine. Ainsi, ils amassent des sommes importantes en vue d’un avenir meilleur une fois au bercail. L’argent récolté du tirage de ces tontines est envoyé aux parents restés sur place pour la construction de maison. Il est quasi impossible de communiquer avec eux. Ne comprenant pas le Wolof, ils communiquent par des signes si vous les interpellez. D’ailleurs dans cette ruelle de Fleurus, on se croirait à Bamako. La langue la mieux partagée étant le bambara. Dormant à la belle étoile, ils se couvrent de toile en période hivernale. Ils se privent de tout pour tout épargner. C’est pourquoi, ils ne se soucient pas de leur bien-être. Les taches noirâtres autour du cou et leurs vêtements plus que sales témoignent de l’irrégularité des toilettes corporelles. Mais peu importe. Ils semblent pouvoir s’en passer du moment que leurs affaires continuent à fleurir à la rue Fleurus.
MAMADOU ALPHA SANE (STAGIAIRE)
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