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CHÔMAGE DES JEUNES A PIKINE ET GUEDIAWAYE : Dans l’univers de la débrouille et de la résignation

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CHÔMAGE DES JEUNES A PIKINE ET GUEDIAWAYE : Dans l’univers de la débrouille et de la résignation

L’appel présidentiel pour dénicher des emplois aux jeunes de la banlieue ramène à s’interroger sur les difficultés vécues par cette tranche de la population qui vit dans une pauvreté générale. Le chômage, au-delà des jeunes des banlieues, touche également une bonne portion des jeunes femmes. Mais, aussi, on compte nombre de quartiers autrefois aisés et, aujourd’hui, sont gagnés par les difficultés. Nous vous proposons une série de reportages sur quelques quartiers dakarois.

Espoir et scepticisme. Les jeunes chômeurs de Pikine et Guédiawaye apprécient diversement les promesses d’emploi du gouvernement. En tout cas, la concrétisation de ce vœu changerait sans doute leur univers gagné par le stress.

« Le matin, je me réveille à 9 heures. Sans prendre le petit déjeuner, je quitte le domicile familial pour y revenir vers 13 heures 30 pour déjeuner. J’avoue que j’ai souvent honte de regarder mes parents dans les yeux au moment de manger. Parce que je sais que c’est moi qui devais donner l’argent qui a servi à bouillir la marmite », confie Ibrahima Niang. Le visage renfrogné, ce jeune vit au quartier Cheikh Wade de Guédiawaye, au cœur de la banlieue dakaroise. Chétif, il a les lèvres noircies par la cigarette qui semble lui servir d’échappatoire. « C’est mon occupation quotidienne. Je fume trop pour vaincre le stress. Depuis plus de deux ans, je ne travaille plus », affirme-t-il. Pourtant, notre jeune interlocuteur est pâtissier de formation. Et s’il ne travaille pas, ce n’est pas sa faute. « J’ai tapé en vain à toutes les portes. Mais, ma situation est restée entière. Aujourd’hui, je ne crache sur aucun métier », fait-il savoir. Un choix qu’il partage avec Ngagne Ndiaye, un jeune chauffeur de profession habitant le même quartier. « Depuis plus de 15 ans, je suis avec mon permis de conduire. Je ne parviens pas à trouver un travail stable. Chaque jour, on vient faire le pied de grue chez nos collègues chauffeurs pour avoir au moins quelque chose pour tenir », explique-t-il.

Ngagne Ndiaye rejette les propos selon lesquels les jeunes manquent de formation pour prétendre à un emploi. « Je suis instruit. Je sais conduire un camion gros-porteur », lance-t-il comme contre argument. Un autre chauffeur approuve en hochant la tête. Mieux encore, il renseigne : « nous sommes plus d’une centaine de chauffeurs à squatter ce lieu. Nous avons une expérience professionnelle, mais nous n’avons personne pour nous aider à trouver un poste de travail ». La stratégie de survie des chauffeurs reste la même : faire le « siruman » (chauffeur occasionnel), attendre sous une tente aménagée à côté du mur de « Gallé pulaar », une maison située sur les deux voies de « Cheikh Wade » qu’un collègue en fonction se pointe pour lui arracher son taxi pour quelques heures afin d’avoir la dépense quotidienne. Et ce système de solidarité paie davantage, à les en croire. « Le nombre de chômeurs croit. Il devient de plus en plus impossible de s’entraider », expliquent les chauffeurs qui disent être laissés en rade dans la réforme du secteur des transports urbains avec les nouveaux bus et les taxis. C’est pourquoi, même si certains d’entre eux restent sceptiques sur la décision du gouvernement d’engager la bataille pour donner un emploi à chaque jeune de la banlieue, ils ne se privent pas de lancer à l’endroit des autorités : « Si Abdoulaye Wade règle la situation des chauffeurs, il aura résolu un grand problème dans la banlieue », estiment-ils. L’univers des chauffeurs ne contraste pas trop avec celui des autres couches sociales de Guédiawaye. « Rien n’est plus difficile que de se réveiller tous les matins avec ses parents et ne pas avoir les moyens de les aider. J’ai 27 ans et c’est ma mère qui continue d’assurer la dépense quotidienne chez nous. Mon père est décédé depuis longtemps », confie le jeune El-Hadji Niang. Notre interlocuteur plonge dans la lecture des journaux de sport pour oublier ses difficultés quotidiennes. Ayant abandonné l’école au Cours moyen, il dit être incapable de subir une formation professionnelle. Les moyens financiers font défaut.

Si on nous finance...

Le manque de formation reste un grand facteur bloquant pour bon nombre de jeunes de la banlieue. « Si on nous finance, nous pourrions nous lancer dans le commerce », propose, Pape Thiam, un habitant de Guédiawaye. Sur la Rue 10 à Pikine, les magasins et ateliers de coiffure ou de mécaniques qui jouxtent la route commencent à ouvrir leurs portes. Sur le trottoir, des jeunes en tenues côtoient des écoliers. C’est également le début des activités au marché situé à côté de la route. La même ambiance est de mise au rond-point, près de la mosquée. Les yeux bien masqués par des lunettes noires, un jeune hèle les passagers pour le compte d’un car de transport en commun. D’autres font les mêmes gestes que lui. « A défaut de travailler, nous installons nos quartiers ici. C’est une sorte de garage. Chaque car est obligé de débourser quelque chose pour embarquer des clients. C’est comme ça que nous gagnons notre vie », lance un jeune. A une trentaine de mètres du garage, quatre jeunes sont autour d’une théière plongée dans un fourneau en feu. Une odeur de thé se dégage. « Nous faisons du « matinal ». On se cotise tous les matins pour acheter du thé. De 09 heures à midi, nous discutons et scrutons l’atmosphère du quartier », tonne Laye Ngom qui ajoute que leur assemblée compte d’autres jeunes, tous chômeurs. Sans formation. Ce regroupement cache-t-il d’autres occupations de ces jeunes ? En tout cas, l’un d’entre eux explique que les agressions contre des citoyens sont le plus souvent dues au stress et au manque de moyens. Il se démarque toutefois de ces forfaits.Mais, leur attitude ne cadre pas avec ce qui doit être celle d’un « bon jeune », selon Amath Diop, un commerçant. « On ne doit rien attendre de personne. Rester matin et soir à la maison, quémander de l’argent pour avoir du thé et accepter d’être toujours sous la coupe des parents n’est pas responsable ». Il ajoute : « il faut que les jeunes de la banlieue fassent des efforts. L’Etat doit aussi faire son devoir, parce que c’est la pauvreté qui explique les agressions contre les citoyens ».

Pape Fall, un homme d’affaires de la rue 10, partage cet avis. « C’est en luttant que les jeunes se feront respecter. Ils doivent se battre eux-mêmes ». M. Fall ne s’est pas privé de se démarquer des promesses de l’Etat. « Les emplois promis aux jeunes de la banlieue n’engagent que ceux qui y croient. C’est l’approche des élections locales. Ils font tout pour créer l’espoir afin de récolter des suffrages. Les jeunes doivent en être conscients ». Devant sa mercerie, Moustapha Diop marchande avec El Hadji Mané, un jeune tailleur. Notre présence change le sujet de discussion. « Je ne crois pas aux promesses. Que chaque jeune essaie de se construire lui-même pour aider ses parents », dit Moustapha Diop. «

Si le gouvernement affirme qu’il va aider les jeunes, tout le monde doit y croire », rétorque M. Mané qui estime que ce que l’Etat peut et doit faire, c’est de renforcer la sécurité des personnes vivant dans la banlieue pour leur permettre de mieux travailler. Bathie Sène, le plus jeune du groupe tranche : « attendons de voir. Comme c’est une promesse, les gens doivent les attendre aux actes. Ibrahima Diop pense de son côté que la priorité doit être mise sur la baisse des denrées de première nécessité et la fin des embouteillages. La réalisation de ces deux éléments pourrait donner un nouveau souffle à la banlieue, selon Maguette Thiam, une vendeuse qui pense aussi que Wade ne doit pas oublier les femmes de la banlieue.



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